Alors que Tencent, géant chinois de l’Internet qui intègre le top 5 des plus gros groupes mondiaux, devient avec plus de 600 millions de clients la plus grande banque du monde en nombre de clients, plus près de nous Amazon et BlaBlacar s’engagent dans le secteur de l’assurance. Quelques exemples, parmi d’autres, qui prouvent que ces nouveaux leaders mondiaux peuvent reconfigurer rapidement le panorama de l’assurance. De tout temps, nous avons constaté l’arrivée de « nouveaux entrants ». Ce qui est nouveau, c’est la conjonction de la puissance de ces groupes et la vitesse à laquelle se passe la révolution numérique. Celle-ci a des implications dans toutes les industries et se propage à une vitesse jamais observée. Cette révolution numérique arrive avec une force et une vitesse considérables, elle n’est pas qu’une évolution de la troisième révolution industrielle vers plus d’informatisation et d’automatisation, mais une révolution qui transforme la société et le monde de l’entreprise. Rappelons juste un chiffre très frappant : depuis 2000, la moitié des entreprises du classement « Fortune 500 » ont disparu de cette liste ou se sont fait racheter. Inéluctablement. Le secteur de l’assurance doit tenir compte de ce contexte macro et ne pas se sentir à l’abri de tout bouleversement. L’assurance se transforme globalement et doit en particulier transformer ses offres de services.
Vers le care connecté ?
Aujourd’hui, les objets connectés font partie intégrante de notre quotidien. Les Français les acceptent et les utilisent régulièrement comme le montre le Baromètre 2017 « les Français et les objets connectés »* qui précisent que 45% des Français considèrent que les objets connectés représentent une révolution, que 58% des Français déclaraient très bien et plutôt bien connaître les objets connectés et qu’ils sont 52% à posséder au moins un objet connecté. Historiquement, les acteurs du secteur de l’assurance sont engagés dans la prévention. Que ce soit de la prévention routière, santé, de l’habitat ou en entreprise, les entreprises du secteur de l’assurance proposent et mettent en place un certain nombre d’actions. Mais celles-ci évoluent-elles au même rythme que la révolution numérique ? Pouvons-nous véritablement parler de prévention connectée ? De plus en plus, car les initiatives liées aux objets connectés se multiplient, même si elles sont parfois un peu trop éparpillées. Cependant elles ont un grand mérite, celui d’exister et d’être proposé à un nombre de plus en plus importants de clients sur trois domaines en particulier, mais non exhaustifs : la santé augmentée pour essentiellement de la prévention primaire et secondaire, la maison connectée avec des services de détection divers (intrusion, incendie, inondation, monoxyde de carbone, …) et la route sécurisée, plus communicante et intelligente qui réduira significativement les risques d’accidents et ses conséquences humaines, matérielles et financières. Cet engagement, cette sollicitude, forme une sorte de « care » connecté qui doit permettre, sur le long terme, de diminuer les risques et les sinistres. Les clients semblent prêts à prendre le virage de cette « prévention numérique », et les entreprises du secteur doivent continuer de s’engager sur ce sujet, tout en y associant, peut-être, de nouveaux modèles économiques.
Vers l’assurance personnalisée ?
