La récente loi n° 87 de 2024, ratifiée par le président Abdel Fattah al Sissi, ouvre la voie à la privatisation des établissements de santé en Égypte.
Ce changement législatif pourrait compromettre l’accès aux soins de santé pour des millions d’Égyptiens, notamment ceux qui n’ont pas d’assurance-maladie ou qui vivent dans la pauvreté. Cet article examine les conséquences potentielles de cette loi et les réactions qu’elle suscite parmi les experts et les organisations de défense des droits.
La privatisation des soins de santé : un danger pour les populations vulnérables
Le 23 juin 2024, le président Abdel Fattah al Sissi a ratifié la loi n° 87 de 2024, permettant au secteur privé de gérer et d’exploiter les établissements de santé publics en Égypte. Cette législation, adoptée à une vitesse record par le Parlement, soulève de graves préoccupations concernant l’accès aux soins de santé pour les populations les plus vulnérables.
Selon Amnesty International, cette loi pourrait exacerber les inégalités d’accès aux soins, en particulier pour les personnes qui n’ont pas de couverture d’assurance-maladie ou qui ne peuvent pas supporter les coûts des services de santé privés. La loi n’inclut aucune réglementation des prix, laissant les investisseurs privés et le gouvernement libres de fixer les tarifs au cas par cas.
Une loi adoptée sans consultation appropriée
L’adoption de cette loi a été accélérée en seulement un mois, sans véritable consultation des parties prenantes, notamment du Syndicat des médecins égyptiens. Selon Mona Mina, ancienne directrice adjointe du syndicat, cette législation risque de réduire la disponibilité des soins de santé pour les plus démunis et d’entraîner une augmentation des frais pour ceux qui sont couverts par des régimes publics d’assurance.
En Égypte, seulement 66 % de la population dispose d’une assurance-maladie, laissant potentiellement des millions de personnes sans protection. L’absence de chiffres officiels sur la couverture privée, combinée à une pauvreté croissante due à la dévaluation de la monnaie, aggrave la situation pour une grande partie de la population.
Les conséquences de la privatisation : une menace pour l’équité et la qualité des soins
La privatisation des établissements de santé publics, tels que le prévoit la nouvelle loi, pourrait entraîner une augmentation des coûts des services de santé, rendant ces services inaccessibles à ceux qui en ont le plus besoin. La loi exige que les hôpitaux publics gérés par le secteur privé réservent un pourcentage de leurs services aux personnes bénéficiant de régimes publics, mais ne précise pas ce pourcentage. Cette ambiguïté pourrait conduire à une discrimination dans l’accès aux soins, en fonction de la capacité des patients à payer.
Le Syndicat des médecins égyptiens a exprimé ses inquiétudes en mai 2024, exhortant le président à ne pas ratifier la loi. Le syndicat a également souligné les risques pour le personnel hospitalier, la loi permettant au secteur privé de licencier jusqu’à 75 % du personnel des hôpitaux publics.
Un appel à une régulation stricte pour protéger les droits à la santé
Face aux préoccupations soulevées, Amnesty International appelle le gouvernement égyptien à mettre en place des cadres réglementaires solides pour garantir que la privatisation ne compromet pas l’accès équitable à des soins de qualité. Il est crucial que les groupes les plus pauvres et marginalisés puissent continuer à bénéficier de soins de santé accessibles et abordables.
En conclusion, la nouvelle loi sur la privatisation des soins de santé en Égypte pose un risque majeur pour les droits à la santé, en particulier pour les personnes vivant dans la pauvreté. Une réglementation rigoureuse est essentielle pour s’assurer que cette privatisation n’entraîne pas une détérioration des services de santé publics et ne renforce pas les inégalités existantes.