Gouvernance produits, rémunérations, informations sur les coûts et les frais, informations sur les risques, adéquation, Nicolas Ducros, délégué général de la Chambre national des conseils en gestion de patrimoine, revient, pour L’Assurance en Mouvement, sur les points importants de la Retail Investment Strategy (RIS) adoptée le 24 mai dernier par la Commission européenne.
Le document relatif à la stratégie pour les investisseurs de détail a été présentée par la Commission européenne le 24 mai 2023. Il s’agit d’une “Directive omnibus” qui apporte notamment des modifications aux directives DDA, MIF 2, Solvabilité II. Elle fait partie d’un paquet composé d’un autre texte amendant le Règlement PRIIPs.
La proposition de la Commission ne sera que le point de départ d’un long processus législatif. Une fois que le Parlement et le Conseil auront défini leurs positions respectives, les discussions en trilogue auront vocation à identifier un compromis entre les trois versions du texte. Cette procédure devrait se dérouler sur 12 à 16 mois mais il est probable que les élections du Parlement européen prévues en mai 2024 et la nomination de la nouvelle Commission entre les mois de mai et de septembre 2024 aient une incidence sur ce calendrier si ce n’est sur les discussions et l’orientation définitive de la RIS.
Parmi l’ensemble volumineux de dispositions contenues dans ce projet, certaines ont particulièrement retenues notre attention :
Gouvernance produits (“value for money”)
Actuellement, le processus de validation des produits détermine un marché cible de clients finaux. Celui-ci permet notamment de s’assurer que la stratégie de distribution est adaptée. Le projet prévoit une obligation pour les concepteurs d’évaluer tous les coûts facturés aux investisseurs et de garantir leur juste proportion, compte tenu des caractéristiques, des objectifs, de la stratégie et des performances attendues du produit.
La notion de “Value for money” (ou rapport qualité prix) est renforcée par rapport à la législation actuelle. Entre autres, une attention particulière sera portée à l’appréciation des charges liées à la distribution.
Si les distributeurs ont l’obligation de s’assurer que les produits sont recommandés dans l’intérêt du client, la stratégie d’investissement de détail introduit la charge de quantifier les coûts de distribution et d’effectuer une évaluation globale des prix par rapport à des critères de coût et de performance pertinents, en tenant compte des propres évaluations des fabricants. Cette nouvelle obligation constitue une source de complexité potentielle pour les intermédiaires et fera l’objet d’une attention particulière.
Les rémunérations
MIF II interdit les commissions en cas de conseils indépendants. La commission prévoit d’étendre ce dispositif à la réception/transmission d’ordres (RTO) ou l’exécution d’ordres. Les CIF ne sont pas concernés dès lors qu’ils n’effectuent pas de RTO sans conseil.
De son côté, la directive sur la distribution d’assurance (DDA) n’interdit pas les commissions. La RIS envisage une interdiction des incitations versées par les fabricants aux distributeurs en relation avec les ventes non conseillées d’IBIPs. Les intermédiaires en assurance français (IAS) ne sont pas concernés dès lors que la réglementation actuelle ne leur permet pas de réaliser des ventes sans conseil.
Dans le cadre de la DDA, les notions de conseil indépendant ou non indépendant n’existent pas. Il est désormais question d’aligner ce texte avec la directive MIF 2 et la notion de conseil indépendant. En effet, le nouveau texte indique qu’il revient à l’intermédiaire en assurance d’informer le client qu’un conseil est donné sur une base indépendante. Le professionnel doit alors :
- évaluer un nombre suffisamment important de produits d’assurance disponibles sur le marché qui sont :
- suffisamment diversifiés en ce qui concerne leur type et leurs fournisseurs pour garantir que les objectifs du client peuvent être atteints de manière appropriée,
- et ne se limitent pas aux produits d’assurance émis ou fournis par des entités ayant des liens étroits avec l’intermédiaire.
- ne pas accepter et conserver les frais, commissions ou tout avantage monétaire ou non monétaire payés ou fournis par un tiers ou une personne agissant au nom d’un tiers en relation avec la fourniture du service aux clients.
Par ailleurs, MIF II dispose qu’une rémunération, une commission ou un avantage non monétaire versé, reçu ou perçu doit avoir pour objet d’améliorer la qualité du service financier concerné. Dans DDA, la perception de commissions ne doit pas contrevenir à l’obligation d’agir au mieux des intérêts du souscripteur ou de l’adhérent.