Avec le développement des objets connectés, les offres d’assurance liées à des véhicules connectés se multiplient : pay as you drive, pay how you drive, pay when you drive. Le pay as you drive permet d’ajuster l’offre d’assurance par rapport au nombre de kilomètres parcourus. Au-delà de cette personnalisation, ce type d’offre a un certain nombre de conséquences vertueuses : une forme de prévention en agissant directement sur le comportement de l’automobiliste, une conséquence de réduction du nombre de kilomètres parcourus qui profite à tous (pollution par exemple) et qui permet des économies non négligeables pour le client (essence, entretien véhicule, …) Le pay how you drive va encore plus loin en offrant des réductions sur les cotisations grâce à une analyse du comportement de conduite (freinage, vitesse,…). La démarche ne vise pas à sanctionner les mauvais conducteurs mais à récompenser les bons. L’objectif n’est pas de faire reposer la cotisation uniquement sur la qualité de la conduite mais de donner une forme de « bonus » aux bons comportements des conducteurs. Et au-delà de l’impact sur les tarifs, le client a plus d’informations sur sa conduite ce qui permet de l’améliorer. En termes d’innovation, un coach de conduite est parfois embarqué dans le dispositif connecté. Il détecte les virages, freinages et la vitesse du véhicule. Récemment, une startup a lancé une offre pay when you drive via smartphone, l’assurance à la journée. En téléchargeant l’application, la personne à la recherche d’une assurance peut obtenir un devis et souscrire immédiatement en ligne. Par la suite, en pratique, un badge installé à l’avant du véhicule (pare-brise, rétroviseur…) se charge de contrôler les périodes d’usage du véhicule et fait évoluer quotidiennement le montant des cotisations. Ces objets connectés apportent une dose de personnalisation des offres et des services liés aux assurances automobiles.
Vers de nouveaux modèles d’assurance ?
Nouveaux comportements, nouveaux besoins, nouvelles technologies, nouvelles réponses ? Les besoins des clients évoluent. Certaines insurtechs essaient de bouleverser le marché de l’assurance et apportent de nouvelles sortes de contrats d’assurances comme par exemple l’assurance à la demande. Offre en rupture, l’assurance on-demand est 100% digitale et sans contrainte de durée. Disponible sur Google Play et l’Apple Store, l’application permet en un seul clic d’assurer ses objets personnels au jour le jour, en fonction de ses besoins. L’assurance à la demande permet d’activer et de désactiver instantanément une assurance pour un ou plusieurs objets personnels listés dans l’application. L’utilisateur assure ses objets personnels où qu’ils soient, pour quelques centimes par jour et par objet. L’application dispose d’une base de données considérable, qui lui permet de connaître la valeur en temps réel de plus de 10 millions d’objets. L’utilisateur bénéficie donc d’un coût d’assurance adapté à la valeur exacte de son objet. D’un simple clic à l’aide d’un bouton “On/Off”, l’utilisateur souscrit, pour le ou les objets de son choix, à une assurance qui prend effet immédiatement et sans contrainte de durée. Une fois activée, la garantie couvre chaque objet assuré dans le monde entier.
L’économie collaborative est en plein boom depuis plusieurs années et représente une part de plus en plus importante des échanges entre particuliers. Installée dans les habitudes de consommation des Français, l’assurance collaborative (souvent aussi appelée Peer-to-Peer ou P2P) reste pour sa part relativement peu utilisée, pour l’instant en France. Alors l’assurance collaborative serait-elle l’avenir de l’assurance ? Serait-elle une nouvelle forme de mutualisation ? Depuis quelques années ce modèle d’assurance, avec un partage du risque entre les membres d’un même groupe, se déploient. Depuis quelques années, nous voyons éclore des initiatives dont l’objectif est d’offrir plus de transparence aux clients, de réduire le coût des cotisations sur la base d’un déploiement digital dopé récemment à l’intelligence artificielle. L’émergence de communautés utilisant Internet pour communiquer, l’explosion des réseaux virtuels ou encore le développement de plateformes communautaires et collaboratives conduisent logiquement à se poser des questions. La notion de communauté de clients existe déjà, de nombreux exemples existent, par exemple, celle de la tontine accumulative (association en vue d’épargne et de prévoyance) en Afrique de l’Ouest et surtout des mutuelles, associations à but non lucratif dont les membres s’assuraient mutuellement contre certains risques. Tout l’enjeu est donc de savoir ce qu’Internet apporterait à cette notion « vieille comme le monde ». Le « peer to peer » est par définition un système sans organe central et donc sans régulateur qui peut paraître aux antipodes du caractère extrêmement régulé de l’assurance. L’assurance « peer to peer » correspondrait à de l’auto assurance d’une communauté de personnes formées grâce à une plateforme Internet et dont les rôles seraient, de proposer une mécanique assurantielle, d’animer la communauté (sélection et exclusion) et de garantir les flux financiers (collecte de primes, paiement des sinistres). Avec les smarts contracts, les assurances collaboratives pourraient se développer à grande échelle.
