Stéphanie Ruiz, qui exerce son activité en Portage salarial et Michaël Lamiable, fondateur de la société ATELIA se montrent prudent pour l’avenir et ont quelques craintes, notamment sur le secteur de l’immobilier. A Paris, comme dans le sud de la France, les deux professionnels ont organisé la continuité de leur activité et croient, comme leurs confrères, déjà interrogés par l’Assurance en Mouvement en l’avenir du digital.
L’Assurance en Mouvement : Comment-vous êtes-vous organisés depuis la mi-mars pour continuer à exercer votre activité ?
Stéphanie Ruiz : Depuis le confinement, je travaille exclusivement à distance, par téléphone, Skype, et autres moyens, que ce soit pour la prise de contact avec des prospects, le suivi des clients ou encore les déclarations de revenus. J’ai des outils dédiés aux professionnels comme Big Expert et accès à Fidroit.
Michaël Lamiable : L’annonce du confinement a entraîné la fermeture de nos bureaux, ce qui a modifié notre façon d’interagir avec notre clientèle. Nos collaborateurs sont habitués aux rencontres physiques régulières et le basculement en télétravail a été malgré tout bien vécu. Le plan de continuité nous a permis d’être opérationnels dès que nécessaire. Beaucoup d’appels téléphoniques et de visioconférences nous ont permis de garder un contact de proximité avec nos clients et nos partenaires. Nos outils informatiques se sont révélés également parfaitement adaptés à cette situation de crise. Bien entendu, l’apport de la signature électronique s’est avéré indispensable. J’en profite pour remercier notre équipe administrative qui a prouvé sa capacité d’adaptation sans aucun problème.
Quelles sont les principales préoccupations de vos clients et êtes-vous en phase avec ces inquiétudes ?
S R : Les préoccupations des clients portent, bien entendu, sur la volatilité des marchés, les loyers qui ne pourront être payés par certains commerçants, notamment dans le cadre des SCPI, les incertitudes face aux circonstances au niveau économique. J’ai des clients commerçants, artisans, travailleurs non-salariés qui, en raison de ces 2 mois de fermeture, sont malheureusement pour un grand nombre d’entre eux, dans une situation financière très fragilisée. Le fait que le gouvernement n’évoque pas cela est incompréhensible. Tous les français ne sont pas salariés.
Je suis en phase avec ces incertitudes économiques puisque je suis moi-même concernée étant en portage salarial. En tant que professionnelle, il est évident que cela fut très mal géré par les pouvoirs publics et la France va mettre au moins 8 ans, sinon plus à se relever de cela.
M L : Les inquiétudes que peuvent ressentir nos clients sont liées avant tout à leur santé. D’un point de vue purement financier, il y a peu de craintes exacerbées. Bien entendu, des interrogations sont présentes quant à la durée et la profondeur de la crise qui s’ouvre à nous mais il n’y a pas de remise en cause des stratégies patrimoniales adoptées jusqu’alors. Nos positions étaient relativement sécuritaires avant le déclenchement de la crise, il n’y a eu donc aucune surprise pour nos clients. La diversification des solutions mises en œuvre joue à plein dans ces moments chahutés.
Tout au plus, quelques-uns se sont interrogés et ont montré des signes d’inquiétudes sur un possible prélèvement exceptionnel sur leur épargne.
Comment voyez-vous à ce stade l’avenir des différents marchés et solutions ?
S R : Pour moi, il serait plus que judicieux de mettre en place une nouvelle loi d’optimisation fiscale au niveau immobilier afin que cela dynamise l’économie et surtout que les français retrouvent confiance et soient rassurés. Les discours du Président de la République ont plongé une grande partie de la France dans une psychose frénétique alors qu’il aurait dû avoir un discours rassurant, ce qui a rendu mon activité professionnelle, avec les prospects particulièrement, très compliquée.
Par ailleurs, la volatilité des marchés financiers, les incertitudes au niveau santé sanitaire, économique et social, génèrent un climat non rassurant. Il est évident que tant que tous ces domaines ne seront pas stabilisés, ce sera difficile. Tout le monde est impacté par cette crise, même les grands groupes.
M L : Tout dépend de la reprise et des mesures initiées à la sortie du confinement mais cela aura forcément des répercussions importantes. Pour ce qui est de notre cabinet, présent sur les différents segments, la diversification a toujours été le maître mot. Le problème principal que j’identifie se situe au niveau de l’immobilier qui se trouve à la croisée des chemins avec la hausse des prix, le manque de biens et une grande sensibilité au niveau des taux d’intérêts. Le sentiment de confiance doit absolument rester prédominant pour ne pas remettre en cause de manière trop sensible cette dynamique de marché.
