En date du 8 juin 2022, la Cour d’appel de Paris a condamné la Fédération des syndicats dentaires libéraux (FSDL) pour avoir appelé au boycott de la plateforme de santé Santéclair. Cet arrêt s’inscrit dans le sillage de la longue lutte menée par la profession dentaire contre les réseaux de soins depuis les années 2000.
Les représentants de la profession dentaire plusieurs fois condamnés
Entre 2003 et 2012, Santéclair a en effet créé différents réseaux de soins dans le domaine de la santé, dont le réseau dentaire omnipratique, l’un des premiers réseaux proposés, et celui d’implantologie dentaire, constitué fin 2012. Ce dernier prévoyait, grâce à des partenariats non-exclusifs avec des chirurgiens-dentistes justifiant d’une pratique dédiée à l’implantologie, des services en direction des assurés, à savoir : des critères de qualité, la mise en place de tiers payant, une modération tarifaire et une orientation, à la demande des patients, vers des dentistes membres du réseau.
Entreprise innovante dans le secteur, Santéclair a eu maille à partir avec les ordres professionnels, au premier rang desquels le Conseil National de l’Ordre des chirurgiens-dentistes dont les avis sont largement suivis par les conseils départementaux et par l’ensemble des professionnels libéraux.
« Le Conseil national de l’ordre des chirurgiens-dentistes a été condamné une première fois en février 2009 par le Conseil de la concurrence à payer une amende de 76 000 € pour avoir appelé les chirurgiens-dentistes à boycotter le réseau dentaire omnipratique, condamnation confirmée par la Cour d’appel de paris en 2010 puis par la Cour de cassation en 2011.
En 2014 est intervenue la loi Le Roux, dont l’ambition était de favoriser le recours aux réseaux de soins en permettant aux organismes complémentaires de santé de mieux rembourser les patients ayant recours à leurs réseaux. Cette loi, intervenue alors que Santéclair venait tout juste de lancer son réseau d’implantologie dentaire, n’a pas calmé les esprits du côté des représentants de la profession dentaire qui, non seulement se sont opposés à cette législation, mais ont aussi déposé plusieurs plaintes à l’encontre de chirurgien dentistes partenaires de Santéclair en leur reprochant de pratiquer des prix en dessous du marché en échange d’un rabattage de clientèle de la part de Santéclair », explique Melissa Savoy-Nguyen, avocate associée du cabinet Pudlowski & Savoy.
En novembre 2020, l’Autorité de la concurrence a une nouvelle fois condamné le Conseil National de l’Ordre des chirurgiens-dentistes, mais aussi plusieurs conseils départementaux et les deux principaux syndicats de chirurgiens-dentistes, la Fédération des Syndicats Dentaires Libéraux et la Confédération nationale des syndicats dentaires, pour avoir cherché à entraver l’activité des réseaux de soins par diverses actions : « les condamnations sont lourdes puisque le Conseil National de l’Ordre des Chirurgiens-dentistes a été condamné à la peine maximale, 3 millions d’euros d’amende », précise Melissa Savoy-Nguyen.
Appel au boycott et menaces
En parallèle, Santéclair a saisi la juridiction judiciaire pour obtenir la réparation de son préjudice : à l’époque, elle n’a assigné que la FSDL, la seule à avoir publiquement menacé les partenaires de Santéclair de poursuites disciplinaires et lancé des mots d’ordre de boycott à l’encontre de l’ensemble des interlocuteurs contractuels et fonctionnels de la plateforme de santé (1).
Par jugement du 22 octobre 2019, le tribunal de grande instance Paris a ordonné à la FSDL de cesser ces appels au boycott et l’a condamnée à verser à Santéclair 20 000 € de dommages et intérêts. Par son arrêt du 8 juin 2022, la Cour d’appel de Paris a confirmé cette décision en portant le montant des dommages et intérêts à 70 000 €.
« Les magistrats n’ont pas été dupes de la stratégie de défense de la FSDL qui consistait à accuser Santéclair de diverses violations des règles déontologiques applicables aux chirurgiens-dentistes et pratiques prétendument déloyales : ils ont d’ailleurs sanctionné « l’inutile complication des débats » par la FSDL qui soulevait un certain nombre de moyens juridiques inopérants par l’octroi d’une indemnité pour les frais d’avocat de 15.000 euros en première instance et de 15.000 euros en appel », conclut Melissa Savoy-Nguyen.
- Exemple de message envoyé courant octobre/novembre 2013 à des chirurgiens-dentistes figurant sur le listing de la FSDL ;
« Appel à la résistance contre Santéclair
Chers consœurs, chers confrères dont les patients ont reçu une lettre via Santéclair en réponse à leur demande de renseignement sur leur devis. Si le nom de chirurgiens-dentistes partenaires est donné au patient pour que celui-ci se détourne de son praticien habituel, VOUS devez porter plainte contre les dentistes nommés dans ce courrier auprès du Conseil de l’Ordre Départemental pour détournement de patientèle, compérage et publicités interdites par le Code de déontologie. La FSDL qui vient de consulter le Conseil national de l’Ordre vous soutiendra dans cette action qui mettra un terme à ces pratiques inadmissibles. »