Récemment une assurance dédiée à la communauté des conducteurs de véhicules électriques a été lancée. Les garanties d’assurances ont été pensées avec les usagers afin de répondre à des besoins spécifiques : indemnisation de la batterie, qu’elle soit en location ou en propriété, indemnisation des accessoires de recharge livrés avec la voiture, services d’assistance adaptés aux pannes d’énergie,… . Un panel de services est aussi spécifiquement pensé pour la communauté : l’accès à des tarifs négociés pour la location occasionnelle de véhicules thermiques (pour les week-ends et vacances par exemple), l’accès exclusif à un service d’expertise pour la remise en état du véhicule à la fin du LOA ou LLD, l’accès à des tutoriels écrits par les clients eux-mêmes, un cadeau de bienvenue pour tous les nouveaux membres comme par exemple une carte de recharge multibornes,… et la possibilité de bénéficier d’une redistribution de prime en fin d’année si la communauté a déclaré peu de sinistres. Ces assurances apportent une plus grande transparence et une dose de responsabilité pour éviter de piocher inutilement dans un fond de garantie tout en conservant une sécurité nécessaire pour faire face aux sinistres.
L’assurance sans intermédiaire, l’auto assurance, est le stade ultime de l’assurance collaborative et supprime les intermédiaires pour s’auto-assurer. Le principe consiste à ce que la plateforme, propose à ses membres d’être leur propre compagnie. Chaque client verse une prime selon un algorithme calculé par le site internet, selon la valeur du bien à assurer et la couverture choisie. La cotisation peut même être payée en bitcoins, monnaie elle-même collaborative sans intermédiaire bancaire. Ce système extrême ne couvre pour le moment que les petits risques et peine à trouver son rythme de croisière.
Vers de nouveaux risques et de nouveaux services !
Le risque est permanent, pour les entreprises, les particuliers, … et le secteur de l’assurance s’engage pour anticiper un certain nombre de risques. L’assurance a un savoir-faire irremplaçable en matière d’identification du risque et de mesures d’anticipation, qui lui permet de « jouer » un rôle de « vigie » et de conseil tant auprès des pouvoirs publics que de la population. Probablement que ce rôle de conseil, d’information, d’anticipation et de prévention devra être encore beaucoup plus développé et visible du grand public. Face aux changements, face aux mouvements de toutes sortes, le secteur de l’assurance collecte et analyse de multiples données et cherchera à sensibiliser les acteurs publics et privés à l’importance de l’anticipation. L’information, la pédagogie dans le cadre de l’anticipation des risques, est essentielle et devra permettre d’aider les personnes à mieux connaître, mieux comprendre les risques qu’ils encourent. L’assurance doit être en mouvement, tout le monde le concède, et passer du rôle historique de « payeur » à un rôle complémentaire de préventeur, d’anticipateur, d’accompagnateur de vie. Les marques d’assurance doivent s’approprier ce nouveau rôle, le revendiquer et surtout communiquer fortement et intelligemment auprès du grand public. Ces marques d’assurance peuvent aussi permettre d’élargir l’accès à l’assurance aux publics vulnérables avec des offres solidaires aux garanties sur-mesure, proposer de nouvelles garanties adaptées aux risques émergents du fait des évolutions de la société, favoriser les engagements responsables ayant un impact social et environnemental positif, encourager les comportements responsables via une politique de tarification incitative, communiquer sur les produits avec plus de transparence et de lisibilité, adopter une politique d’indemnisation responsable.
