En alliant vision novatrice et approche pragmatique, l’assurance a façonné le développement industriel et financier de la Suisse.
Loin d’être un simple outil de protection, l’assurance a été un moteur central de l’industrialisation suisse. En permettant aux entrepreneurs de prendre des risques maîtrisés, elle a favorisé l’essor des infrastructures et la survie des entreprises face aux crises. Et plus qu’un rempart contre l’incertitude, une réponse ingénieuse aux défis économiques d’un pays sans grandes ressources naturelles, la gestion du risque est ainsi devenue un levier de prospérité.
L’assurance, une révolution en deux temps
Dès le XIXe siècle, la Suisse se distingue par une industrialisation rapide, notamment dans le textile, l’horlogerie et la mécanique. Face à l’exposition aux pertes, l’assurance a alors émergé comme une nécessité. Moritz Grossmann, originaire de Pologne, véritable visionnaire du secteur, incarne cette révolution. D’abord, il jette les bases de l’assurance incendie en Suisse suite à l’incendie dévastateur de Glaris en 1861 qui met en évidence l’ampleur des pertes possibles. Moritz Grossmann, à la tête de la compagnie Helvetia, développe alors une assurance incendie plus robuste, adaptée aux nouveaux risques industriels.
Soutenu par la Kreditanstalt (devenue Credit Suisse) et par des figures comme Alfred Escher, il participe aussi à la naissance de la réassurance suisse, qui permet aux compagnies locales de s’imposer sur le marché international tout en renforçant leur solidité financière. Et dès 1900, les assureurs suisses se regroupent dans l’Association Suisse d’Assurances (ASA).
L’État et le secteur privé : une collaboration pragmatique
En Suisse, l’État et le secteur privé collaborent de manière équilibrée dans le domaine de l’assurance, où chacun joue un rôle complémentaire. Si ce modèle n’est pas unique en Europe, il se distingue par son efficacité et sa capacité à préserver l’autonomie de chaque acteur. L’État intervient de manière ciblée, surtout lorsqu’il s’agit de garantir la solidarité sociale, comme le montre la nationalisation de l’assurance-accidents des travailleurs en 1918, une décision poussée par les employeurs eux-mêmes, soucieux d’éviter la faillite des petites entreprises face aux sinistres. Il s’agissait d’assurer la pérennité de nombreuses petites entreprises qui composaient l’économie suisse. Celle-ci a posé les bases de ce qui deviendra l’un des premiers systèmes de sécurité sociale en Suisse, bien avant l’introduction de l’Assurance vieillesse et survivants en 1948.
Cependant, loin de réduire l’importance du secteur privé, cette intervention publique a ouvert la voie à un modèle où l’État régule et protège, tout en permettant aux entreprises privées de rester compétitives et d’innover.
L’émergence d’un secteur favorisé par les spécificités suisses
L’essor et la réussite de l’assurance tant au niveau national qu’international s’ancrent aussi dans l’organisation fédérale du pays, avec ses 26 cantons et ses quatre langues officielles (allemand, français, italien et romanche), favorisant une approche décentralisée et une ouverture aux divers marchés internationaux. Ce modèle, fondé sur la solidarité et la compétitivité, s’appuie sur une certaine stabilité politique, garantissant à la Suisse une position sûre, voire de leader, sur la scène internationale dans le secteur bancaire, assurantiel avec Zurich Re, et Swiss Re en réassurance.