Dans un monde professionnel en constante évolution, les méthodes traditionnelles de gestion et d’organisation au sein des entreprises sont régulièrement remises en question.
La transition d’un modèle de management vertical à un modèle horizontal, illustrée par des entreprises comme Axa Suisse et SEMCO, soulève une question fondamentale : la hiérarchie est-elle indispensable au bon fonctionnement d’une entreprise ?
La fin de la hiérarchie verticale ?
Historiquement, le management vertical a été la norme dans de nombreuses entreprises. Inspiré des structures militaires, ce modèle est caractérisé par une communication principalement descendante, avec peu de place pour la remontée d’idées.
Cependant, dans un contexte où l’innovation et la réactivité sont devenues cruciales, ce modèle montre ses limites.
Des experts en management, tels que Christophe Perilhou et Philippe Vidal, reconnaissent que si certaines décisions peuvent encore nécessiter une approche traditionnelle, de nombreuses situations profitent d’une approche plus collaborative et souple.
L’exemple d’Axa Suisse
Axa Suisse, une filiale du groupe français Axa, a pris une mesure audacieuse en 2024 en éliminant tous les titres de son organigramme. Avec un chiffre d’affaires de 5,6 milliards de francs suisses, cette décision marque un tournant significatif.
Daniela Fischer, la responsable des ressources humaines, explique que cette initiative vise à promouvoir une culture d’entreprise plus égalitaire, favorisant la collaboration et la responsabilité partagée. Le nouveau système repose sur des niveaux de responsabilité plutôt que sur une hiérarchie stricte, reflétant un changement de culture approuvé par la majorité des 4200 employés.
Le travail en mode projet et l’évolution vers l’horizontalité
Le travail en mode projet, notamment en structures matricielles, a contribué à gommer la hiérarchie verticale. Cette approche favorise la collaboration transversale et une circulation rapide de l’information.
« En fait, y a beaucoup plus de collaborations. Ça nécessite de revoir les modèles de gouvernance, les processus, les façons de travailler et de communiquer. Et l’objectif c’est de faciliter la prise de décision. Et puis également probablement l’innovation, parce qu’avec plus de collaboration, y a aussi beaucoup plus de d’idées qui émergent. » précise la conseillère en ressources humaines, Anne Donou.
Les nouvelles générations de talents, aspirant à plus d’immédiateté et moins enclines à accepter un management rigide, trouvent dans ces structures une meilleure adaptabilité et réactivité face aux évolutions du marché.
L’Holacratie chez SEMCO
L’holacratie, un modèle de management horizontal popularisé par Ricardo Semler et sa société SEMCO, met l’accent sur l’intelligence collective et la prise de décision au sein d’équipes auto-organisées.
Cette approche a conduit SEMCO à une croissance significative, avec une augmentation de 900 % de son chiffre d’affaires en 10 ans. Chez SEMCO, les décisions stratégiques sont prises de manière collective, et les employés ont une grande autonomie dans la détermination de leur temps de travail et de leur rémunération.
Les défis et limites du management horizontal
Bien que prometteur, le management horizontal n’est pas sans défis. La transition d’un modèle pyramidal à un modèle horizontal peut être complexe et perturbante pour les employés habitués à une structure hiérarchique claire.
Bernard-Marie Chiquet, spécialiste du management horizontal, souligne que le passage à un système d’auto-gestion nécessite une transition soignée. De plus, un système horizontal peut entraîner des prises de décision plus longues, du fait de la nécessité de parvenir à un consensus.
« On n’a pas encore énormément de recul. On voit bien qu’on est dans un monde qui est de plus en plus individualisé. Tout est personnalisé, la médecine est personnalisée, le parcours scolaire est personnalisé. Et dans les entreprises ? C’est également ce que vont demander ces jeunes générations : que les choses et les méthodes de travail soient individualisés, que le temps de travail le soit également, mais ça nécessite beaucoup de contraintes de la part des entreprises. Parce que si tout doit être réfléchi en fonction d’une personne, à l’échelle d’une très grande entreprise, on peut imaginer les conflits d’agenda et les conflits de, de, de règles et de règlements. » précise Anne Donou.
« Il faut un capitaine à bord »
Le management horizontal se présente donc comme une réponse adaptée aux enjeux contemporains des entreprises. En favorisant l’autonomie, la responsabilité partagée et l’intelligence collective, ce modèle semble bien positionné pour répondre aux exigences d’innovation et de flexibilité du marché actuel. Toutefois, sa mise en œuvre exige une réelle transformation culturelle et organisationnelle. La transition vers le management horizontal est un processus graduel qui nécessite un engagement profond de la part des entreprises pour réussir.
« Je pense que ça peut être favorable pour faciliter et augmenter la collaboration, et en même temps, partir à l’extrême, ça peut être aussi compliqué. Effectivement, on oublie les titres, on oublie les rôles, on oublie la structure hiérarchique, mais c’est comme dans un navire en fait, il faut quand même d’un capitaine à bord ! » conclut Anne Donou