Pour les placements financiers et autres solutions, la réglementation ainsi que l’apprentissage que nous avons mis en place, ont amené le conseiller mais aussi le client à mieux appréhender les notions de durée d’investissement et de risque. Tout cela a permis, jusqu’à présent, de traverser sereinement la période actuelle, et de rester en phase avec les orientations préconisées.
Pensez-vous que les outils de conseil, de suivi et de vente à distance vont prendre une place plus importante à l’avenir dans votre métier ?
S R : Absolument. Il faut justement profiter de cette situation pour améliorer et faire évoluer les outils de gestion et commercialisation à distance, comme par exemple, la signature des compromis de vente ou des actes chez le notaire. Nous sommes en 2020, il est grand temps de mettre en place la signature à distance sécurisée afin de simplifier les process dans tous les domaines. Un de nos partenaires qui avait déjà des délais de traitement assez longs a encore rallongé ses délais pendant la crise. Cela n’est pas normal. Un arbitrage ne doit pas être traité en plus 15 jours.
Il est nécessaire d’en tirer les points positifs pour faire évoluer et dynamiser ce qui doit l’être. Toutefois, dans notre métier, le contact humain en face à face restera toujours important et encore plus dans le contexte que nous traversons. La proximité, l’écoute, le suivi : nous sommes là pour rassurer nos clients et les accompagner pour traverser ces tumultes avec le plus de sérénité possible.
M L Il est indéniable que l’apport du digital va être renforcé dans nos relations avec nos clients. Notre cabinet s’était déjà doté de ressources permettant d’effectuer toutes ces opérations mais cela devient désormais la norme.
Vous projetez-vous pour la fin de l’année ou pour 2021 sur votre activité ? Si oui quelles seront les évolutions, transformations éventuelles liées au contexte de crise, sanitaire et probablement financière et économique ?
S R : Oui, néanmoins, ce qui est plus difficile à maîtriser, compte tenu du contexte, est le temps. Le temps qui sera nécessaire pour que les clients retrouvent confiance, pour qu’ils se projettent à nouveau. Aujourd’hui, il est encore un peu tôt car cette crise a tout bousculé quant à mon activité de l’année. Donc je vais devoir m’adapter, ce que j’ai commencé à faire. Sachant qu’économiquement et financièrement, je suis très prudente et le resterai un long moment. Au niveau de mon activité, je vais accompagner, rassurer mes clients et les prospects avec lesquels je suis en contact tel que je l’ai fait lors des diverses crises.
Les évolutions et transformations liées sont en train de se dessiner. En effet, c’est un peu prématuré pour le savoir.
M L : Notre structure ne devrait pas connaître de difficultés particulières. Ainsi, nous continuons notre plan de développement et notre réputation nous permet de développer notre clientèle et de croître régulièrement. L’arrivée prochaine d’une nouvelle collaboratrice permettra également de renforcer les équipes et de continuer notre travail sereinement.
Quelles seront les valeurs que vous allez mettre en avant demain ?
S R : Les valeurs que j’ai depuis toujours et qui me permettent d’avoir une véritable relation de confiance avec mes clients.
M L : Nous avons toujours œuvré dans l’intérêt de nos clients qui sont notre bien le plus précieux. Nous allons donc continuer ainsi, en tenant compte des adaptations nécessaires aux évolutions de marchés, à la réglementation et autres. Avoir une approche conseil, être proche de nos partenaires, de notre clientèle et de leurs différents interlocuteurs, nous permet d’adapter les différentes solutions à cet environnement mouvant. Ceci est un gage d’efficacité pour notre clientèle et notre cabinet.
Stéphanie Ruiz exerce son activité de conseil en gestion de patrimoine de manière libérale en tant que salariée d’une société de portage salarial spécialisée sur ce secteur d’activité. Basée en Ile de France, elle a commencé sa carrière au Gan Capitalisation en 1998 comme agent commercial à Montpellier puis a intégré le monde de la banque en 2000 et a travaillé pour plusieurs groupes bancaires. Elle a poursuivi son parcours professionnel dans plusieurs cabinets de conseil en gestion de patrimoine indépendants.
ATELIA est un cabinet en gestion de patrimoine généraliste créé en 2007 et disposant de plusieurs implantations (St-Raphaël, Biarritz, Ste-Maxime, Aix-en-Provence). Il travaille régulièrement et en étroite collaboration avec d’autres professionnels du droit et du chiffre. Les complémentarités des personnes au sein de la structure lui permettent de disposer des différentes expertises nécessaires au bon accomplissement des missions qui lui sont confiées. Michaël Lamiable, associé fondateur est titulaire d’un DESS Gestion de Patrimoine (Lyon III) et suit actuellement la 1ère promotion de l’Aurep dédiée aux métiers du Family Office.
Jean-Charles Naimi, journaliste indépendant