La réforme de l’Assurance Récolte, promulguée au Journal Officiel début mars, était attendue de longue date par le monde agricole, en première ligne face aux conséquences du dérèglement climatique.
Si la réforme doit entrer en vigueur le 1er janvier 2023, les arbitrages sur les seuils de franchise et le taux de subvention de l’assurance devaient encore être précisées : c’est désormais chose faite suite à la publication d’un communiqué de presse conjoint du Ministère de l’Agriculture et du Ministère de l’Economie et des Finances.
Si l’Etat salue « une réforme historique », pour autant les inquiétudes restent nombreuses sur des possibles voire probables hausses de cotisations.
Trois niveaux de couverture de perte
Pour rappel, le nouveau dispositif de couverture des risques sera réparti en trois niveaux :
- les « aléas courants » seront assumés par les agriculteurs. Le Gouvernement rappelle cependant que ces derniers peuvent bénéficier d’autres dispositifs comme le plan France relance, afin « d’investir dans du matériel de protection améliorant la résilience de leur exploitation face aux aléas climatiques. »
- les « aléas significatifs » seront pris en charge par l’assurance subventionnée, évidemment uniquement pour les agriculteurs ayant fait le choix de s’assurer.
Il s’agit d’une problématique majeure car comme le rappelle encore le média spécialisé Entraid’, le Journal du machinisme agricole, le taux d’assurance des agriculteurs contre les aléas climatiques reste nettement insuffisant, à hauteur d’environ 30%.
- enfin, les « aléas exceptionnels » déclencheront l’intervention de l’État, y compris pour les agriculteurs non-assurés.
Le gouvernement salue ainsi dans son communiqué « un système de gestion des risques reposant sur la solidarité nationale et le partage du risque entre l’État, les agriculteurs et les entreprises d’assurance. L’objectif est de créer une protection universelle pour les exploitants afin de permettre leur résilience face au changement climatique. »
Les seuils et taux de franchise, de subvention et de déclenchement fixés par décret
Après plusieurs mois de négociations, le Comité National de Gestion des Risques en Agriculture (CNGRA) a donc validé les différents paramètres chiffrés très attendus de cette réforme, pour les trois prochaines années :
- Bonne nouvelle tout d’abord, le seuil de déclenchement pour bénéficier de l’assurance récolte passe de 30% à 20% de pertes. Ce seuil tient lieu également de franchise
- les souscriptions à un contrat d’assurance récolte seront subventionnées à 70%, pour toutes les cultures
- le seuil de déclenchement pour bénéficier de la solidarité nationale (via le régime CATNAT) est fixé à 50% de perte pour les groupes « grandes cultures, cultures industrielles et légumes » et « viticulture »
- ce seuil a en revanche été fixé à 30 % « pour les autres productions, notamment l’arboriculture et les prairies »
- en cas de recours à la solidarité nationale, le taux d’indemnisation par l’Etat sera de 90% pour les agriculteurs assurés, pour toutes les cultures
- pour les non assurés en revanche, le taux d’indemnisation sera moins élevé et dégressif : 45% pour 2023, 40% pour 2024 et 35% pour 2025
- enfin, une clause de revoyure est également prévue au-delà de 680 millions
Le Ministre de l’Agriculture Marc Fesneau s’est félicité de ces avancées : « le paramétrage retenu constitue un marqueur fort pour créer un cadre favorable à la diffusion de l’assurance. C’est une étape importante d’un changement de paradigme, la couverture universelle et accessible à tous de nos agriculteurs face au risque climatique ! C’est un engagement fort pour nos agriculteurs qui sont en première ligne. »
De son côté, le Ministre de l’Economie Bruno Le Maire a salué « l’aboutissement d’une réforme historique de la protection des agriculteurs contre les risques climatiques. Grâce au soutien majeur de l’Etat, nos agriculteurs seront mieux protégés et notre agriculture sera plus forte ».
Vers des hausses de cotisations ?
Malgré cette avancée, de nombreuses questions demeurent. Si l’un des enjeux majeurs est de faire grimper le taux d’assurance récolte chez les agriculteurs, encore faut-il que les tarifs de ces assurances, même subventionnés, soient accessibles. Comme le relaie Entraid’ par la voix d’Arnaud Wafflaert, expert agricole dans les Hauts-de-France, « les cotisations 2023 vont naturellement augmenter : en cause, les niveaux de prix de vente de référence qui ont flambé. »
Si l’inquiétude reste donc forte pour l’avenir, le présent ne semble guère plus reluisant d’après Arnaud Wafflaert, y compris dès cette année pour les agriculteurs assurés en multirisques climatiques : « les contrats sont fixés selon le chiffre d’affaires d’une culture. Or ces chiffres ne sont dorénavant plus réalistes avec la flambée des matières premières. Ainsi [en cas de sinistre], il risque d’y avoir de vraies pertes de capital, car les indemnisations couvriront peut-être les coûts de production, mais certainement pas le manque à gagner. »
Pour rappel, le Livre Blanc du groupe Covéa (MAAF, MMA et GMF), consacré au changement climatique à l’horizon 2050, prévoit dans les années à venir une augmentation du nombre de sinistres à hauteur de 70%.