La Commission européenne a approuvé, le 14 octobre, la directive apportant une protection accrue aux travailleurs des plateformes numériques.
Proposée en 2021 par la Commission européenne, cette directive a fait l’objet d’âpres négociations. Elle pourrait aujourd’hui concerner 5,5 millions de personnes travaillant pour plus de 500 plateformes numériques selon la même instance, alors que 90 % des actifs sur ces plateformes sont actuellement considérés comme indépendants. Ce premier pas vers la reconnaissance d’un statut de salarié pourrait profondément modifier la relation entre les plateformes numériques et leurs collaborateurs au sein de l’Union européenne, poussant ces dernières à réévaluer leur modèle économique et incitant les assureurs à s’adapter.
Introduction d’une « présomption légale » de salariat
L’un des éléments centraux de cette directive est l’introduction d’une présomption légale de salariat pour les travailleurs des plateformes numériques. Selon cette disposition, les États membres de l’Union européenne devront mettre en place un cadre juridique permettant de requalifier automatiquement un travailleur indépendant en salarié si certains critères, à définir par les États membres dans les deux ans, sont remplis. En cas de litige, la charge de la preuve incombera à la plateforme.
Cette mesure vise à répondre à la précarité souvent observée chez les travailleurs des plateformes, même si on peut noter que certaines sociétés comme Uber offrent à leurs collaborateurs indépendant une couverture, afin de leur offrir des droits similaires à ceux des salariés. Parallèlement, la directive vient corriger un déséquilibre du rapport de force grâce à la mise en place d’une supervision humaine sur les décisions automatisées, que les travailleurs pourront contester.
Cependant, le cadre de la requalification demeure flou. Initialement, la Commission européenne avait proposé une liste de critères objectifs permettant la requalification, unifiée à l’échelle européenne. La version finale du texte laisse aux États membres la tâche de définir ces critères, selon leur législation nationale et leurs conventions collectives. En France, la requalification repose aujourd’hui sur trois critères : la rémunération, la prestation de travail, et le lien de subordination, qui se manifeste par le pouvoir de l’employeur de donner des directives, de contrôler l’exécution du travail et de sanctionner. Mais dans un contexte de travail indirect via des plateformes numériques, ce dernier critère pourrait créer une incertitude juridique et potentiellement nuire à la prévisibilité des relations de travail. De plus, on peut se demander, si l’on part du constat que les travailleurs n’étaient pas reconnus comme salariés malgré certains des considérations assez factuelles, si les plateformes pourraient modifier leurs pratiques pour éviter la requalification.
Normes minimales de protection sociale : une avancée majeure
La directive européenne introduit également des normes minimales de protection sociale pour les travailleurs des plateformes, en garantissant qu’elles « ne peuvent être inférieures à celles accordées aux salariés », notamment en matière d’accès à l’assurance maladie, à la retraite et au chômage. De fait, ils auront l’obligation de souscrire à des couvertures d’assurance spécifiques liées à des accidents du travail, notamment pour les travailleurs à vélo, à la responsabilité civile et à l’assurance chômage, auxquelles les assureurs pourront s’adapter.
Cependant, l’application des normes sera variable selon les États membres, créant une hétérogénéité des protections en Europe. Certains pays imposeront des obligations strictes, tandis que d’autres offriront plus de flexibilité. Pour les assureurs, cette diversité réglementaire représente un défi, en particulier pour ceux opérant à l’échelle européenne, qui devront composer avec des régimes sociaux disparates.
Cette directive marque un tournant dans la protection des travailleurs des plateformes numériques. Si l’on souhaite dater un autre moment charnière dans le développement des plateformes numériques, cela fait un peu plus de 14 ans qu’une des plus importantes sociétés de transport par VTC est arrivée sur le marché, et l’on peut se demander si d’autres législations suivront.