L’assurance agricole indicielle, une stratégie nationale

Pour renforcer la protection des producteurs face aux aléas climatiques, le Niger prépare la mise en place d’une société nationale d’assurance agricole indicielle. Une innovation qui s’inscrit dans une stratégie d’inclusion financière, de sécurité alimentaire et de résilience, en lien direct avec les enjeux de développement durable. 

Ce modèle ouvre la voie à une couverture plus équitable et adaptée, notamment face aux sécheresses, inondations ou invasions acridiennes.

Une réponse structurelle aux effets du dérèglement climatique

Dans un pays où plus de 80 % de la population active dépend du secteur agro-sylvo-pastoral, les effets des sécheresses, inondations ou invasions de criquets sont dévastateurs. Ces phénomènes climatiques extrêmes se multiplient sous l’effet du changement climatique, impactant directement le produit intérieur brut (PIB) du Niger et fragilisant le tissu social.

Face à cette réalité, le gouvernement nigérien entend créer une société nationale dédiée à l’assurance agricole indicielle. Ce dispositif repose sur le versement d’une indemnité automatique lorsque certains indicateurs prédéfinis – tels que le niveau de précipitation ou d’humidité – franchissent un seuil critique. Cette solution innovante vise à réduire la dépendance aux financements d’urgence et à sécuriser le revenu des agriculteurs.

Une logique d’inclusion, d’équité et de sécurité financière

Lors de l’atelier national de validation de l’étude de faisabilité en décembre 2024, Mme Aissa Laouan Wandarama, ministre de l’Action Humanitaire et présidente du Comité national de l’assurance agricole indicielle (CNAAI), a souligné le potentiel de cet outil pour rompre le cycle de l’assistanat.

Outre son rôle protecteur, l’assurance indicielle favorise l’accès aux microcrédits et stimule l’investissement agricole. En permettant aux petits exploitants de souscrire une couverture, elle facilite leur inclusion dans le système financier. C’est également un levier de modernisation du patrimoine agricole local, un enjeu central pour les assureurs et les institutions financières.

Des contrats fondés sur des données mesurables et technologiques

L’une des spécificités de cette assurance réside dans sa dimension technologique. Les contrats s’appuient sur trois types d’indicateurs : la pluviométrie (mesurée par satellite), le rendement (fondé sur les moyennes agricoles historiques) et l’indice de végétation (NDVI, pour Normalized Difference Vegetation Index). Lorsque l’un de ces indicateurs révèle une anomalie climatique significative, le déclenchement de l’indemnisation est automatique.

Ce modèle permet d’éviter les délais liés aux expertises de terrain, d’accélérer les versements et de garantir la transparence des mécanismes d’activation. Il constitue une avancée majeure en matière d’innovation et d’efficacité opérationnelle pour le secteur de l’assurance.

L’enjeu de la montée en compétences des assureurs

Si ce produit est prometteur, il reste encore peu développé au Niger. Mme Aissa Laouan Wandarama pointe notamment le manque de capacités techniques chez les assureurs pour concevoir, évaluer et déployer ce type de contrat. Elle insiste sur la nécessité de former les acteurs locaux et d’impliquer les fédérations de producteurs, les banques, les météorologues et les chercheurs dans une démarche partenariale.

Cette phase de co-construction est déterminante pour garantir l’ancrage du dispositif dans les réalités du terrain et pour bâtir une offre d’assurance viable, mutualisée et inclusive, dans un cadre réglementaire transparent.

Des partenariats internationaux pour accélérer la mise en œuvre

Le Niger a déjà rejoint l’African Risk Capacity (ARC), une agence de l’Union africaine spécialisée dans la gestion des catastrophes climatiques. Ce partenariat permettra au pays d’accéder à des financements anticipés en cas de sinistre, renforçant ainsi ses capacités d’intervention. Ce modèle de cofinancement public-privé permettrait également de réduire le coût des primes pour les petits exploitants.

L’introduction d’outils technologiques comme les satellites Sentinelles ou les stations météo connectées représente un levier puissant d’amélioration continue du modèle assurantiel dans un environnement souvent difficile d’accès.

Les producteurs mobilisés aux côtés de l’État

  1. Bagna Djibo, président de la plateforme paysanne du Niger, se félicite de cette avancée. Il rappelle que les organisations agricoles ont largement contribué à alerter les pouvoirs publics sur l’urgence de développer des solutions alternatives face aux effets du changement climatique. Il appelle à un engagement budgétaire fort de l’État pour accompagner la mise en place de la société d’assurance et à une mobilisation collective des acteurs du secteur.

L’adhésion des producteurs est déjà palpable à travers des campagnes d’information sur le terrain, avec l’objectif de bâtir une culture du risque et de favoriser une appropriation des mécanismes assurantiels.

Vers un changement de paradigme assurantiel au Niger

En transformant le paradigme de gestion des risques climatiques, l’assurance agricole indicielle ouvre une nouvelle page dans la stratégie nationale de protection des plus vulnérables. Ce projet permet non seulement de stabiliser les revenus, mais aussi de favoriser l’innovation, l’inclusion financière et la transition vers une agriculture plus résiliente.

La professionnalisation de cette démarche, appuyée par des infrastructures technologiques, une gouvernance transparente et des partenariats internationaux, constitue un exemple concret d’intégration des objectifs de durabilité dans le secteur de l’assurance.

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