Le lancement du PER, ce nouveau contrat retraite né de la loi PACTE, est au cœur de nombreuses interrogations : sera-t-il le big bang annoncé ? Quelles sont les clefs de sa réussite ? Les planètes sont-elles aujourd’hui toutes alignées pour qu’il rencontre son public ?
Olivier Mariée, Directeur Commercial AXA France, a rédigé aujourd’hui une tribune libre dans laquelle il partage ses convictions autour de ses interrogations.
La Loi PACTE entre en vigueur dans les prochains jours. Elle créé un cadre attractif permettant aux épargnants de constituer une épargne retraite au travers d’un produit adapté, le PER. Au-delà de la réforme elle-même, cette période de transformation offre un contexte favorable pour évoquer un sujet d’avenir : le financial planning “à la française”.
Déjà largement développé dans les pays anglo-saxons, le conseil financier est incontournable pour moderniser notre épargne et favoriser les bonnes pratiques. Dans un pays comme la France, célèbre pour sa faible culture financière et son fort besoin de sécurité, une adaptation culturelle est nécessaire. Moins financier, plus orienté retraite & projets de vie, basé sur l’éducation et la projection sur le long terme : le financial planning à la française doit trouver ses propres marqueurs. Si ce conseil n’émerge pas, attendons-nous à un échec du lancement du PER qui, à terme, aura pour conséquence une baisse du pouvoir d’achat à la retraite et une difficulté à financer les dépenses de santé et de dépendance : une bombe sociétale à retardement !
L’épargne française anachronique
L’épargne des Français est aujourd’hui composée à près de 2/3 de produits de taux et n’est pas adaptée aux grands enjeux de demain. Ce constat est le résultat de l’environnement financier et des choix politiques depuis l’après-guerre. En effet, le niveau élevé des taux obligataires qu’a connu la France entre 1950 et 2000 a permis aux produits de taux d’afficher des performances facialement très élevées avec une garantie du capital. La baisse des taux intervenue depuis les années 2000 n’a pas changé la donne, notamment en ce qui concerne le fonds euros et les livrets réglementés, toujours plébiscités par les épargnants français. D’autre part, l’appétit naturel des Français pour l’investissement immobilier a été renforcé ces dernières années par la baisse des taux et la bonne tenue du marché. On peut noter aussi que les vecteurs d’une épargne « dynamique » sont de création récente (lancement des contrats dits « multisupports » courant des années 90, création du PEA en 1992) et que le choix d’encourager l’investissement sur ces actifs a été principalement porté par des avantages fiscaux (contrats DSK & NSK, Vie génération, PEA/PME…). Enfin, les français n’ont naturellement pas recours au conseil en matière financière. Ils n’en ressentent pas le besoin et n’en comprennent pas les bénéfices, souvent par manque d’éducation financière.
Cependant la préparation de la retraite et de la dépendance d’une part, et le financement des entreprises et de la transition climatique d’autre part, impliquent une révision profonde de l’allocation des actifs des épargnants. Cette nécessité est amplifiée par l’environnement de taux négatifs. En effet, le déséquilibre de nos systèmes de retraite et le besoin de financement du grand âge vont amener les français à épargner sur le long terme, voire le très long terme (20 ans ou plus) avec des objectifs de rendement importants. La longue baisse des taux et les taux négatifs ont signé la fin des produits « miracles » offrant performance, sécurité et liquidité. Cette épargne aujourd’hui doit être porteuse de sens pour les français (développement durable, proximité, emploi, responsabilité sociale). Tous ces éléments, ainsi que le fort besoin de financement de nos entreprises cotées ou non cotées (financées aujourd’hui à 92% par la dette), plaident pour une remise en cause des réflexes pris par les épargnants français.
L’opportunité de la Loi PACTE
Dans ce contexte, je considère que la Loi PACTE va créer dans les semaines qui viennent un cadre attractif pour les épargnants, à travers une déduction fiscale à l’entrée, des options de sorties plus souples (capital, rente), une portabilité, ainsi que des possibilités de sortie en cours de constitution (achat de la résidence principale), contribuant au financement de l’économie.
Cependant, je pense que cette transformation de l’épargne des Français ne sera possible que grâce à l’apport d’un conseil financier structuré pour que les investissements répondent à leurs besoins. Les offres d’investissement, principalement la gestion pilotée par horizon, intégrant différentes classes d’actifs (private equity, infrastructures…), les options de sorties (capital, rente, rente certaine, rente viagère, avec réversion ou sans), les différentes phases de conseil (initialisation, constitution, désensibilisation, restitution) vont nécessiter un accompagnement personnalisé, pédagogique, et dans la durée, des épargnants.
Dans ce nouveau cadre, le rôle des conseillers sera déterminant. En effet, un conseil adapté est nécessaire pour faire basculer l’épargne de produits d’attente vers des produits plus dynamiques : un alignement des actifs sera nécessaire avec le passif des épargnants (durée et type d’investissement). Un effort pédagogique très important devra être fait notamment concernant le capital investissement, classe d’actif méconnue des épargnants. Cette transformation de la profession devrait se faire à l’image de ce qui s’est passé dans d’autres pays notamment anglo-saxons, avec la mise en place – en complément du régime obligatoire – de supports d’épargne retraite individuelle : Individual Retirement Account, 401K aux US, Superannution en Australie [1] où le conseil financier a explosé : le nombre de conseillers financiers a augmenté de 41% entre 2009 et 2018, passant de 18 000 à plus de 25 000.
Construire notre propre modèle
En d’autres termes, je suis convaincu que cette réforme est l’opportunité de donner naissance au financial planning à la française. A la différence du modèle anglo-saxon, très financier, j’entends par financial planning à la française, un conseil orienté retraite et projet de vie, intégrant les problématiques de dépendance, mais aussi de santé et de prévoyance. Ce modèle français doit aussi tenir compte de la faible culture financière et du fort besoin de sécurité des Français. C’est un conseil financier qui allie éducation et projection sur le long terme.
Si cette dimension de conseil ne se met pas en place, le PER et les fonds de pension ne rencontreront pas le succès attendu. Cet échec aurait pour conséquence, dans un futur assez proche, une baisse du pouvoir d’achat à la retraite et une difficulté à financer les dépenses de santé et de dépendance : une bombe sociétale à retardement !
Pour faire de cette réforme un réel succès, les pouvoirs publics et les différentes professions doivent donc investir dans l’éducation financière des Français dès le collège et dans le développement d’une filière professionnelle du conseil financier. D’autre part, il sera nécessaire d’assurer la stabilité de la fiscalité des nouveaux produits d’épargne retraite et du cadre réglementaire du conseil.
[1] The Royal Commission into Misconduct in the Banking, Superannuation and FS Industry (December 2017)