Désormais, ces deux dispositifs s’effacent au profit d’un nouveau où il est établi que les conseillers doivent, au minimum :
- fonder leurs conseils sur l’évaluation d’une gamme appropriée de produits financiers,
- recommander les produits les plus rentables (« cost-efficient ») de la gamme de produits financiers adaptés, et,
- offrir au moins un produit financier qui ne comporte pas de caractéristiques supplémentaires entraînant des coûts additionnels.
Pour les CIF, il est possible qu’ils se retrouvent dans l’obligation de diversifier leurs fournisseurs pour fonder leurs conseils sur l’évaluation d’une gamme appropriée de produits financiers. Le terme de “gamme appropriée” mérite éclaircissement au regard de la prime accordée, de facto, aux produits ETF aux dépens de la distribution de structurés.
Informations sur les coûts et les frais
En la matière, MIF II dispose que les informations relatives au coût des services d’investissement, y compris le coût des conseils, doivent être communiqués. Dans la DDA, c’est l’information sur les modes de rémunération de l’intermédiaire et sur l’ensemble des coûts et frais du contrat présentés de façon agrégée dont il est question. L’article 29 (1d) de la DDA ajoute l’obligation de divulguer les informations sur tous les coûts, les frais associés ainsi que leur impact sur les rendements attendus
Pour demain, c’est un alignement de la DDA sur MIF 2 qui est envisagé puisque le client est tenu informé du montant des rémunérations perçues de tiers.
L’ESMA et l’EIOPA seront habilitées à définir le format et la terminologie que les entreprises devraient utiliser pour la divulgation d’informations sur les coûts et les charges sous MiFID, et pour les divulgations précontractuelles sous DDA.
Concernant l’information tout au long de la vie du produit, MIF II oblige d’informer le client sur les coûts et frais, y compris les paiements reçus de tiers en cas de relation durable.
DDA prévoit une information annuelle sur les coûts et frais du contrat, de façon agrégée, à la charge du distributeur. En pratique, cette information est assumée par l’assureur.
Une fois de plus, la RIS a homogénéisé ces dispositifs puisque les entreprises d’investissement ainsi que les distributeurs d’assurance (IBIPs) devront fournir à tous les clients un relevé annuel détaillant, entre autres, des informations sur les coûts et les frais, y compris les paiements de tiers, et les performances.
Des difficultés pour l’intermédiaire ne sont pas exclues au regard du travail d’agrégation et de compilation des données si l’obligation repose sur lui et non sur le producteur ou l’assureur.
Informations sur les risques
Dans MIF II, les informations fournies doivent permettre aux clients de comprendre la nature du service d’investissement et du type spécifique d’instrument financier proposé ainsi que les risques y afférents.
Dans le projet, les distributeurs doivent afficher des avertissements de risque appropriés dans tous les supports d’information comportant des produits particulièrement risqués. Le projet de texte prévoit de donner un mandat à l’ESMA et à l’EIOPA afin d’élaborer des lignes directrices précisant la notion de produits financiers particulièrement risqués, ainsi que de mettre en œuvre des normes techniques précisant le contenu et le format de ces avertissements sur les risques.
Adéquation
Afin d’encourager la fourniture de conseils indépendants et moins onéreux, le projet prévoit que les conseillers indépendants peuvent fournir des conseils limités à une gamme suffisante d’instruments financiers diversifiés, non complexes et d’un bon rapport coût-efficacité. Pour ces produits, les distributeurs pourront effectuer une évaluation de l’adéquation sur la base d’informations plus limitées sur le client. Étant donné que les conseils se limitent à des produits diversifiés et non complexes, une évaluation des connaissances et de l’expérience des clients, ainsi que de la diversification de leur portefeuille, ne sera pas requise.
Dans leur majorité, les adhérents de la CNCGP disposent des statuts de CIF et IAS, c’est la raison pour laquelle ils appliquent les dispositions de MIF II et de la DDA. A ce titre, et en l’état actuel du texte, ils sont moins concernés par la réforme d’ampleur qu’annonce la RIS que des courtiers d’assurances soumis uniquement à la réglementation portant sur l’assurance et qui se retrouveront confrontés à une profonde remise en cause de leurs habitudes de travail. En effet, l’une des premières caractéristiques de cette réforme vise à aligner les deux directives.