Si Christophe Bardet rêvait de devenir journaliste, il est aujourd’hui Directeur Général de Covéa Protection Juridique qui gère aujourd’hui environ 4 millions de contrats de protection Juridique.
Jean-Luc Gambey a pris le temps de converser avec Christophe. Il parle de lui, de son entreprise qui démêlent les tracas du quotidien, de ses missions et nous partage quelques-unes de ses convictions professionnelles.
Bonjour Christophe Bardet, pour commencer, pourriez-vous nous en dire un peu plus sur vous, votre parcours,… ?
Christophe Bardet : Je suis âgé de 59 ans, marié et père de trois enfants, ma famille est mon socle. J’ai grandi à Rouen, où mes parents étaient enseignants, et j’ai fait mes études à Paris, en commençant – un peu par hasard – par une classe préparatoire avant d’intégrer une école de commerce alors même que mon rêve initial était de devenir journaliste !
Mon parcours professionnel a débuté dans le secteur bancaire, puis j’ai rejoint MMA en 1999. J’ai eu la chance d’occuper successivement des postes passionnants au sein de l’entreprise, passant du commercial au marketing, puis à une expérience internationale à la tête de Swinton, une filiale du groupe en Angleterre. À mon retour en France, j’ai dirigé Fidélia, la filiale d’assistance du groupe COVEA, avant d’être missionné pour préparer la fusion d’APJ et de DAS qui a donné naissance à Covéa Protection Juridique dont j’ai la responsabilité aujourd’hui.
À titre personnel, quels sont vos centres d’intérêt en dehors du travail ?
CB : J’adore la lecture, (je suis particulièrement amateur de gros romans américains). Une expérience que j’aimerais vivre avec ma femme à l’avenir est de faire le chemin de Saint-Jacques de Compostelle, dès que nous aurons le temps. En attendant, sous l’impulsion de Covéa Protection Juridique et pour la quatrième année consécutive, nous venons d’effectuer une marche de 100 kilomètres en moins de 30 heures avec une centaine de collaborateurs du groupe. Cela me permet de combiner mes passions personnelles et mes engagements dans une expérience collective au sein de l’entreprise.
Quelle est votre mission actuelle ?
CB : Ma mission est de transformer une fusion juridique, en une fusion opérationnelle réussie. Covéa Protection Juridique a été officiellement créée en décembre 2018, en fusionnant les deux entreprises juridiques historiques du groupe COVEA, chacune avec leur histoire, leurs produits et leurs cultures différentes. Mon rôle au cours des trois premières années, que j’ai baptisées « 1000 jours pour construire l’entreprise unique », a consisté -tout en continuant à servir nos clients chaque jour, essentiellement à mutualiser les organisations, aligner les systèmes d’information, harmoniser les processus et encourager une culture commune basée sur un esprit de saine confrontation.
J’ai appelé cela « saine confrontation » car je crois en la valeur des débats constructifs, où les désaccords sont exprimés ouvertement pour favoriser une interaction riche et constructive et trouver des solutions nouvelles. Ces trois premières années ont été intensives intenses car nous avons conduit de nombreuses transformations tout en faisant faces aux perturbations de la pandémie de COVID 19.
Pouvez-vous nous en dire plus sur la deuxième phase, que vous appelé « 1000 jours pour conduire l’expérience unique » ? Quels sont les objectifs principaux de cette phase ?
CB : Cette deuxième phase est également conçue sur une période de trois ans et s’aligne avec les plans du groupe Covéa. Elle a débuté en 2022 et se terminera à la fin de 2024. L’objectif principal est d’ancrer l’entreprise désormais unique de CPJ en travaillant sur la symétrie des attentions, c’est-à-dire en améliorant à la fois l’expérience du client et celle du collaborateur. Nous aspirons à créer une expérience unique pour nos clients, tout en veillant à ce que nos collaborateurs soient également épanouis dans leur travail.
Mon rôle consiste, dans le cadre de la stratégie du groupe COVEA, à impulser une vision et une ambition pour l’entreprise COVEA Protection Juridique, ainsi qu’à mobiliser les ressources nécessaires pour en assurer la mise en oeuvre. Il s’agit de créer une dynamique de transformation tout en accompagnant les membres de notre équipe pour qu’ils puissent développer leurs talents. Mon objectif est d’avancer constamment, de rester aligné sur notre vision, tout en m’adaptant aux changements et aux défis qui se présentent.
Comment gérez-vous ces ajustements nécessaires dans le cadre de cette stratégie à long terme ?
