Les chiffres de l’Institut Swiss Re pour 2022 confirment la tendance d’une multiplication des catastrophes naturelles et des coûts associés à ces sinistres. Pour la 2ème année consécutive, les pertes assurées estimées dépassent les 100 milliards de dollars, poursuivant la tendance d’une « augmentation annuelle moyenne de 5 à 7% sur les dernières décennies. »
Dans son communiqué de presse, Swiss Re tire la sonnette d’alarme sur le déficit de protection dans le monde, le secteur de la réassurance n’ayant couvert qu’environ 45 % des pertes économiques cette année.
Parmi les principales catastrophes survenues, figure l’ouragan Ian ayant frappé les Etats-Unis mais aussi les tempêtes hivernales en Europe et les orages de grêle en France. Face à cette tendance, Swiss Re plaide pour l’adoption de démarches plus prospectives pour mieux modéliser cette évolution des risques, invitant aussi à revoir les tarifications qui ne reflèteraient pas le risque effectif.
Les chiffres-clés dévoilés par Swiss Re
– 115 milliards de dollars de pertes assurées mondiales causées par des catastrophes naturelles en 2022 : un chiffre bien supérieur à la moyenne décennale de 81 milliards de dollars
– 50-65 milliards de dollars de pertes assurées causées par le seul ouragan Ian, « deuxième sinistre assuré le plus onéreux jamais enregistré dans les registres sigma »
– plus de 50 milliards de pertes assurées par les « risques secondaires » : parmi ceux-ci, les tempêtes hivernales en Europe ont coûté plus de 3,7 milliards de dollars
– la France a connu la série d’orages de grêle « la plus grave jamais observée », avec des pertes assurées estimées à 5 milliards d’euros
Faut-il changer d’approche en matière de gestion et d’anticipation des risques ?
Les experts de Swiss Re appellent à un changement de méthode face à cette hausse des sinistres. A commencer par Thierry Léger, Group Chief Underwriting Officer, qui déclare que « 2022 a marqué une nouvelle année de hausse des sinistres liés aux catastrophes naturelles. La demande d’assurance augmente alors que le manque de protection reste important. Pour permettre au secteur de l’assurance de faire face à une volatilité et une demande croissante, il sera impératif à terme de modéliser l’évolution de la fréquence et la gravité des risques. »
Le fait qu’un événement à lui seul, comme l’ouragan Ian, engendre 50 à 65 milliards de perte met en effet en évidence « la menace potentielle que représente un seul ouragan sur un littoral densément peuplé, au cours d’une année cyclonique par ailleurs clémente. »
Le pire est que ce genre de catastrophe est appelé à se reproduire de plus en plus fréquemment, comme l’affirme Martin Bertogg, responsable des périls catastrophiques chez Swiss Re : « il y a 30 ans l’ouragan Andrew a généré une perte de 20 milliards de dollars, montant qui n’avait jamais été enregistrée auparavant ; aujourd’hui, sept ouragans de ce type se sont produits au cours des six dernières années. »
Si Ian a principalement frappé les Etats-Unis, pour autant aucun continent n’a été épargné cette année, entre les tempêtes et orages de grêle en Europe ou les pluies torrentielles ayant provoqué de vastes inondations en Australie. « Le risque est en hausse et se déploie sur tous les continents », poursuit Martin Bertogg. « Le développement urbain, l’accumulation de richesses dans les zones exposées aux catastrophes, l’inflation et le changement climatique sont des facteurs clés en jeu, transformant les phénomènes météorologiques extrêmes en pertes de catastrophes naturelles en constante augmentation. »
Dans un tel contexte, le rapport de Swiss Re souligne « la nécessité d’adopter une approche plus prospective : le secteur de l’assurance gère le risque de catastrophe naturelle en s’appuyant sur une modélisation de pointe fondée sur la simulation de nombreux périls. » Toutefois, la sinistralité de 2022, aggravée par les cinq années précédentes montre que « la disponibilité des modèles et des données doit être améliorée pour les risques secondaires tels que les inondations et la grêle en particulier, car ils sont en hausse mais attirent moins l’attention de la part du secteur. »
Ce communiqué est ainsi l’occasion pour le réassureur qu’est Swiss Re de vanter ses « méthodes prédictives améliorées, introduites pour permettre à Swiss Re et à ses clients de mieux quantifier les risques actuels : par exemple, les inondations dues à des précipitations provoquées par des ouragans sont désormais explicitement modélisées sur la base d’une vision prospective des caractéristiques des précipitations, plutôt que sur des moyennes historiques à long terme. »
Des ajustements tarifaires sont-ils à prévoir ?
Dans un contexte difficile déjà marqué par l’inflation et la hausse des coûts d’énergie, et alors que l’assurance a déjà la réputation d’être trop chère de façon générale, il s’agit évidemment d’une question cruciale.
Sans véritablement s’attarder dessus, le communiqué de Swiss Re se veut pourtant très clair, y compris concernant la France : « les graves dommages causés par la grêle en 2022 en France établissent de nouvelles références, soulignent le déplacement du risque et appellent à des ajustements tarifaires. » Pour Thierry Léger, « la tarification doit quant à elle refléter le risque effectif », sous-entendant que les tarifications actuelles ne sont pas à la hauteur de ces risques.
Cette question ne manquera pas de faire débat, surtout que le dernier rapport statistique annuel de l’ACPR récemment publié soulignait « les résultats exceptionnels en 2021 » du secteur financier français, banques et assurances comprises, avec un ratio de solvabilité de 253% pour l’assurance. Ces éléments démentaient ainsi toute possible fragilité des assureurs, l’ACPR annonçant aussi des résultats pour le 1er semestre 2022 « dans le sillage de l’année 2021. »