À l’approche de l’application de la Directive CSRD en 2025, les entreprises européennes cotées s’attèlent à anticiper les exigences de cette nouvelle réglementation. Forvis Mazars a publié son 14ème baromètre RSE, qui analyse les rapports extra-financiers de plus de 255 entreprises européennes cotées, un an avant la mise en œuvre de la CSRD.
Cette étude met en lumière le niveau d’avancement des entreprises dans leur préparation à la directive, qui vise à standardiser les informations en matière de durabilité à travers les normes ESRS (European Sustainability Reporting Standards).
L’analyse de double matérialité : un outil stratégique
L’une des principales nouveautés introduites par la CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive) est l’analyse de double matérialité (DMA), qui constitue la pierre angulaire de la future stratégie de durabilité des entreprises. Cette analyse exige des entreprises qu’elles identifient et présentent les impacts, risques et opportunités matériels en lien avec leurs activités et leur chaîne de valeur. L’objectif est de permettre aux entreprises de développer une vision globale et de long terme de leurs enjeux en matière de durabilité, en prenant en compte à la fois les facteurs internes et externes.
Selon le baromètre, seules 25 % des entreprises étudiées ont publié en avance une analyse de double matérialité conforme aux normes ESRS, couvrant les trois dimensions essentielles de la durabilité : environnement, social et gouvernance. Cet exercice est non seulement une exigence de conformité, mais également un levier stratégique pour aligner les entreprises sur une trajectoire durable et adaptée à leurs ambitions économiques et environnementales. Pour le secteur financier et celui de l’assurance, l’analyse de ces risques devient cruciale, car elle influence directement la gestion des risques climatiques et sociaux dans le cadre des activités d’investissement et de souscription.
Un état de durabilité plus structuré et plus normé
Contrairement aux rapports extra-financiers traditionnels, le futur « état de durabilité » prévu par la CSRD impose une structure rigoureuse, composée de quatre parties distinctes : informations générales, environnementales, sociales et de gouvernance. L’objectif est de rendre ces informations comparables d’une entreprise à l’autre, garantissant ainsi une meilleure transparence sur les engagements et les performances durables des entreprises.
Cependant, d’après l’étude de Forvis Mazars, seulement 16 % des entreprises du panel ont déjà structuré leurs rapports selon les attentes des ESRS. Cette faible proportion montre que la majorité des entreprises ont encore un long chemin à parcourir pour se conformer pleinement aux nouvelles normes. Pour les acteurs de l’assurance et de la finance, cette évolution est particulièrement importante, car elle conditionne non seulement leur propre transparence, mais aussi leur capacité à évaluer les risques et les opportunités liés aux engagements durables de leurs clients et partenaires commerciaux.
Le plan de transition climatique : un défi pour les entreprises
L’un des aspects les plus complexes des nouvelles normes est l’obligation pour les entreprises de publier un plan de transition climatique. La norme ESRS E1 impose à chaque entreprise de démontrer comment elle prévoit d’aligner ses activités sur les objectifs de l’Accord de Paris, notamment la limitation du réchauffement climatique à 1,5°C et l’atteinte de la neutralité carbone d’ici 2050. Ce plan doit détailler les efforts passés, actuels et futurs de l’entreprise pour atténuer son impact environnemental.
L’étude montre que seulement 13 % des entreprises ont déjà publié un plan de transition, et dans la plupart des cas, les informations fournies ne répondent que partiellement aux exigences de la norme ESRS E1. Ce faible taux de conformité témoigne de la difficulté pour les entreprises, en particulier dans des secteurs comme l’assurance ou la finance, de s’engager pleinement dans la transition vers une économie bas carbone. Les entreprises doivent non seulement s’adapter à des réglementations complexes, mais aussi réévaluer leur modèle d’affaires pour garantir qu’il soit compatible avec les objectifs climatiques à long terme.
Vers une accélération de la transition durable
À un an de l’application de la CSRD, le baromètre RSE 2024 de Forvis Mazars révèle que les entreprises sont encore en phase de préparation pour répondre aux exigences des normes ESRS. Si certaines d’entre elles ont pris de l’avance en publiant des analyses de double matérialité et en structurant leurs rapports extra-financiers, une majorité doit encore accélérer ses efforts pour se conformer pleinement à la directive.
« La devise des Jeux Olympiques s’appliquerait parfaitement à ce que les entreprises sont en train de traverser : “Citius, Altius, Fortius – Communiter ” (« Plus vite, plus haut, plus fort – ensemble »). C’est là que la comparaison avec la course de fond trouve ses limites. En effet, la mise en conformité avec la CSRD est résolument un travail d’équipe. » ajoute Edwige Rey, associée Sustainability Services.
Car, le défi est particulièrement grand pour les entreprises devant publier un plan de transition climatique. La compatibilité entre leur stratégie d’affaires et les objectifs de durabilité représente un enjeu clé, notamment pour les secteurs financiers, qui sont au cœur des flux d’investissement mondiaux. La transparence, la comparabilité et l’harmonisation des informations de durabilité seront essentielles pour garantir que les entreprises évoluent vers un modèle économique résilient et durable.