Promulguée au Journal Officiel début mars, la réforme de l’Assurance Récolte est entrée en vigueur le 1er janvier 2023. Elle devrait permettre de mieux affronter les conséquences du dérèglement climatique et la multiplication des événements extrêmes. L’assureur devient l’interlocuteur unique de l’agriculteur en cas de sinistre.
Gel tardif, grêle, inondations, sécheresses, vents violents… le dérèglement climatique a des conséquences négatives sur les récoltes et l’ensemble du secteur agricole. Ces événements climatiques extrêmes sont malheureusement appelés à se multiplier et à s’intensifier dans les années à venir.
À l’horizon 2030, les scientifiques annoncent une hausse de 10 % de leur fréquence. « On n’est plus face à un coup dur tous les cinq, six ans : c’est maintenant tous les ans. Après 2021, les exploitants ont pris conscience qu’ils ne pouvaient plus faire face, seuls, au dérèglement climatique », constate Joël Limouzin, chargé du dossier au syndicat agricole majoritaire FNSEA, cité dans Les Echos. Cette réforme était attendue tant par les exploitants que les assureurs pour qui la prise en charge de sinistres majeurs peut s’avérer difficile.
La réforme du système assurantiel, effective depuis le 1er janvier 2023, ambitionne l’homogénéisation des pratiques. Concrètement, le fonds des calamités agricoles devient le fonds de solidarité national (FSN).
Tous les agriculteurs et toutes les cultures (même la viticulture et les grandes cultures) peuvent bénéficier de ce dispositif. De l’autre côté, l’accessibilité aux assurances privées est simplifiée. L’État délègue ainsi la gestion totale aux assureurs. Au choix, l’agriculteur pourra choisir, par groupes de cultures, soit de s’assurer, soit de se limiter au FSN.
Couverture aléas courants et aléas exceptionnels
Le nouveau dispositif propose un système universel de couverture des risques à trois étages. Un premier niveau relèvera de l’agriculteur, qui assumera seul les pertes des « aléas courants » jusqu’à un seuil de franchise de 20 % (contre 30 % auparavant). Le second niveau du dispositif concerne les « aléas significatifs » et relèvera de l’assureur privé, qui assumera la prise en charge entre 20 et 50% de pertes de récolte. Enfin, les « aléas exceptionnels » déclencheront une intervention de l’État, y compris pour les agriculteurs non assurés. Le taux d’indemnisation prévu dans le cadre de la solidarité nationale sera de 90 % pour les assurés de toutes les cultures.
Pour les non-assurés, il sera moindre et dégressif, soit de 45 % en 2023, 40 % en 2024 et 35 % en 2025. Un seuil de déclenchement de la solidarité nationale est fixé à 50 % de pertes pour les groupes « grandes cultures, cultures industrielles et légumes » et « viticulture », et à 30 % pour les autres productions, notamment l’arboriculture et les prairies.
Un guichet unique
Avant le 31 mars 2023, même s’il ne souhaite pas avoir recours aux assureurs privés, chaque exploitant devra désigner un interlocuteur agréé unique, via une plateforme digitale, qui sera déployée par le ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire à la mi-janvier 2023.
Grâce à cet interlocuteur unique, l’exploitant est accompagné, de la signature de ses contrats jusqu’au règlement des sinistres. Les mêmes méthodes de détermination des pertes et les mêmes références historiques seront utilisées par le Fonds de Solidarité National et l’assurance privée.
En cas de sinistre, l’agriculteur effectuera la déclaration à son interlocuteur agréé unique pour déclencher la conduite d’une expertise qui déterminera le taux de perte définitif après la récolte.
L’expertise se base sur la moyenne olympique de cinq années d’exploitation. En cas de sinistre sur prairies, le calcul d’un indice de production de l’herbe issue de l’imagerie satellitaire permettra l’estimation du taux de perte. Le niveau minimal d’intervention dépend de la hauteur de franchise choisie dans le contrat ou bien du seuil de déclenchement du FSN.
Un pool d’assureurs pour une mutualisation des risques
La loi préconise la création d’un pool d’assureurs, ce qui permettra une mise en commun de données agricoles et une mutualisation des risques pour établir une prime d’assurance la plus juste possible, tout en maintenant une concurrence sur les tarifs entre entreprises. Dans son ordonnance du 29 juillet 2022, l’État a donné) un délai de 18 mois aux assureurs pour s’organiser et imposera un dispositif s’ils ne se sont pas accordés d’ici là.
Les contrats d’assurance offrent une meilleure garantie d’indemnisation que le Fonds de Solidarité National. Certes, ils sont plus coûteux et nécessitent un paiement de cotisation avant le 31 octobre de chaque année. Pour encourager les agriculteurs à s’assurer, l’État a relevé le niveau de subvention publique des cotisations à 70 % (contre 65 % actuellement). Aujourd’hui, 31% des surfaces cultivées sont assurées, mais seulement 1,2 % pour les prairies et 3 % pour l’arboriculture.