Une grande tendance avec le développement du digital, est les cyber-risques. La cyber criminalité se hissait, en 2016, au deuxième rang des types de fraudes reportées en entreprise, en France. Cette même année, 73% des entreprises anticipaient de telles fraudes dans les deux prochaines années. Ces risques concernent toutes les entreprises y compris les plus petites. Les offres protégeant les TPE-PME contre les cyber-risques se multiplient. Elles proposent généralement une solution globale de prévention aux cyber-risques, ou un diagnostic de risque, l’assurance et l’accompagnement en cas de sinistre. Selon l’OCDE, le marché de la cyber-assurance représentait 3,5 milliards de dollars en termes de primes en 2016, avec un taux de croissance de 30 % sur chacune des cinq années suivantes. Des insurtechs proposent l’évaluation et la tarification des cyber-risques, en combinant technologie et modélisation des risques pour aider les entreprises du secteur de l’assurance à évaluer ce risque où les données historiques sont encore rares.
Avec le développement des véhicules semi-autonomes, et dans l’avenir des véhicules autonomes, la façon d’assurer le risque automobile évoluera. Dans ce sens, certains acteurs du secteur proposent actuellement des offres pour les véhicules semi-autonomes et travaillent déjà sur des offres pour véhicules autonomes pour l’horizon 2020. D’ailleurs une startup a développé une plateforme sécurisée, basée sur la blockchain, permettant de garantir l’authenticité des données provenant d’une voiture autonome. L’information est ainsi collectée dans un “portail” sécurisé au sein du véhicule puis intégrée dans une solution « cloud » hébergée. Appliquée à l’assurance, une telle innovation permettrait d’automatiser la transmission des données entre véhicule connectée et assurance. Une telle innovation aurait ainsi une réelle utilité dans le cas d’un accident de voiture, par exemple. L’assureur verserait directement un pourcentage du dédommagement au conducteur, ce qui permettrait à ce dernier de couvrir une partie de ses frais plutôt que d’attendre que la déclaration de sinistre soit traitée. Le smart contract pourrait également être utilisé sur certains aspects de l’assurance habitation grâce au développement des capteurs et autres objets connectés dans les domiciles. Par exemple, dans le cas de ruptures de canalisation ou encore de perte d’aliments congelés dû à une coupure de courant ou à une panne d’appareil. Dans ces cas de figures, l’information serait directement envoyée depuis le capteur au smart contrat, ce qui générerait un remboursement automatique.
Big data, technologie cognitive, intelligence artificielle, émergence d’objets connectés, connaissance du génome humain, mais aussi évolutions des comportements et des besoins clients bouleversent le business model de l’assurance en modifiant également la nature, le périmètre des risques ainsi que les masses assurables. La prévention et les services vont progressivement représenter une part de plus en plus importante de la valeur apportée par l’assurance. L’amélioration de la connaissance clients associée à une meilleure capacité de prédiction permettrait également de tarifer plus finement les risques. Ainsi de très nombreuses entreprises du secteur développent des services relatifs à l’accompagnement, à l’autonomie des clients et à leur entraide : applications mobiles à forte valeur ajoutée, outils de self-care, plateforme de services novateurs et attractifs sur le thème de l’habitat connecté, services relatifs au bien-être et à la e-santé, plateformes de partages et solidaires,… la liste est longue. Plus récemment, certains acteurs du secteur proposent des services « hors du champ traditionnel » de l’assurance, pour s’installer un peu plus dans le quotidien de leurs clients, par exemples : un service qui propose de conserver, de manière anonyme et extrêmement sécurisée, un double de clés en cas de perte, la faculté d’obtenir dans une agence d’assurance, une carte grise rapidement ou un badge de télépéage avec 9 mois d’abonnement gratuit, la livraison d’essence à domicile, la recherche de station-service et de parking, … . Ainsi, avec tous ces services du quotidien, la marque d’assurance sera capable d’exister dans le quotidien de ses clients. Elle pourra densifier sa relation client, alors qu’actuellement, elle est discontinue. En étant proche du quotidien du client, la marque d’assurance le connaitra mieux, et deviendra au fil du temps de plus en plus efficiente tout en développant l’indispensable relation de confiance.
* Baromètre réalisé par OpinionWay, 2ème édition, 2017, réalisée entre le 8 et le 12 mars 2017 auprès de 1070 français, représentatifs de la population française
Jean-Luc Gambey
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