La directive solvabilité II : l’heure du bilan

Depuis 2016, le secteur de l’assurance évolue sous de nouvelles exigences de gouvernance, encadrées par l’ACPR. Les organismes, variés, doivent s’adapter et structurer leurs organes de surveillance, tout en maîtrisant leurs risques.

Depuis l’entrée en vigueur de la directive européenne 2009/138/CE (dite « Solvabilité II ») au 1er janvier 2016, les modalités de gouvernance des organismes d’assurance ont connu une profonde évolution. L’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), après avoir recueilli une large documentation et mené de nombreux entretiens avec des dirigeants et des responsables de fonctions de contrôle, dresse un bilan de ces changements et propose des orientations pour accompagner la transformation du secteur. Malgré la diversité des organismes, liée à leur taille, leur code de rattachement (assurances, mutualité, sécurité sociale) ou encore la nature de leurs activités, le cadre réglementaire s’applique à tous et requiert une organisation et un fonctionnement conformes aux objectifs de maîtrise des risques et de transparence. 

Proportionnalité : la clé d’une gouvernance efficace

L’ACPR souligne d’abord l’importance de la proportionnalité. Les exigences de gouvernance, bien que communes à l’ensemble du secteur, appellent des adaptations selon la complexité et la taille des structures. Dans les grands groupes ou les entités complexes, une attention particulière doit être accordée aux standards de marché les plus exigeants. Les conseils d’administration ou de surveillance conservent leur rôle essentiel de définition des orientations stratégiques, tout en voyant leurs prérogatives renforcées en matière de gestion des risques. Au cœur de ces évolutions, l’organe de surveillance doit confirmer son engagement et jouer pleinement son rôle de contrôle et d’anticipation face aux enjeux auxquels l’entreprise est confrontée. 

Séparation des pouvoirs : un débat ouvert

La question de la séparation des fonctions de direction constitue un point crucial pour améliorer l’efficacité de la gouvernance. Cette dissociation, obligatoire dans le secteur bancaire européen, n’est pas imposée dans l’assurance, même si elle figure dans plusieurs orientations internationales et européennes. En France, la réglementation ne prévoit pas de principe de séparation généralisé, et il arrive même que le cumul soit imposé par certains textes, comme dans le Code de la mutualité où le président du conseil d’administration est de droit dirigeant effectif. L’ACPR estime qu’une évolution de la réglementation sur ce point serait souhaitable, afin de permettre une meilleure cohérence des systèmes de gouvernance, en particulier dans les groupes réunissant différentes formes juridiques. 

Dirigeants : compétence exigée

Par ailleurs, la compétence et l’expérience des dirigeants, administrateurs et responsables de fonctions clés retiennent une attention soutenue. Le superviseur veille à ce que la nomination d’une personne dont les qualifications semblent insuffisantes puisse être refusée ou soumise à une formation complémentaire. Toutefois, il ne fixe pas de normes rigides sur le degré de compétence collective de l’organe de surveillance : les organismes sont encouragés à définir leurs propres objectifs et à organiser la sélection et la formation de leurs administrateurs de manière claire et transparente. L’important est de veiller à ce que le conseil d’administration ou de surveillance soit légitime et outillé pour analyser en profondeur les décisions stratégiques, valider les politiques de risques, approuver l’ORSA (own risk and solvency assessment) ou encore examiner les rapports des responsables de fonctions clés. 

Les nouvelles règles de gouvernance requièrent aussi que le respect des procédures ne soit pas perçu comme une formalité. Les décisions relatives à l’appétence aux risques, par exemple, doivent faire l’objet de débats approfondis. L’organe de surveillance doit être en mesure de confronter différents points de vue, de challenger les hypothèses et de trancher en tenant compte de l’intérêt global de l’entité. Ainsi, la gouvernance n’est pas seulement la mise en conformité avec des textes : elle constitue un réel dispositif de pilotage et de contrôle, qui doit servir les objectifs de stabilité et de croissance. 

Face aux regroupements, une gouvernance à réinventer

Nombreux sont les organismes – mutuelles, institutions de prévoyance ou sociétés d’assurance mutuelle – qui se sont engagés dans des opérations de regroupement afin de faire face à la concurrence et d’atteindre une taille critique sur leur marché. La constitution de groupes prudentiels (UMG, SGAM ou SGAPS) favorise l’intégration des systèmes d’information, la mutualisation des ressources et la réalisation de synergies. Toutefois, cette transformation peut engendrer une complexité accrue, nécessitant une gouvernance solide et cohérente. Trouver l’équilibre entre une autorité centrale, capable de piloter la stratégie d’ensemble, et la préservation des prérogatives de chaque entité reste un défi majeur. Les orientations définies au niveau du groupe doivent être assumées par l’ensemble des entités, tout en respectant leurs caractéristiques propres. 

Face à ces enjeux, la concertation avec l’ACPR joue un rôle déterminant. Les organismes sont encouragés à solliciter l’Autorité pour clarifier la manière dont les exigences de Solvabilité II doivent être appliquées et pour s’assurer que le système de gouvernance choisi reste compatible avec les contraintes légales comme avec les objectifs opérationnels. 

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