Isabelle Hébert répond à nos quelques questions.
La transformation de l’entreprise est probablement assez protéïforme. Il peut s’agir de la transformation de sa gouvernance ou de son organisation, de son rôle sociétal et environnemental, de la dimension produit et servicielle, des systèmes d’information et de l’intégration des nouvelles technologies, de la distribution et la relation clients, de la mutation/hybridation des compétences, du modèle économique,… . Dans notre secteur « se transformer », selon vous est-ce seulement changer, évoluer, s’adapter, ou devenir autre chose, devenir autre ? Pourquoi ?
Transformer une entreprise, c’est pour moi, le plus beau projet qui soit. C’est une aventure humaine et technologique à la fois.
Il faut d’abord comprendre son » Aujourd’hui » mais aussi son » Hier « . Il faut visiter, écouter, questionner, regarder, rencontrer… Il faut préparer et murir une Transformation, il faut la « machouiller » avant de s‘y lancer. Une entreprise ne prend que très rarement un virage radical, elle mute plutôt. Pour reprendre une expression de Nietzsche, une transformation réussie et pérenne doit révéler l’entreprise et lui permettre de « devenir ce qu’elle est » encore davantage. Elle doit faire émerger une raison d’être et la traduire en « raison(s) d’y croire » (reason(s) to believe).
Aventure humaine et technologique, une Transformation est un projet de construction collective qui demande architectes, géomètres, fournisseurs, représentants de tous les corps de métiers, décorateurs… Chacun dans son secteur d’activité, dans son industrie. L’énergie, maintenue dans la durée, mais aussi la capacité à projeter l’équipe vers une Vision sont fondamentales pour motiver les » troupes » et maintenir l’allure car aucune Transformation ne s’est « faite en un jour ». Elle peut se défaire en quelques mois. Il faut peindre l’Avenir. Il faut Expliquer, Expliquer, Expliquer. Donner à voir pour donner à espérer. Elle doit se nourrir du terrain et des équipes sur les territoires pour ne pas être « une construction de sommet » imaginée et orchestrée par le siège social parisien.
Cette construction collective se doit d’associer intimement l’univers de la Gouvernance et l’univers du Management opérationnel. C’est parfois trop rapidement oublié. Tous deux doivent être parfaitement alignés dans l’objectif et les moyens. Faute d’alignement, la Transformation sera perpétuellement fragile et bien plus laborieuse. Les Conseils d’administration et les Assemblées Générales doivent être l’occasion d’échanger sur les avancées, les surprises et les difficultés de la Transformation, pour reconfirmer le chemin.
Pour vous la transformation d’une entreprise est-elle un processus fini et planifiable, ou un mouvement perpétuel ? Pourquoi ?
Au cœur de la Transformation, seul peut résider le Client. C’est avec lui que tout commence et tout finit. Il est le « Why » et le « Who ». C’est pour lui que la Transformation doit être conduite. Par la stratégie et à chaque décision clé de la feuille de route, il faut se poser une question toute simple : « Qu’en penserait notre client ». En cas de doute de la « conviction client », changeons de cap, modifions les projets. Ecoutons en sincérité sa voix, qu’elle nous encourage ou conteste nos actions. Cela demande parfois du courage, souvent de l’humilité.
La Transformation est comme un exercice sur un organisme vivant, le corpus de l’entreprise. Modifier un aspect de ce corpus, n’est pas sans « effet papillon » sur le reste. Le corpus fait système. Il faut relier les points entre eux et jouer des synergies entre les « espaces de l’entreprise ». Nous pouvons souvent identifier où la Transformation commence (ou re-commence) mais nul ne peut en définir l’atterrissage définitif. Comme le disait si bien Antonio Machado : « caminando se camina, y se hace el camino al andar » (on avance en cheminant et on construit le chemin en marchant).
Oublions les feuilles de route au cordeau, les projets parfaitement attachés les uns aux autres. Somme toute, une Transformation est un peu comme un tableau pointilliste de Seurat. Par petites touches, le tableau se construit. Ce n’est qu’en plissant les yeux pour regarder le tout et en faisant quelques pas en arrière que nous avons la vision d’ensemble.
Vous faites partie des 50 transformers* du secteur de l’assurance. Les professionnels ont probablement signifié votre capacité à porter des convictions, donner de nouvelles directions, à initier/piloter des transformations, à incarner le mouvement … . D’un point de vue professionnel, quels sont les ingrédients indispensables à la transformation d’une entreprise du secteur de l’assurance ? Pourquoi ?
Un ingrédient me tient à cœur : ne pas partir avec des modèles tout faits et des idées en boite. Faire « à sa façon » avec authenticité, parce que copier ne mène nulle part. S’entourer des meilleurs et des plus enthousiastes : on ne fait jamais rien seul ! Ne pas oublier de garder un œil sur le monde, qui ne s’arrêtera pas de tourner et d’innover pendant que nous évoluerons. Se focaliser uniquement sur nous même pour centrer toute notre énergie sur la Transformation en omettant d’écouter ce que font les autres, c’est prendre le risque de se transformer mais d’arriver trop tard quand les autres n’ont pas arrêté leur chemin différent.
Pour conclure ?
Juste mon slogan de Transformation : encore et toujours #sourire&détermination !
Réalisé le 28/04/2021 – Jean-Luc Gambey – Vovoxx
*Isabelle Hébert est dans la communauté des 50 “Transformers” de l’Assurance.