Assurances et collectivités face au dérèglement climatique

Les communes peinent à se couvrir face aux catastrophes naturelles plus fréquentes, alors que des réponses durables restent à trouver.

La vulnérabilité des collectivités face aux catastrophes naturelles a augmenté de 70 % en Europe au cours des 30 dernières années, exacerbée par le changement climatique. Cette réalité se manifeste de manière tangible avec des événements climatiques extrêmes tels que la dépression Kirk, qui a récemment mis à l’épreuve les infrastructures de plusieurs communes.

L’augmentation des risques pour les collectivités

Face au dérèglement climatique, bon nombre de communes font face à de nombreux défis. Depuis le 1er janvier 2024, selon Alain Chrétien, chargé de mission sur l’assurabilité des collectivités locales, entre 1 000 et 2 000 communes pourraient être privées de couverture pour les dommages aux biens ou faire face à des hausses exponentielles des primes. Un exemple emblématique pourrait être celui de Lanester, dans le Morbihan, où le maire, Gilles Carréric, a dû signer un contrat d’assurance dont les montants ont fortement augmenté, pour éviter que la commune s’auto-assure : la franchise a augmenté de 140 %, une situation qui illustre l’urgence et la complexité de l’environnement d’assurance actuel. De même, dans la Sarthe, une augmentation de 60 % de la cotisation a été imposée, ce qui est parlant sur le problème national, en passant de 9 234 € en 2024 à presque 15 000 euros en 2025. 

En parallèle, les communes se voient contraintes de reconsidérer des projets d’infrastructure, afin de pouvoir supporter ces couvertures assurantielles, tout en étant conscientes que ce nouveau risque climatique, par son intensité et son ampleur, constitue un poids pour les assureurs.

La dépression Kirk, survenue en 2023 dans l’Atlantique, illustre bien les défis auxquels sont confrontées les communes. Ce phénomène a engendré des vents violents et des pluies torrentielles, provoquant d’importantes inondations en Seine-et-Marne, déclarée en état de catastrophe naturelle. Ces événements, de plus en plus fréquents, augmentent la pression sur les capacités d’assurance des collectivités, déjà affaiblies par la répétition des sinistres. Face à ces risques croissants, les assureurs peinent à anticiper les dégâts massifs, ce qui entraîne une hausse importante des primes.

Les défis pour le secteur de l’assurance

Avec l’augmentation des catastrophes naturelles, critère de déclenchement du versement des indemnités, les assurances font face à une hausse des primes significative, témoignant d’une réalité où les coûts deviennent une charge difficile à gérer. France Assureurs anticipe que les sinistres liés aux événements climatiques pourraient atteindre 143 milliards d’euros d’ici 2050, ce qui témoigne d’une augmentation alarmante de 93 % par rapport à la période 1989-2019. En 2022, les pertes dues à des événements climatiques ont atteint 10,6 milliards d’euros, dont 5 milliards d’euros étaient liés à des phénomènes tels que la grêle.

Face à une sinistralité en constante augmentation, la branche Cat-Nat, régime d’indemnisation des catastrophes naturelles, est déficitaire pour la neuvième année consécutive, soulevant des questions quant à sa pérennité. Ce cadre rend la mutualisation des risques, pierre angulaire du modèle d’assurance, de plus en plus difficile, laissant certains assurés, notamment les collectivités locales, dans l’incapacité de couvrir ces coûts en forte augmentation.

Un avenir incertain pour les assureurs

Si les assureurs commencent à tirer la sonnette d’alarme sur les impacts du changement climatique sur leurs résultats financiers, le rôle des compagnies d’assurance dans l’aggravation du dérèglement climatique peut être questionné. Cette dualité est illustrée par le concept de « double matérialité », où les activités humaines impactent le climat, et vice versa.

Les compagnies doivent se conformer à des réglementations qui les obligent à rendre compte des émissions associées à leurs investissements. Cependant, certaines d’entre elles continuent de financer des projets nuisibles à l’environnement. Par exemple, l’ONG Disclose a récemment révélé que des entreprises comme Axa et Scor soutiennent des projets d’extraction de gaz de schiste aux États-Unis. Les assureurs pourraient être tenus d’adopter des politiques plus responsables, notamment en refusant d’assurer des projets d’expansion fossile, une démarche que la NZIA (Net Zero Insurance Alliance) tentait d’initier avant sa dissolution aux Nations Unies. Les compagnies d’assurance se retrouvent à un carrefour où leur modèle économique doit évoluer pour répondre aux défis posés par le changement climatique. Un engagement vers une plus grande durabilité est impératif pour assurer la viabilité future de ce secteur crucial, jouant un rôle fort dans notre société.

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