CB : Un des principaux ajustements que nous avons dû faire était en réponse à la pandémie de COVID-19, qui a impacté la première phase de notre plan. Pendant le confinement initial, notre activité a considérablement ralenti pendant environ deux mois, ce qui nous a permis de consacrer du temps à la formation et à l’interaction à distance avec nos équipes. Cependant, dès la fin de ce confinement, notre activité a fortement augmenté, ce qui a nécessité un ajustement rapide pour répondre à la demande tout en continuant à mettre en œuvre nos transformations internes.
De manière plus générale, nous devons nous adapter en permanence aux variations de notre activité. Notre priorité au début de la deuxième phase était d’aider nos collaborateurs à se rétablir après une période intense liée au COVID-19 et aux changements organisationnels. Cela inclut des actions telles que des formations ciblées et des accompagnements, tout en maintenant notre vision ambition d’améliorer l’expérience clients.
L’essentiel est de trouver le bon rythme pour avancer sans s’épuiser, en gardant toujours à l’esprit l’objectif ultime. C’est un équilibre délicat, mais c’est l’une des facettes les plus enrichissantes de ma mission.
Rappelez-nous les domaines d’activité de Covéa Protection Juridique ?
CB : Covéa Protection Juridique (CPJ) est la branche de protection juridique du groupe Covéa. Nous reflétons la part de marché de nos trois marques principales, qui sont MMA, MAAF, et GMF. Notre part de marché tourne autour de 17% (nous sommes donc leaders en France) et nous équipons les particuliers, les professionnels et les entreprises. Nous élargissons également notre activité en travaillant avec des courtiers et divers partenaires.
En termes de part d’activité, quelles sont les proportions entre les trois marques et les autres canaux de distribution ?
CB : Environ 80 % de notre chiffre d’affaires provient de MMA, MAAF et GMF, tandis que le reste provient du courtage et de partenariats divers. Ils nous aident à diversifier notre activité tout en sécurisant notre croissance et notre rentabilité.
Pouvez-vous nous donner un aperçu de l’entreprise ?
CB : Nous comptons environ 550 collaborateurs. Notre chiffre d’affaires s’élève à près de 300 millions d’euros. Nous gérons environ 4 millions de contrats et traitons plus de 700 000 demandes d’informations juridiques chaque année. De plus, nous ouvrons tous les ans plus de 100 000 dossiers de gestion de litiges.
Nous avons deux implantations principales qui sont liées à l’histoire de nos deux sociétés fondatrices, à Noisy-le-Grand où nous avons environ 300 collaborateurs, et au Mans, avec environ 200 collaborateurs. Nous avons également une petite équipe d’environ 50 personnes à Montparnasse.
Pourriez-vous expliquer comment cette mission s’intègre dans le contexte actuel de « crispation sociétale » ?
CB : Lorsque je suis arrivé dans la protection juridique, j’ai réalisé que nos clients ne nous appellent pas principalement pour des problèmes juridiques complexes. Au contraire, ils nous contactent en raison de tracas du quotidien qui les préoccupent profondément. Ces tracas peuvent découler de conflits avec des voisins, des employeurs, des artisans, des collègues, des commerçants, etc. Nos clients se sentent souvent désemparés face à ces problèmes. Notre rôle essentiel est de démêler ces problèmes, de distinguer l’essentiel de l’accessoire, et de trouver des solutions qui redonnent aux clients leur sérénité.
Notre mission ne consiste donc pas uniquement à appliquer le droit de manière technique. Le droit -que nous devons maîtriser de manière impeccable- est un moyen, mais ce qui compte réellement, c’est de résoudre les problèmes de nos clients, de les accompagner et de leur expliquer les démarches de manière claire et compréhensible. En particulier, l’une de nos grandes forces est de parvenir à régler à l’amiable le litige auquel notre client est exposé, en évitant que l’affaire ne se règle devant les tribunaux … et nous y arrivons deux fois sur trois ! C’est pourquoi j’ai insisté sur le fait que notre rôle fondamental est d’être des « démêleurs de tracas« . Ce travail demande une parfaite expertise juridique mais aussi une grande empathie et une capacité à gérer des relations complexes.
Pour ce qui est du contexte actuel de « crispation sociétale », nous constatons que les sollicitations que nous recevons sont le reflet des tensions qui traversent la société. Par exemple, lors de la pandémie de COVID-19 et des confinements successifs, nous avons observé une explosion des litiges liés aux voyages, aux conflits de voisinage en raison du télétravail, et aux achats en ligne. La protection juridique offre un moyen concret de résoudre ces problèmes et de répondre aux préoccupations des citoyens.
