Lionel Corre, Sous-directeur des assurances à la Direction Générale du Trésor, évoque ses convictions dans le cadre du magazine* « Dessine-moi la gestion de patrimoine », et répond aux questions de Jean-Charles Naimi.
Quels sont les grands chantiers européens qui vont impacter la profession de CGP et à quel niveau ? Quel avenir notamment pour le commissionnement ?
La particularité des CGP est de se situer à la confluence des trois règlementations structurantes sur lesquelles la Commission européenne souhaite porter son attention dans le cadre de sa stratégie Retail, à savoir DDA, MIF II et PRIIPs. En effet, plus de 60% des CGP sont à la fois conseiller en investissement financier, intermédiaire en assurances et intermédiaire en opérations de banque et en service de paiement.
L’objectif de la Commission est de parvenir à une meilleure articulation entre ces différents instruments juridiques afin que les investisseurs de détail puissent tirer pleinement parti de l’Union des marchés de capitaux. Le détail de la stratégie devrait être rendu public au premier semestre 2022. Elle pourrait reposer notamment sur la simplification des informations délivrées aux clients afin d’accroitre la comparabilité des produits, ainsi que sur la prévention des conflits d’intérêts, en renforçant notamment la transparence des frais et des rémunérations.
A cet égard, la pratique du commissionnement fait de nouveau l’objet de débats à Bruxelles. Notre position en la matière est constante : notre meilleure stratégie est la transparence et la généralisation de structures de rémunération qui préviennent le mieux possible les conflits d’intérêt. C’est une attente légitime des clients et c’est le meilleur moyen de ne pas remettre totalement en cause le commissionnement à terme. Concernant plus particulièrement la distribution de produits d’assurance, certains Etats européens ont d’ores et déjà interdit, partiellement ou totalement, le commissionnement, comme le Danemark, la Finlande, le Royaume-Uni et les Pays-Bas, en estimant que cette forme de rémunération crée des situations de conflits d’intérêt. La meilleure façon de nous préparer à ce débat est de faire évoluer les pratiques afin de garantir la transparence et l’absence de conflits d’intérêt, et notamment ces particularités du marché français que constituent le précompte et le « troisième usage ».
La réforme du courtage a été adoptée par le législateur. Quels sont les principaux points à traiter à présent au niveau réglementaire ?
Cette réforme structurante doit contribuer à la pérennité de notre réseau des courtiers de proximité en tirant tout le secteur vers le haut, tout en améliorant la protection des clients.
Les textes règlementaires vont porter, principalement, sur la fixation des conditions de fonctionnement des futures associations du courtage, les modalités d’exercice de leurs missions, leur gouvernance, ou encore les conditions de délivrance de leur agrément.
Concernant le démarchage téléphonique, nous devons surtout préciser les modalités d’enregistrement et de conservation des conversations téléphoniques prévues au IV du nouvel article L. 112-2-2 du code des assurances.
Nous travaillons actuellement avec les organisations professionnelles du secteur, avec l’ACPR, la DGCCRF, ainsi que la CNIL, pour aboutir à des rédactions adaptées à l’ensemble de ces enjeux.
L’entrée en vigueur de la réforme étant prévue le 1er avril 2022, l’objectif du Gouvernement est que la publication des textes règlementaires puisse intervenir à l’automne afin de permettre aux futures associations professionnelles d’être agréées par l’ACPR avant la fin de l’année.
Alors que le CCSF se penche sur le PER, quel est le bilan à ce jour de ce nouveau produit ?
Les objectifs du PER sont à la fois de permettre aux épargnants de mieux préparer leur retraite, de bénéficier d’un meilleur potentiel de rendement compte tenu de l’horizon d’investissement et de mieux répondre aux besoins de financement à long terme et en fonds propres des entreprises. Ceci dans un contexte de taux bas et dans le cadre d’une stratégie globale visant à la réorientation de l’épargne.
Le PER a été lancé en octobre 2019 et a connu rapidement un véritable succès commercial, ce qui est assez remarquable dans le contexte économique et sanitaire de l’année 2020. En effet, dès la fin 2020, 4,5 millions de personnes avaient fait le choix de ce nouveau produit pour un total d’encours dépassant 31 milliards d’euros.
Le PER présente en effet de nombreux atouts : la liberté de choix de sortie en rente ou en capital, la possibilité de déblocage anticipé pour l’achat d’une résidence principale, ou encore son régime fiscal. Par ailleurs, l’option de gestion pilotée par horizon par défaut permet de mieux répondre aux besoins de financement de l’économie, puisque 25% des encours du PER sont investis en titres de capital (contre par exemple 16% pour les placements des assureurs).
Cependant, afin de transformer ce succès commercial en réussite économique plusieurs chantiers sont devant nous : la poursuite du développement de l’offre, notamment en PER individuel comptes titres, une meilleure orientation des fonds vers les PME/ETI, une évolution du devoir de conseil qui doit désormais s’exercer tout au long de la vie du contrat, ainsi qu’une meilleure information des clients.
Qu’attendez-vous des CGP dans le cadre de la relance ? Quel message leur adressez-vous ?
Le modèle français de conseil en gestion de patrimoine présente de nombreux atouts : plus dynamique et moins concentré que dans d’autres pays européens, il permet à de nombreux épargnants des classes moyennes, et non pas seulement aux plus aisés, de bénéficier de conseils de qualité. Nous avons veillé à soutenir notre réseau de CGP pendant la crise, et ce dernier a su rester au plus près des clients.
Dans le cadre de la relance, les CGP ont un rôle essentiel à jouer pour orienter l’épargne de leur clientèle vers des supports adaptés et finançant nos entreprises. La crise sanitaire a eu pour effet de dégrader le bilan de nombre d’entreprises viables, ce qui risque d’entraver le redémarrage de l’investissement. En parallèle, l’épargne s’est fortement accumulée, sur des supports souvent très liquides et peu investis dans les fonds propres des entreprises, là où les besoins sont pourtant majeurs.
Le gouvernement a déployé plusieurs dispositifs pour faciliter cette réorientation. Le taux majoré de 25 % de réduction d’impôt du dispositif IR-PME a été prorogé en 2021. Nous avons mis en place le label Relance, qui identifie les placements contribuant à l’effort de relance en apportant rapidement des ressources nouvelles aux PME et ETI françaises. Avec désormais plus de 170 fonds labellisés, la gamme de fonds disponibles est suffisamment étoffée pour que chaque épargnant désireux de contribuer à la relance trouve les moyens de le faire.
Nous savons pouvoir compter sur la mobilisation des CGP, comme en témoigne l’engagement de leurs associations professionnelles derrière l’initiative de label Relance. Il importe que cette mobilisation se poursuive et s’intensifie tout au long de l’année 2021. C’est une des clés de la reprise.
*ITW du magazine « Dessine-moi la gestion de patrimoine », production Vovoxx, en Juillet 2021, que vous pouvez télécharger, diffusé gratuitement aux CGP et à leurs fournisseurs). Le #3 de ce magazine est prévu pour fin novembre 2021. Si intérêt, n’hésitez pas à nous contacter.