Dans un contexte où le renoncement aux soins devient une problématique de plus en plus préoccupante en France, notamment chez les salariés les plus vulnérables, Laurent Jumelle – Directeur Prévoyance Santé PSC et Directeur Général Adjoint MSH International, Groupe Diot-Siaci nous présente une innovation majeure : la carte Budget’Santé.
Ce dispositif, unique sur le marché, permet aux salariés de bénéficier d’une prise en charge simplifiée de leurs frais de santé sans avoir à avancer de l’argent, tout en améliorant leur pouvoir d’achat. Dans cette interview, Laurent Jumelle, nous explique comment cette solution répond à un enjeu de taille pour les salariés et les entreprises, tout en renforçant l’attractivité et la fidélisation des collaborateurs.
Jean-Luc Gambey : Pour commencer, si vous en êtes d’accord, pourriez-vous nous faire un état des lieux sur le renoncement aux soins en France, et plus particulièrement chez les salariés d’entreprise ?
Laurent Jumelle :
Bien sûr, commençons par un chiffre marquant : un Français sur quatre a dû, ces dernières années, renoncer à des soins de santé. C’est un chiffre particulièrement choquant, surtout quand on considère que la France dispose d’un système de protection sociale que beaucoup nous envient, avec une couverture santé très protectrice par rapport à d’autres pays. En plus, une majorité de salariés bénéficient d’une complémentaire santé en entreprise, ce qui devrait, en théorie, permettre à chacun de recevoir les soins dont il a besoin. Cependant, la réalité est tout autre, comme l’indique ce chiffre. Ce sondage IFOP, réalisé en 2023, révèle qu’une proportion significative de la population a dû soit renoncer à des soins, soit les repousser, voire renoncer à l’achat d’équipements médicaux. Selon ce sondage, au cours des dernières années, 37% des Français ont déjà renoncé à des soins ou équipements médicaux, dentaires ou optiques, alors qu’ils en avaient le besoin (dont 17% à plusieurs reprises) et17 % des Français ont déjà renoncé à plusieurs reprises à se faire soigner. Le renoncement aux soins est une véritable problématique en France, malgré les dispositifs en place.
JLG : Ce renoncement aux soins est-il un constat que vous observez dans votre activité de courtier en assurances ?
LJ : Nous sommes bien placés pour observer ces tendances puisque nous sommes le premier courtier gestionnaire en frais de santé en France, avec plus de 2,6 millions de bénéficiaires. Cela nous permet d’avoir une vision statistique très fiable. Par ailleurs, nous avons mené une enquête via notre Institut et en partenariat avec la Fondation Travailler Autrement, qui portait sur ce que nous appelons les « invisibles ». Ces « invisibles » sont des travailleurs essentiels comme les aides à domicile, les éboueurs, les caristes, les aides-soignants, les vigiles, les livreurs, pour ne citer qu’eux. Ce sont des professions qui, lors de la crise du COVID-19, étaient au centre de l’attention et considérées comme indispensables. Mais depuis, malheureusement, ils sont un peu retombés dans l’oubli.
Ce sont précisément ces travailleurs qui sont les plus touchés par le renoncement aux soins. Et parmi eux, il existe un sous-groupe encore plus vulnérable. Pour vous donner un exemple, les 16 % les plus fragiles de ces ‘invisibles’ (dont le total représente environ 11 millions de travailleurs en France) ont un salaire moyen de 60 % inférieur au salaire moyen des autres salariés. Ces personnes rencontrent de grandes difficultés à boucler les fins de mois, ce qui se traduit par une incapacité à se soigner correctement.
JLG : Si je résume, vous mentionnez surtout un problème de pouvoir d’achat et des coûts qui deviennent trop lourds à supporter ?
LJ : Vous avez parfaitement raison. En effet, il y a plusieurs causes au renoncement aux soins, mais la cause majeure reste financière. Nous pouvons diviser cela en deux cas de figure principaux.
Premièrement, même avec une couverture de la Sécurité sociale et une complémentaire santé, il peut rester un ‘reste à charge’ que certaines personnes ne peuvent tout simplement pas assumer. Cela s’explique par la baisse continue du pouvoir d’achat de nombreuses familles ces dernières années.
Deuxièmement, et c’est une raison encore plus courante, beaucoup de personnes n’ont pas la trésorerie nécessaire pour avancer les frais de soins, même si elles savent qu’elles seront remboursées plus tard. Pour illustrer, prenons l’exemple d’une consultation à 25 €. Vous savez que la Sécurité sociale et votre mutuelle vont rembourser la majeure partie du montant, mais si vous n’avez pas 25 € sur votre compte au moment de payer, vous ne pouvez tout simplement pas avancer cette somme. Résultat, vous reportez ou annulez la consultation. Il ne faut pas oublier non plus que dans notre système, environ la moitié des soins nécessitant une complémentaire santé ne passent pas par le tiers payant. Ce n’est donc pas automatique, et si un professionnel de santé refuse de le pratiquer, vous êtes contraint d’avancer les frais. »
JLG : Vous dressez donc un constat assez sombre, mais aussi très clair. Dans ce contexte, vous avez développé une innovation, la carte Budget’Santé. Pourriez-vous nous expliquer en quoi consiste cette solution et comment elle pourrait aider ces salariés à accéder plus facilement aux soins ?