Notre offre de protection juridique est accessible à un coût abordable, généralement autour de 80 euros par an. Elle contribue à démocratiser l’accès à la justice en offrant aux clients un moyen de résoudre leurs problèmes juridiques et de retrouver leur sérénité. En fin de compte, notre mission est de dénouer les tracas quotidiens de nos clients, ce qui explique pourquoi nous sommes de plus en plus sollicités. Notre objectif est de contribuer à la résolution des problèmes de nos clients et de rendre la justice plus accessible à tous. C’est une mission enthousiasmante que nous prenons très au sérieux.
Votre service de protection juridique joue un rôle essentiel dans la relation clients globale des marques que vous représentez ?
CB : En tant que marque blanche, nous ne représentons pas seulement les marques que nous servons, nous devenons ces marques. À chaque fois qu’un de leurs clients fait appel à nos services, nous devenons GMF Protection Juridique, MAAF Protection Juridique ou MMA Protection Juridique. Cela nous amène à travailler nous travaillons en étroite collaboration avec les marques afin de nous assurer que nous respectons leurs politiques et leurs objectifs en matière de satisfaction clients. Il existe des nuances dans les attentes des clients de différentes marques. Nous travaillons donc sur la gestion de ces singularités de marques.
Notre objectif est de fournir un service de protection juridique de haute qualité tout en respectant les particularités et les attentes de chaque marque que nous servons. C’est un équilibre que nous nous efforçons de maintenir pour offrir une expérience clients optimale.
Quelle est votre vision de l’avenir de la protection juridique ?
CB : Nous allons assister à une demande croissante de services de protection juridique, en raison de l’incertitude croissante dans la société et des nombreux défis juridiques auxquels les individus et les entreprises sont confrontés. Les litiges liés au logement, à l’emploi, à la consommation et à d’autres domaines continueront d’augmenter, ce qui renforcera la nécessité d’une protection juridique accessible.
Concernant la technologie, nous sommes convaincus que les outils digitaux et d’intelligence artificielle sont une formidable opportunité, car ils s’appliquent très bien à la matière du droit : ils vont permettre à nos collaborateurs d’être plus efficaces et plus affutés pour démêler les tracas de leurs clients, tout en se concentrant sur les sujets importants grâce au développement du self care.
Sur le modèle économique de la protection juridique, est-ce que vous voyez des évolutions poindre ?
CB : votre question est difficile et je ne voudrais pas y répondre par des affirmations péremptoires. J’ai pensé il y a une quinzaine d’années que la révolution internet allait disrupter le modèle d’affaires des sociétés d’assurance et force est de constater que la vente en ligne reste marginale aujourd’hui, en tous les cas en France car mon expérience anglaise m’a montré qu’outre-manche les transformations étaient plus radicales.
J’ai la conviction néanmoins que des changements profonds vont intervenir dans les prochaines années. La digitalisation des parcours clients, le développement du self-care que j’évoquais il y a quelques minutes, l’arrivée de l’IA comme levier d’assistance de nos juristes doivent permettre de changer significativement la donne pour nos organisations : il y a des enjeux d’efficacité et de productivité très importants. Plus largement, nos organisations sont aujourd’hui très soumises à des flux de sollicitations volatiles et hétérogènes qui malmènent constamment notre qualité de service et la maîtrise de nos coûts.
La transformation digitale qui se dessine doit nous faire passer d’une organisation à flux subis à une organisation à flux maîtrisés, notamment par la réduction des appels à moindre valeur ajoutée, la canalisation des appels importants grâce à la mise en place de rendez-vous avec les bons spécialistes. Le client sera gagnant grâce à une meilleure information et une meilleure accessibilité et nos collaborateurs vont aussi y gagner. Ils vont voir leurs journées se réoxygéner et leur mission se revitaliser.
Notre offre de services va aussi s’enrichir grâce au digital. Nous aurons la possibilité de proposer des protections juridiques plus segmentées et accéder à de nouvelles cibles de clients via de nouveaux partenaires. Je pense en particulier aux néo-banques et plus généralement à ces nouveaux acteurs du digital qui auront un véritable intérêt à enrichir leur proposition de valeur d’une garantie de protection juridique.
En protection juridique, nous savons assurer l’intégralité des tracas qui peuvent survenir dans un monde plein d’incertitudes et de tension. Grâce à ces nouveaux partenaires, en complément de nos trois marques, nous pouvons imaginer demain être davantage présent au bon moment de la vie des Français pour proposer notre capacité à démêler les tracas.