Dans un contexte d’inquiétude relative à l’assurabilité des risques, en particulier des risques cyber, France Assureurs prend part au débat en publiant un Livre Blanc sur l’économie de la donnée numérique.
France Assureurs évoque les formidables opportunités induites par ce saut technologique, mais aussi les enjeux en termes de protection de la confidentialité et les risques encourus.
Pointant un retard français en matière digitale ainsi qu’une pénurie de compétences « tech », aggravé par la « Guerre des talents », France Assureurs met sur la table 6 grandes propositions visant à clarifier et sécuriser le cadre d’exploitation des données.
L’explosion de l’économie de la donnée
Notre capacité à créer des données n’a jamais été aussi importante : en 2020 d’après France Assureurs, chaque individu a produit 1,7 Mo de données par seconde. Comme l’indique Florence Lustman, Présidente de France Assureurs, en introduction du Livre Blanc, « près de 90 % des données existantes dans le monde ont été créées au cours des deux dernières années. Chaque jour, plus de 300 milliards de courriels sont échangés et 100 millions de photos et de vidéos sont partagées sur Instagram. Le mot exponentiel prend ici tout son sens. »
En conséquence, ces flux massifs de données alimentent le développement des technologies d’intelligence artificielle, créant ainsi un cycle vertueux comme le souligne Florence Lustman, « Internet, les smartphones et les réseaux sociaux engendrent et donnent accès à une somme considérable d’informations toujours plus fines et granulaires qui, bien utilisées, permettent de déployer des services innovants et personnalisés. » Si en réalité, le secteur de l’Assurance a toujours été intrinsèquement lié au traitement des données, tout le génie des technologies actuelles est de parvenir à normer et structurer cette masse incroyable de données et ainsi les rendre exploitables. Sans cette structuration, il n’existerait pas d’économie de la donnée.
C’est d’ailleurs ce que confirmait Wilhelm Schneemeier, président de l’Association actuarielle européenne (AAE), mettant en évidence l’évolution de sa profession vers un actuariat 5.0 : « notre profession a toujours travaillé avec les données. Mais auparavant, il y avait tout simplement moins de données chiffrées disponibles. Par exemple, les informations liées à la santé étaient souvent conservées sous forme de texte. Or aujourd’hui nous sommes en mesure de traiter ces données et nous les prenons beaucoup plus en considération dans nos calculs. »
Des risques et enjeux à prendre au sérieux
Revers de la médaille, tout progrès, toute technologie n’est pas sans poser question, ni sans créer de nouveaux risques. Comme l’explique Florence Lustman, « les cyberattaques n’épargnent ni les particuliers ni les entreprises. Les Français s’en préoccupent à juste titre : 66 % considèrent être exposés de manière importante aux risques numériques. »
Ainsi dans son Livre Blanc, France Assureurs pointe 5 différentes problématiques à traiter en priorité, qu’il s’agisse d’enjeux à surveiller ou de risques avérés.
- « La domination du Cloud par des géants technologiques non européens » : le marché est en effet concentré dans les mains des entreprises américaines, ce qui met en question la capacité des pays européens à garantir la souveraineté de leurs données. Dans cette optique, le gouvernement français a annoncé la mise en place du label « Cloud de confiance », afin de « sécuriser techniquement et juridiquement les services d’informatique en nuage utilisés par les entreprises françaises. » France Assureurs exprime son soutien à cette démarche.