LJ : La carte Budget’Santé est une innovation dont nous sommes très fiers, car à notre connaissance, il n’existe rien de tel sur le marché aujourd’hui. Parce que les fins de mois sont difficiles pour beaucoup de Français, la carte Budget’Santé permet aux entreprises de proposer à leurs salariés un mode de paiement direct du reste à charge de leur frais de santé pour ne plus qu’ils renoncent à leurs soins de santé. C’est une solution novatrice et sécurisée, certifiée ISO 27001. Le principe est simple. Chaque salarié d’une entreprise partenaire reçoit une carte de paiement Mastercard, utilisable uniquement pour des dépenses de santé. Voici comment cela fonctionne : lorsque vous allez chez le médecin, vous présentez votre carte Vitale, puis votre carte de mutuelle comme d’habitude. Ensuite, s’il reste un montant à payer (le fameux reste à charge), vous utilisez la carte Budget’Santé. Celle-ci fonctionne comme une carte bancaire classique, mais ne débite pas votre compte immédiatement.
Ce qui se passe ensuite ? Vous êtes remboursé par la Sécurité sociale et la mutuelle dans les délais habituels, et seulement après, le montant est prélevé sur votre salaire. Ainsi, vous n’avez jamais à avancer de l’argent. Ce système résout donc le problème de trésorerie dont nous parlions.
JLG : Donc, le salarié n’avance plus les frais et les remboursements interviennent avant que l’argent ne soit prélevé sur le salaire du collaborateur. Une solution simple et efficace. Mais quel est l’intérêt pour les DRH d’implémenter ce dispositif dans leur entreprise ?
LJ : Excellente question. Pour les DRH, il y a plusieurs avantages à la carte Budget’Santé qui intègre, en plus de ce que j’ai évoqué précédemment, un service inédit, une gestion totalement automatisée de l’acompte sur salaire, qui simplifie grandement la gestion des avances sur salaire. En effet, selon la loi, les entreprises sont tenues d’accorder des avances sur salaire si un salarié en fait la demande. Mais dans la pratique, c’est souvent un processus long et fastidieux. Avec ce système, tout est automatisé et simplifié.
Ce dispositif renforce la fidélisation des salariés. Des études menées par notre partenaire Rosaly (une start-up spécialisée dans les acomptes sur salaire avec qui nous avons collaboré sur ce projet) montrent que les salariés utilisant ce service restent plus longtemps dans l’entreprise. Ils se sentent mieux soutenus et moins stressés financièrement.
Ce dispositif augmente l’attractivité employeur et a un impact fort sur la marque employeur. Nous avons constaté que les offres d’emploi mentionnant ce service d’acompte sur salaire et la carte Budget’Santé génèrent beaucoup plus de candidatures que celles qui n’en parlent pas. Donc, pour les DRH, ce n’est pas qu’un gadget, mais un outil concret de rétention et d’attraction des talents. »
JLG : Il semble donc que ce dispositif présente des avantages aussi bien pour les salariés que pour les DRH. À qui s’adresse principalement cette carte, en termes de secteurs d’activité ou de type d’entreprise ?
LJ : Ce service sera proposé à l’ensemble des entreprises du portefeuille Diot-Siaci. L’entreprise choisira de souscrire ou non à ce service. La carte Budget’Santé s’adresse à tous les secteurs d’activité, mais elle trouve particulièrement son utilité dans des secteurs où les salariés sont plus exposés à des difficultés financières, comme la restauration, la grande distribution, la logistique, etc. Cela dit, elle peut aussi être implémentée dans des entreprises de plus grande taille ou des secteurs différents. Le service est destiné à tous les salariés, tant qu’ils reçoivent une fiche de paie, puisque le principe repose sur le prélèvement sur salaire. Les DRH peuvent adapter certains paramètres, comme limiter l’avance à un certain pourcentage du salaire, pour éviter tout risque d’endettement. Le collaborateur disposera ainsi d’une carte de paiement spécifique (format physique et digital), il aura accès immédiatement aux soins et pourra suivre ses frais de santé grâce à une application dédiée. Le dispositif global de la carte Budget’Santé améliore la qualité de la relation avec les collaborateurs, permet d’avoir des salariés en meilleur santé (vs absentéisme) et fait également gagner du temps au RH !
JLG : pour conclure ?
LJ : Nous sommes fiers de ce dispositif qui permet aux collaborateurs de nos entreprises clientes de se soigner sans attendre. C’est là l’objectif de la carte Budget’Santé proposée par Diot-Siaci et Rosaly, la solution 2.0 d’avance de frais de santé