Face à l’explosion des tarifs d’assurance, des municipalités abandonnent la couverture de leurs bâtiments. Une décision lourde de risques, révélatrice d’un système en crise.
Depuis plusieurs mois, les communes françaises de la Vienne, des grandes agglomérations aux villages ruraux, sont confrontées à une flambée inédite des tarifs d’assurance. Les hausses exponentielles des primes et franchises placent les élus locaux devant des choix cruciaux : augmenter les dépenses publiques, réduire les services ou renoncer à assurer une partie de leur patrimoine. Une situation qui illustre un déséquilibre structurel entre collectivités et assureurs, eux-mêmes faisant face à des risques accrus.
Une spirale aux conséquences concrètes
Dans des villes comme Poitiers, le basculement est déjà tangible. Depuis le 1er janvier 2025, ses bâtiments municipaux, en dehors des musées, ne sont plus couverts. Le coût proposé par les assureurs — une cotisation annuelle multipliée par plus de trois et des franchises quintuplées — a été jugé insoutenable par la municipalité, plaçant la commune dans une position vulnérable.
Ce cas n’est pas isolé. De Buxerolles à Fontaine-le-Comte, en passant par de nombreuses autres communes du département de la Vienne, l’augmentation des contrats dépasse parfois les 200 %. Les raisons invoquées par les assureurs varient : risques d’inondations accrus liés au changement climatique, émeutes ou dégradations dans des zones voisines. Les élus dénoncent des justifications disproportionnées et un cadre législatif figé.
Une gestion des risques devenue insoutenable
Certaines communes ont tenté de faire face en acceptant les nouvelles conditions, sans trop de choix. À Fontaine-le-Comte, par exemple, la hausse des franchises atteint 1 100 % en quatre ans, obligeant la municipalité à réduire d’autres budgets pour maintenir ses services publics. D’autres, comme Poitiers, misent sur des appels d’offres pour trouver des alternatives, bien que ce processus puisse prendre plusieurs mois.
Cette situation met également en lumière une concentration du marché entre quelques acteurs majeurs comme Groupama, la SMACL ou la MAIF. Ces compagnies, elles-mêmes fragilisées par des déficits récents, se trouvent néanmoins en position de force face à des collectivités qui n’ont d’autre choix que de négocier sous contrainte.
Vers un nécessaire rééquilibrage des responsabilités
Pour Jérôme Neveux, président de l’Association des maires de France dans la Vienne, cette crise appelle une réponse collective. La montée des risques climatiques et sociétaux demande une adaptation des mécanismes d’assurance, mais aussi un soutien accru de l’État. Ce dernier pourrait jouer un rôle d’arbitre en régulant les pratiques des assureurs ou en abondant directement les budgets des communes les plus touchées, malgré la réalité budgétaire.
Certains maires appellent à un débat sur la réforme des appels d’offres. Le passage à des négociations de gré à gré, prenant en compte les spécificités locales, pourrait alléger la pression sur les collectivités.
Cependant, la hausse des cotisations d’assurance dépasse aussi la seule question budgétaire. Elle interpelle sur la capacité des collectivités à gérer les incertitudes croissantes d’un monde en mutation, où les enjeux climatiques et économiques se font face.