Les prochaines modalités de financement de la Protection Sociale Complémentaire (PSC) des agents publics territoriaux, applicables à partir de 2025, ont fait l’objet d’âpres débats ces derniers mois entre les employeurs territoriaux et les organisations syndicales. Un nouveau projet de décret a été adopté ce mercredi 16 février par le Conseil Supérieur de la Fonction Publique Territoriale (CSFPT), réunissant à la fois les syndicats et les représentants des collectivités. Si rien n’était acquis d’avance, la menace d’un vote unanimement défavorable des syndicats, qui aurait provoqué une nouvelle lecture obligatoire du projet, ne s’est finalement pas concrétisée : la voie semble donc libre pour la publication du texte.
Rappel sur l’ordonnance du 17 février 2021
Pour rappel, c’est en vertu d’une ordonnance du 17 février 2021 qu’à partir du 1er janvier 2025, il reviendra aux employeurs des trois versants de la fonction publique (Etat, territoriale, hospitalière) de participer au financement de la protection sociale complémentaire de leurs agents. De leur côté, les employeurs privés sont déjà tenus de le faire depuis 2013. Les employeurs publics devront également financer la moitié des cotisations santé de leurs employés en 2026. Pour ce qui concerne la fonction publique territoriale, près de 2 millions d’agents sont recensés dans le pays.
Si cette ordonnance représentait une avancée favorable au personnel assuré, employeurs et syndicats devaient encore se mettre d’accord sur les modalités d’application et définir des seuils, en vue de la publication d’un décret. Concernant les couvertures Prévoyance (incapacité de travail, invalidité, décès), l’ordonnance prévoyait une participation à hauteur minimale de 20 % d’un montant de référence restant à définir. Pour la complémentaire Santé, la participation minimale prévue des employeurs devait représenter 50% d’un autre montant de référence.
Un vote favorable après des péripéties
Le 15 décembre dernier, un premier projet de décret avait été retiré en dernière minute de l’ordre du jour du CSFPT, suite aux protestations des cinq organisations syndicales représentatives recensées, que sont la CGT, la CFDT, FO, l’UNSA et la FA-FPT. Celles-ci estimaient en effet que les planchers de prise en charge par les employeurs n’étaient pas assez élevés.
Des négociations ont alors débuté, celles-ci devant durer jusqu’au mois de mars avant une nouvelle présentation du texte devant le CSFPT. Mais ces négociations ont tourné court. Le gouvernement souhaitant conclure rapidement ce dossier, un nouveau projet de décret a cependant été élaboré et la Ministre de la Transformation et de la Fonction Publiques Amélie de Montchalin a demandé son examen par le CSFPT en séance plénière ce mercredi 16 février.
Le débat s’annonçait houleux : avant même le vote du texte, la CGT, la CFDT, FO, l’UNSA et la FA-FPT dénonçaient dans une déclaration commune « des dispositions toujours aussi indigentes » et déploraient « l’imposition de ce projet de décret à l’ordre du jour (du CSFPT) par la ministre », contrairement au calendrier initialement prévu. Cependant, l’unité syndicale s’est fissurée au dernier moment lors du vote, le syndicat FO Territoriaux ayant finalement voté favorablement, voyant dans ce projet « une avancée sociale » pour les agents. « Les nouveaux droits que nous avons obtenus sont positifs, même si les sommes engagées ne nous conviennent pas », indique Laurent Mateu, secrétaire fédéral FO. La CFDT s’est quant à elle abstenue.
Ainsi d’après le communiqué du président du CSFPT, le Maire de Sceaux Philippe Laurent, « le texte a reçu 20 avis favorables (dont 16 du collège employeurs), 10 avis défavorables et 5 abstentions dans le collège syndical ». Si cette instance n’a émis qu’un avis consultatif, cela augure en pratique d’une conclusion prochaine de ce dossier.
Le seuil de participation à la prévoyance relevé à 7 euros
Le texte approuvé hier par le CSFPT prévoit que les collectivités versent au moins 7 euros par mois pour la prévoyance à partir de 2025, ce seuil minimal ayant été revu à la hausse par rapport au projet précédent qui ne prévoyait que 5€40. Le montant de référence est ainsi passé à 35 euros. En revanche sur la protection Santé, le seuil minimal à charge des collectivités est resté identique : il sera de 15 euros par mois en 2026 pour un montant de référence définis à 30 euros.
Parmi les nouveautés du texte, figure également l’absence d’obligation pour les collectivités de renégocier leurs dispositifs de PSC, à condition que celles-ci participent déjà à hauteur des seuils fixés. Une clause de revoyure est également prévue sur ces seuils, permettant de les renégocier si besoin au plus tard en 2024.
Des réactions contrastées entre employeurs et syndicats
Présente lors de la séance du CSFPT du 16 février, la Ministre Amélie de Montchalin a réagi par le biais de son entourage, se félicitant de « cet engagement tenu avant la fin de la mandature ». Dans son communiqué, le président du CSFPT Philippe Laurent souligne que « Les avancées de ce texte sont significatives et témoignent de l’engagement total des employeurs pour la mise en œuvre de la protection sociale complémentaire dans les collectivités. C’est un engagement sur le long terme. »
Du côté des syndicats, sans surprise le ton est nettement moins enthousiaste, les organisations « regrettant que de nombreux agents ne seront pas en mesure d’accéder à une protection sociale de qualité, compte tenu des montants des cotisations ».
Les employeurs territoriaux arguent en retour de la grande différence de moyens d’une collectivité à l’autre, contrairement aux fonctions publiques d’Etat ou hospitalière. Tous les départements, régions et communes n’ont pas en effet la même capacité de financement : « On ne peut pas se permettre de mettre des planchers (de prise en charge) trop hauts par rapport à la diversité de nos employeurs territoriaux », souligne ainsi Murielle Fabre, chargée du dossier au sein de l’Association des maires de France, membre de la Coordination des Employeurs Territoriaux (CET).
Les prochaines étapes du processus
Si ce vote favorable marque le franchissement d’une étape importante, de nouvelles négociations se profilent, sur des aspects plus techniques. La Ministre Amélie de Montchalin a ainsi souligné que « ce projet de décret ne met pas un terme au travail sur la PSC ».
Philippe Laurent a de son côté annoncé « qu’une méthode et un programme de travail pour les prochains mois sont en cours d’élaboration concertée [avec les syndicats] », notamment afin de faire évoluer le décret du 8 novembre 2011 qui encadre la PSC. Malgré leur déception sur le fond, les syndicats ont en effet unanimement salué l’accord de méthode trouvé avec les employeurs territoriaux pour les prochaines discussions : « Nous allons pouvoir poursuivre les négociations, notamment sur l’indexation, le taux d’invalidité, les mécanismes de solidarité, le panier de soin, la portabilité des droits… », explique Laurent Mateu.
Quid des autres fonctions publiques ?
L’ordonnance de février 2021 concerne les 3 branches de la fonction publique. Concernant la fonction publique d’Etat qui comprend environ 2,5 millions d’agents, un accord a déjà été signé fin janvier à l’unanimité, prévoyant la prise en charge par l’Etat des cotisations santé.
Rien n’a encore été conclu en revanche concernant la fonction publique hospitalière, forte d’1,2 million d’agents : « le ministère de la Santé concerte actuellement avec les partenaires sociaux », a indiqué le ministère de la Fonction publique à l’AFP.