Le 5 mai dernier, la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) a publié une étude analysant les disparités entre départements en matière de dépenses de santé et de reste à charge.
Menée sur des données datant de 2018, il en ressort que selon leur lieu de vie, le montant à la charge des patients, ou de leur complémentaire santé, après remboursement de la Sécurité sociale est plus ou moins important. Retour et explications sur ces contrastes géographiques en matière de dépenses de santé.
Des variations géographiques de dépenses de santé comme de reste à charge
Les Français sont confrontés à des inégalités tant dans l’accès aux soins que dans le règlement de leurs factures médicales. L’étude récemment publiée par la Drees, rattachée au ministère de la Santé, a mis en lumière les fortes variations en fonction des régions en termes de dépenses de santé et de frais restant à la charge des patients. En effet, les montants réclamés varient d’un département à l’autre, avec des différences expliquées en partie par les dépassements d’honoraires pratiqués dans certains territoires, mais pas seulement.
Des divergences entre zones dans les dépenses de santé
Les dépenses moyennes de santé varient de manière conséquente d’un département à l’autre, avec des montants qui vont de 2 290€ en Loire-Atlantique à 3 550€ en Haute-Corse :
Tandis que les dépenses les plus faibles se trouvent en Rhône-Alpes, dans le quart nord-ouest, en Guyane et en Île-de-France, les fourchettes hautes se situent :
- en Corse ;
- en Provence-Alpes-Côte d’Azur avec 3179€ dans les Bouches du Rhône, par exemple ;
- en outre-mer (Martinique et Guadeloupe notamment) ;
- ainsi que dans les départements ruraux du centre (Cantal, Creuse) et du Nord-Est (Meuse, Haute-Marne…).
Ces différences s’expliquent en partie par le tissu démographique de chaque département, car la demande de soins dépend de l’âge et du sexe : les femmes recourant davantage aux soins que les hommes, bien que cette tendance s’inverse à partir de 80 ans.
Une fois neutralisée de l’âge et du sexe de la population, les divergences entre département se réduisent mais restent présentes avec des dépenses de santé :
- qui restent très importantes dans le nord-est, les départements d’outre-mer (dom), en corse et sur le pourtour méditerranéen ;
- basculent en dessous de la moyenne nationale dans le quart nord-ouest, les alpes et le sud-ouest et les alpes.
L’étude souligne que ces contrastes territoriaux dans les dépenses de santé reflètent :
- le niveau de vie de la population. Les dépenses de santé étant un peu plus élevées dans les départements où le taux de pauvreté est le plus fort, il en résulte que les plus précaires sont susceptibles d’avoir davantage besoin de soins, même si leur comportement tend à devoir y renoncer. Mais elles augmentent également dans les territoires où le niveau de vie est le plus élevé ;
- l’offre de soins : La forte densité médicale dans l’Hérault, les Alpes-Maritimes et le Var, va de pair avec le niveau élevé de dépenses de santé tandis que ces dernières sont plus faibles dans l’Ouest (Ille-et-Vilaine, Sarthe, Manche…) où l’offre de soins est moins présente ;
- la majoration des tarifs réglementaires des médecins spécialistes comme des séjours hospitaliers en Île-de-France, en Corse et dans les DOM.
Des différences de reste à charges réduites par l’assurance maladie…
La Drees résume ainsi : « près de la moitié des différences de dépenses de santé standardisées s’expliquent par des facteurs de revenus ou d’offre de soins », appuyant son analyse par cet exemple, « les professionnels de santé sont susceptibles de fixer des tarifs plus élevés dans les zones où les patients ont une plus grande capacité à payer ».
Il est donc logique que le reste à charge varie aussi selon les territoires, note le service statistique du ministère de la Santé. « L’assurance maladie obligatoire (AMO) prend en charge en moyenne 82 % des dépenses de santé en France en 2018. Les 18 % restants correspondent au reste à charge après assurance maladie obligatoire (RAC AMO), qui s’élève en moyenne à 490 euros par patient. »
Ce « RAC », passe ainsi de 230 euros en Guyane et 397€ en Seine-Saint-Denis à plus de 550€ dans les Hauts-de-Seine, les Yvelines, à Paris, dans le Rhône et les Alpes-Maritimes. La région francilienne est aussi celle qui se concentre « deux à trois fois plus de patients aux RAC très élevés que la population nationale » avec un record à 7700€ dans ces départements.
A contrario, dans les territoires ruraux comme la Lozère et le Lot, les restes à charge sont inférieurs de 4% à la moyenne nationale, c’est-à-dire de l’ordre de 470 euros. Et ces sommes sont encore plus basses dans les Outre-mer. A La Réunion, par exemple, elles sont 34% moins élevées qu’en métropole : 320€ environ.
Selon la Drees, ces différences entre départements s’expliquent par les dépassements d’honoraires, en particulier chez les médecins spécialistes. En région parisienne notamment, ils peuvent atteindre 413€ à Paris et 380 euros dans les Hauts-de-Seine, par exemple. Des niveaux bien plus élevés que la moyenne nationale qui s’établit à 239 euros et desquels d’autres départements se rapprochent comme les Alpes-Maritimes avec 300€ de dépassements d’honoraires en moyenne.
Une fois de plus, ce sont les différences de « niveau de vie des plus aisés au sein du département » que la Drees présente comme facteur d’explication de ces montants.
…et les organismes complémentaires
L’unique recours des ménages pour limiter le reste à charge des dépenses de santé c’est leur prise en charge par les complémentaires santé, et ces dix dernières années elle n’a cessée d’augmenter. Alors que la part de financement des organismes complémentaires, qui regroupent les mutuelles, les sociétés d’assurances et les institutions de prévoyance, était de 13,4% en 2019 selon le rapport de la Drees, elle a atteint 16,2 % en 2021, soit une dépense supplémentaire de 9,7 milliards d’euros.
Ainsi, le reste à charge moyen pour les patients en France, après intervention de leur organisme complémentaire reste le plus faible des pays européens, ce qui explique certainement pourquoi 85% des Français jugent la complémentaire santé indispensable !