La liquidation judiciaire de H4D datant de septembre 2024 reflète les défis de la télémédecine.
Le recours à la téléconsultation a considérablement évolué ces dernières années, bousculant les pratiques traditionnelles de la médecine. Selon le baromètre de l’Agence du Numérique en Santé, le nombre de téléconsultations en France a été multiplié par cinq en quatre ans, passant de 400 000 consultations en 2019 à plus de 2 millions en 2023. Ce changement a également impacté la perception des patients : 63 % d’entre eux se disent désormais satisfaits de ce mode de consultation. Ces chiffres traduisent un bouleversement structurel dans le domaine de la santé.
Les promesses d’hier face aux innovations d’aujourd’hui
Créée en 2008, la start-up H4D s’est distinguée comme étant la première entreprise en Europe à développer des cabines de télémédecine, baptisées Consult Station. Ces cabines, lancées en 2014, permettaient d’offrir aux patients un accès à des outils de diagnostic connectés, comme la mesure de la tension artérielle ou de la température corporelle, mais aussi à un équipement permettant de diagnostiquer des mélanomes grâce à un système d’intelligence artificielle, tout en consultant un médecin à distance via visioconférence.
Cependant, ce modèle avant-gardiste, qui avait déployé plus de 150 cabines en France, pour un coût moyen de 100 000 euros par unité, s’est heurté à plusieurs obstacles. Le premier, financier, est lié aux coûts élevés d’installation, de maintenance et au modèle de rémunération des médecins, avec le remboursement des téléconsultations par l’Assurance Maladie après le Covid. H4D a peiné à rentabiliser ses installations dans les collectivités locales, entreprises et résidences seniors. En parallèle, l’émergence de nouveaux acteurs comme Medadom, Tessan ou encore Loxamed a accru la pression concurrentielle.
Medadom, fondée en 2018, a su imposer un modèle plus accessible : des bornes et cabines en abonnement à 200 à 400 euros par mois, permettant une implantation massive, avec 4 700 points sur le territoire. Ces cabines, moins coûteuses, sont majoritairement installées dans les pharmacies, un modèle plus accessible et plus adapté aux besoins du marché. Medadom a également raflé plusieurs contrats publics, autrefois tenus par H4D, notamment celui de l’Union des groupements d’achats publics. De plus, son modèle repose sur une disponibilité accrue des médecins, permettant une réponse 7 jours sur 7 à la demande de soins non programmés, quand la prise de rendez-vous avec H4D était moins facilitée (Doctolib a notamment été lancé en 2014).
H4D, de son côté, a rencontré des difficultés d’adoption. On peut se demander si la start-up est arrivée trop tôt sur le marché. Les cabines, souvent installées dans des zones rurales où il y a des déserts médicaux, n’ont pas trouvé leur public. En effet, contrairement à Medadom, qui a misé sur la simplicité des bornes et leur implantation en pharmacies, H4D s’est probablement heurtée à des barrières d’appropriation dans les déserts médicaux, où l’âge moyen est souvent plus élevé, bien que l’usage des technologies dans la cabine soit guidé.
Les réformes à venir : un impact sur la télémédecine ?
La téléconsultation est devenue un enjeu clé dans le débat sur les dépenses publiques en santé, du fait de la forte hausse de son usage. En 2025, le gouvernement français envisage de réaliser 15 milliards d’euros d’économies sur la Sécurité sociale, dans le cadre des 40 milliards d’euros de réductions de dépenses publiques annoncées. Ces coupes budgétaires sur les [-dépenses de santé devraient concerner plusieurs domaines, notamment la réduction du remboursement des consultations, qui passerait de 70 % à 60 %. De plus, les arrêts maladie, dont le coût pourrait dépasser 17 milliards d’euros cette année, sont également dans le viseur des réformes, avec un durcissement des conditions de prise en charge. Ces coupes budgétaires pourraient entraîner une hausse des primes ou une limitation des remboursements pour les assureurs afin qu’ils s’adaptent à ces nouvelles contraintes. Cela pourrait fragiliser la téléconsultation, dans la mesure où certains assurés pourraient se défaire de leur contrat d’assurance.
En Belgique, le débat autour de la téléconsultation prend une autre tournure. Le budget consacré à ces consultations a aussi fortement augmenté, atteignant 5,6 millions en 2023, contre 4,4 millions en 2022, sans que cela désengorge les cabinets médicaux. Parmi les médecins belges pratiquant la téléconsultation, certains en ont réalisé plus de 10 000 par an. Le Comité de l’assurance belge prévoit une série de mesures pour mieux encadrer la consultation téléphonique, tout en continuant à autoriser les consultations vidéo. Une réforme devrait être mise en place dès 2026, avec une période transitoire en 2025, visant à garantir une meilleure qualité des soins à distance et à maîtriser les dépenses.
Un encadrement de la téléconsultation pourrait s’avérer être une alternative, sans que des questions budgétaires ne soient pas aussi posées, dans la mesure où elle agit aussi en prévention par sa simplicité d’accès.