L’exercice 2020 s’est plutôt bien terminé pour Marlène Durand-Viel, gérante du cabinet Alastal Finance à Saint-Tropez et pour Guillaume Eyssette, Directeur associé du cabinet Géfinéo, situé à Paris. Mais l’année 2021 reste, pour l’heure, sujette à de nombreuses interrogations, voire quelques inquiétudes, qui peuvent freiner la mise en place de stratégies patrimoniales. Le retour de l’inflation fait aussi partie des préoccupations pour le long terme.
Quel bilan tirez-vous de l’année 2020 ?
Marlène Durand-Viel : Malgré la crise sanitaire et les deux confinements, mon activité 2020 est en légère baisse par rapport à l’année précédente. Le deuxième semestre s’est repris avec le bouclage d’opérations initiées au printemps 2020 et ralenties dans les rouages administratifs du premier confinement.
Durant cette période d’incertitudes, j’ai dû être à l’écoute pour rassurer, donner toutes les informations et conseils nécessaires à une clientèle déjà préoccupée sur la situation sanitaire et en questionnement sur leur patrimoine futur. La bonne connaissance de nos clients et notre proximité a contribué à traverser cette année en confiance mutuelle. L’allocation d’actifs diversifiée a permis de garder le cap pour passer cette année boursière d’une grande amplitude et de caractère exceptionnel.
Concernant notre métier, il avait déjà évolué ces dernières années en matière de digitalisation. Mais c’est en développant cet axe que nous avons pu assurer, ce qui était une priorité, la continuité du service auprès de nos clients. Certains fournisseurs et partenaires ont été très réactifs pour nous proposer des formations, conférences ou échanges en ligne, afin de continuer à nous former et à nous informer. Globalement, je retiendrai de l’année 2020 une adaptation assez remarquable de certains fournisseurs et de partenaires ainsi que de leur back office. En dépit du télétravail, ces derniers ont fourni le maximum pour réaliser toutes les opérations aussi normalement que possible. Enfin, j’ai été régulièrement informée par mon association professionnelle de la conduite à tenir en matière sanitaire avec nos clients et cela était rassurant.
Guillaume Eyssette : L’année 2020 a été pour la profession l’année de la digitalisation à marche forcée. Finalement tout le monde s’est mis aux visios et aux signatures électroniques. Nous avons gagné quelques années en quelques mois ! Les compagnies d’assurance se sont rapidement adaptées, et les clients trouvent maintenant naturel, voire pratique, de procéder ainsi. Finalement l’activité a été bonne car qui dit crise dit opportunité, et dans ce cas les clients ont besoin de conseils. Lors de la crise financière de mars 2020 nous avons reçu autant de questions de clients sur les précautions à prendre que sur les opportunités d’investissement à saisir.
Comment abordez-vous l’année 2021 et comment voyez-vous, pour votre activité, l’année 2021 ?
M.D-V : A la différence de 2020, la crise sanitaire s’installe et dure. Depuis le début de l’année, les couvre-feux successifs et le dernier confinement freinent certains clients à s’engager dans des projets et prennent le temps de la réflexion.
Nous abordons cette année et l’avenir avec une certaine inquiétude. Certes, la vaccination nous donne des perspectives positives en matière sanitaire. Cependant, l’endettement des Etats est colossal. Qu’adviendra-t-il sur le moyen et le long terme ? Comment se déroulera la phase de désynchronisation des politiques monétaires ? Il est difficile d’imaginer le retour à une vie normale sur les plans économique, social, fiscal et même politique.
Quels impacts sur l’inflation, faillites, chômage…et quelles nouvelles mesures seront annoncées par les politiques ? On évoque la piste d’un rétablissement de l’ISF alors que paradoxalement, un député a déposé un projet de Loi début mars pour faciliter les donations en vue de relancer l’économie ? Ces incertitudes politiques et fiscales nous entravent parfois pour la mise en place de stratégie patrimoniale. Ces questionnements liés au manque de confiance et aux incertitudes alimentent souvent les inquiétudes de nos clients. Pour eux, j’aborde 2021 dans la continuité de 2020, en restant disponible pour eux, et en gardant la même démarche déontologique et réglementaire acquise avec des années d’expériences, tout en restant informée par toutes les sources possibles.
Par ailleurs, les marchés financiers ne cessent de croître avec des bourses mondiales au plus haut qui rendent plus complexe le choix d’une bonne allocation d’actifs. Plus que jamais, le choix d’un investissement progressif permet de lisser des points d’entrée en cas de variations importantes comme nous l’avons connu ces dernières années. On pourra également tenir compte des nouvelles offres de valeurs labellisées ISR qui répondent en plus des critères financiers, à des problématiques environnementales, sociales et de gouvernance.
Enfin, bien qu’une baisse ait été annoncée en début de crise, l’immobilier reste toujours une valeur refuge et les prix sont restés élevés. L’investissement locatif est en train de subir des changements importants. Le gouvernement devrait interdire la location de « passoires thermiques » d’ici 2025 et les locations de meublés de courte durée peuvent désormais être assujettie à des charges sociales sous certaines conditions… A suivre pour voir si cela impacte dans la durée des changements de comportements des investisseurs.
G.E : L’année 2021 démarre bien du point de vue du niveau d’activité. La politique de taux d’intérêt zéro de la Banque centrale européenne, pousse les investisseurs à rechercher du conseil, pour sortir de la non-rémunération des solutions les plus évidentes, comme les livrets ou les fonds en euros. Nos recrutements de l’année de 2020 commencent à porter leurs fruits et nous accueillons aussi de nouveaux clients.
Y-a-t-il des thématiques que vous souhaiteriez approfondir pour vos clients ?
M.D-E : Afin de diversifier mon activité, je souhaiterai approfondir mes connaissances dans une formation de type Family Office.
G.E : Le grand sujet des années à venir, c’est de préparer les clients à une éventuelle poussée de l’inflation. Cela passe d’abord par un travail de pédagogie, car le dernier épisode inflationniste en France date des années 1980. Cela remonte à une quarantaine d’années et ce phénomène n’est plus vraiment présent dans la mémoire collective. Ensuite il faut préparer progressivement les portefeuilles, les patrimoines, pour être prêts, le moment venu à défendre le pouvoir d’achat des clients.
Un autre sujet concerne les clients les moins expérimentés, qui n’ont pas connus les grandes crises boursières de 2001 et 2008 par exemple. Nous devons les aider à mettre en perspective les performances récentes des secteurs et des actifs les plus en vogues pour qu’ils ne soient pas pris au dépourvu à la prochaine crise. Lorsque l’on gère sur du long terme, nous savons que les crises sont inévitables et qu’il faudra y faire face. Une personne qui investit pour sa retraite sur un horizon de 20 ans en connaitra un certain nombre ! Chercher à les éviter est bien souvent illusoire, voire peut mener à une paralysie finalement contre-productive. C’est l’attitude durant les crises qui fait la différence, il faut savoir et pouvoir garder le cap, et cela se prépare en amont.
Jean-Charles Naimi, journaliste indépendant