La pandémie actuelle impose des contraintes fortes d’organisation pour les entreprises. Résilience, plan de continuité, gestion de crise, maintien de la relation clients, gestion des Ressources Humaines et développement massif du télétravail, développement des systèmes d’information, conduite des opérations de communication, et maintien de l’organisation de la gouvernance de l’entreprise. Alors que la majorité des salariés du secteur de l’assurance travaillent aujourd’hui à distance, les dirigeants sont également confinés chez eux. Nous avons décidé d’interviewer, à distance, Christian Carrega, directeur général de Préfon et Président de Préfon Distribution. Christian Carrega, tout d’abord merci de répondre à cette interview. Comment en tant que personne, vivez-vous ce confinement ?
A titre personnel, je considère que j’ai de la chance par rapport à d’autres citoyens qui se retrouvent au chômage, sans activité. C’est aussi l’occasion de prendre contact avec de nombreuses relations pour avoir des nouvelles. Paradoxalement, une manière de renouer du lien social.
Trouvez-vous certains aspects professionnels positifs à votre confinement ? au télétravail ?
Au confinement, professionnellement non ! C’est avant tout une catastrophe économique, sociale, psychologique pour tous. Je pense que nous ne mesurons pas encore bien les conséquences y compris les conséquences humaines et sociales pour nos concitoyens. Mais y avait-il une autre solution ? C’est également un marqueur d’inégalité entre ceux dont le travail est possible à distance et ceux pour qui cela n’est pas possible. Même si j’observe des comportements extrêmement solidaires. Je crois que notre regard sur la 3ème ligne (je crois que c’est l’expression juste du Président de la République) : les caissier(e)s, livreurs, facteurs, commerçants, agents publics des collectivités…. aura définitivement changé. Pour le télétravail, c’est autre chose. En soi, le télétravail peut être une bonne chose lorsqu’il est souhaité. Le fait de le subir me semble changer profondément les choses.
Quelles grandes décisions, pour votre entreprise, avez-vous prises dans ce contexte ?
Dans un premier temps, même si nous sommes une petite structure, la priorité a été de protéger nos collaborateurs et de faire attention dans notre communication à ne pas être décalés par rapport aux attentes de nos affiliés et clients. Il a fallu maintenir la relation commerciale avec eux. Et nous avons soutenu et accompagné les efforts de notre assureur (CNP Assurances) qui assure la gestion administrative. Nous avons été particulièrement attentifs à la régularité de nos paiements auprès de nos fournisseurs. Notre responsabilité sociétale est de ne pas ajouter une crise à la crise pour nos sous-traitants.
Enfin, mais cela n’est pas le moins important, nous avons renforcé les outils de surveillance de la gestion financière du régime phare créé en 1967 et assuré par un consortium d’assureurs. Je dois dire que les équipes des quatre assureurs ont été au rendez vous en matière de transparence.
Comment organisez-vous la gouvernance de l’entreprise ?
Nous sommes aidés par notre taille et l’expérience des perturbations sociales de décembre. Nous avons appris à travailler à distance avec un comité de direction quotidien le matin pour partager les sujets et trouver ensemble les solutions. Nos administrateurs sont régulièrement informés de ce qui est mis en place, des difficultés rencontrées et des solutions mises en œuvre.
Les Français et probablement la grande majorité des salariés de votre entreprise sont actuellement en télétravail. Selon certaines études, une très grande majorité des Français salariés n’ont pas l’habitude de travailler à distance (89% selon une étude *) et ne disposent pas d’un espace réservé pour le home office (73% selon la même étude*), comment cela se passe dans votre entreprise ?
Oui c’est vrai ! Mais de ce point de vue, ce que nous avions mis en place cet hiver au moment des grèves dans les transports nous a été utile. Nombre de collaborateurs se sont organisés. Au sortir de cet épisode, nous avions également pris la décision de favoriser les ordinateurs portables et les téléphones mobiles. Cela a été très utile dans ce contexte d’urgence le 16 mars dernier.
Est-ce que le télétravail permet de gagner du temps, de la concentration et de l’énergie ? Pour vous, pour vos collaborateurs ?
Je crois qu’il faut distinguer le télétravail dans le cadre du confinement du télétravail en fonctionnement normal qui souvent améliore la productivité. Le collaborateur est plus concentré et sensible à délivrer un travail dans un délai court. Dans le cadre du confinement, nous sommes dans la gestion sous contraintes des urgences et des problèmes. Le télétravail non choisi n’est profitable pour personne, ni pour le salarié, ni pour l’entreprise. En ce moment, le manager est celui qui doit faire face à 100 problèmes par jour. Difficile dans ces conditions d’organiser les choses sur la durée.
Stress, surcharge de travail, isolement social, incertitude… Le télétravail en contexte de confinement n’est pas sans risque. Or, le travail à distance n’exonère pas les employeurs de leurs obligations de protection de la santé de leurs salariés. Est-ce conciliable ?
C’est effectivement très difficile. Les outils peuvent nous y aider, mais tous ne sont pas égaux devant les outils de visiophonie, le travail à distance, les mails plus nombreux que d’ordinaire, la nécessité de modifier ses habitudes, ses procédures… mais que de bonnes volontés à souligner et de personnalités qui se révèlent.
La technologie permet de maintenir l’activité professionnelle, de garder un peu de lien social… avez-vous découvert ou utilisé de nouveaux outils dans ce contexte ?
Oui, je pense, comme tout le monde, le boom de la visiophonie et les problèmes de bandes passantes, des réunions plus courtes et plus efficaces. Mais les discussions à la machine à café qui permettent de trouver des solutions sont irremplaçables.
Voyez-vous des conséquences positives de cette quasi généralisation du télétravail ?
Tel qu’il est subi : non ! Mais de la crise oui ! Un dirigeant d’une grande compagnie d’assurances me disait que c’est un formidable révélateur de certaines procédures ou méthodes de travail à revoir. J’y souscris complètement.
Pensez-vous, à terme, que cela risque d’augmenter le nombre de « télétravailleurs » une fois la période de confinement terminée ? Plus de demandes de la part des entreprises, des salariés ? La crise sanitaire actuelle risque-t-elle de modifier structurellement votre organisation ?
Je suis partagé. Je ne suis pas certain, après une telle expérience, que des collaborateurs qui réclamaient le télétravail sans l’obtenir, le souhaitent toujours. Nous verrons ! La crise sanitaire actuelle oui, elle doit nous amener à revoir nos process, sinon nous n’aurons rien compris.
Avez-vous un autre commentaire ?
Pas vraiment un commentaire, mais l’observation que le comportement de nos concitoyens est remarquable. Je pense aussi à la solidarité évidemment avec les soignants mais aussi entre nous, à la responsabilité, aux initiatives, à la grande qualité de notre service public (mais cela à la Préfon nous le savions).
*Deskeo a interrogé le 26/03/2020 2 736 professionnels au sujet de leurs conditions de télétravail.
Par Jean-Luc Gambey – Vovoxx
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