- « Le retard français en matière d’identité digitale» : être en capacité de prouver son identité sur Internet est en effet une nécessité. Différentes techniques digitales existent, bien plus sécurisées et efficaces que le mot de passe à l’ancienne. Cependant France Assureurs pointe un « faible niveau de sécurité de nos identités digitales », ouvrant ainsi la porte à des accès frauduleux : les assureurs plaident pour que « la France se dote d’un ou plusieurs dispositifs d’identification forte. »
- « L’accroissement de notre exposition aux cybermenaces » : la digitalisation croissante de nos vies quotidiennes nous expose inéluctablement davantage aux risques Cyber. D’ici 5 ans, les attaques cyber constitueront la principale menace selon la Cartographie des risques 2021 de France Assureurs. En parallèle, 51 % des Français s’estiment mal informés sur ces risques et méconnaissent les mesures permettant de les limiter. Interrogée sur Europe 1, Florence Lustman avait déjà pointé « cette absence de culture des risques Cyber », celle-ci concernant également les dirigeants des TPE/PME : d’après une enquête menée par l’IFOP sur « les TPE / PME et la cybersécurité » en 2021, les trois quarts des dirigeants estiment que leur entreprise n’est pas exposée à ce type de risques. Au contraire pour France Assureurs, les TPE/PME sont des « cibles importantes pour les attaques les plus fréquentes, à savoir les rançongiciels. » Les risques Cyber constituent donc une menace grandissante pour notre économie.
- « La montée en puissance des véhicules connectés »: France Assureurs souligne que « d’ici à 2025, près de la moitié des véhicules en circulation en Europe seront des véhicules connectés. » Si cette connectivité permettra logiquement de grandes améliorations et des services toujours plus innovants, outre une prévention accrue, ces avancées là encore n’iront pas sans poser de questions relatives à la maitrise des données qu’il faudra garantir aux conducteurs, et éviter aussi le risque de « verrouillage de ces données » par certaines entreprises au détriment de l’ensemble des professionnels du secteur.
- « La pénurie de compétences Tech » : France Assureurs déplore en effet que « le fossé se creuse entre les compétences disponibles et celles devenues incontournables, » et ce au niveau mondial dans un contexte d’intensification de la « Guerre des Talents. » En France, plusieurs spécialistes pointent une pénurie de main d’œuvre dans le numérique, comme le co-fondateur et PDG de Livestorm Gilles Bertaux : « l’an dernier en France, le nombre de candidats a diminué, créant ainsi une pénurie de talents. Le retard de formation numérique en France est un élément important qui pourrait peser majoritairement sur le développement et la compétitivité de l’écosystème tech français : il est indispensable de promouvoir l’éducation numérique dans le système éducatif français, seule solution pour mettre en adéquation les compétences actuelles et les demandes des entreprises. » Ainsi cette pénurie de main d’œuvre dans le numérique génère une tension forte sur le marché de l’emploi, notamment dans le secteur de l’assurance
Les six propositions de France Assureurs, « pour bâtir une économie de la donnée innovante et protectrice »
Le Livre Blanc de France Assureurs détaille 6 propositions, celles-ci étant structurées en 3 axes : mieux protéger les citoyens et les entreprises contre les menaces Cyber, favoriser l’innovation et la prévention en ouvrant l’accès aux données des véhicules connectés, et enfin préparer les salariés aux métiers digitaux de l’assurance. Ces propositions sont les suivantes :
–Inclure une sensibilisation Cyber dans les parcours scolaires des jeunes élèves sur le modèle des actions de la Prévention routière.
-Clarifier la position de l’État français et de l’Union européenne concernant le cadre légal de l’indemnisation du paiement des rançons.
-Développer une culture du risque Cyber dans les entreprises et collectivités locales.
-Amplifier les efforts de prévention des TPE et PME.
-Mettre en place au niveau européen un cadre garantissant le respect du libre choix de l’utilisateur de partager ou non ses données, et l’accès transparent et équitable à ces données pour tous les acteurs.
-Renforcer l’accompagnement des salariés, favoriser leur formation à certaines compétences rares et stratégiques, recherchées dans le cadre des activités numériques.
En conclusion comme le souligne Florence Lustman, « les assureurs sont en première ligne pour tirer le meilleur parti des promesses de cette économie de la donnée en misant sur l’innovation technologique, tout en veillant à offrir à leurs clients un très haut niveau de protection de leurs informations. Ce Livre Blanc rappelle comment les entreprises d’assurance utilisent les données, de manière proportionnée et responsable, et dans quels buts. Au-delà des seuls assureurs, les enjeux technologiques, relatifs à la sécurité ou encore à la souveraineté de ces données, sont l’affaire de tous. »