AU Group et EY alertent sur les défaillances des entreprises

AU Group, spécialisé dans la gestion des risques de crédit & politiques et dans le financement du BFR et EY dévoilent les résultats de leur étude sur les défaillances des entreprises françaises.

Ils analysent en profondeur les secteurs d’activité les plus impactés par ces défaillances ainsi que les raisons pour lesquelles ces entreprises se retrouvent en difficulté cinq ans après la pandémie.

Quel est l’impact de l’instabilité politique sur le tissu économique Français ? La crise géopolitique actuelle amplifie-t-elle davantage la situation ? Et, dans ce contexte, quelles sont les prévisions pour 2025 ? Focus sur les tendances à venir.

Les grands enseignements de l’étude réalisée par AU GROUP et EY :

L’année 2024 marque un tournant inquiétant pour les entreprises françaises, avec plus de 66 000 défaillances enregistrées contre 56 700 en 2023. Selon Olivier de la Pontais, Directeur Grands Comptes chez AU Group, plusieurs facteurs expliquent cette dégradation : « Les difficultés à rembourser les aides perçues pendant la crise du Covid ont fragilisé de nombreuses structures. Les entreprises ayant contracté un PGE (prêt garanti par l’État) durant cette période peinent aujourd’hui à rembourser leurs échéances, d’abord parce que l’aide a été octroyée très largement, y compris à des entreprises déjà très éprouvées, et ensuite parce que ces prêts se confrontent à une conjoncture tendue après deux années très porteuses. Mais ce n’est pas leur seule difficulté ! À cela vient également s’ajouter l’envolée des coûts énergétiques, exacerbée par la fin du bouclier tarifaire qui pèse lourdement sur les charges des entreprises. Par ailleurs, le risque politique à l’international lié à de nombreux conflits en Afrique, en Europe de l’Est et au Moyen-Orient, ainsi que l’augmentation des droits de douane par les USA affectent également les entreprises soit directement à l’export, soit indirectement via le coût de l’énergie ou la rupture des chaînes d’approvisionnement. Tout cela dégrade le moral des entrepreneurs, et donc leur capacité à se projeter. »

« Certains secteurs d’activité sont plus touchés que d’autres. Le BTP, l’immobilier et la distribution concentrent à eux seuls près de la moitié des défaillances. L’hôtellerie-restauration, le commerce automobile, ainsi que le transport, affichent également des niveaux de défaillances supérieurs aux moyennes historiques » ajoute Guillaume Cornu, associé EY, responsable de l’activité Restructuring. « Nous constatons également cette année, que les TPE mais aussi les PME et les ETI sont aussi particulièrement touchées. Cela reflète la fragilité structurelle du tissu économique Français. Aussi, les entreprises vulnérables resteront sous pression, notamment en raison des contraintes liées au financement et au remboursement des dettes accumulées. Compte tenu de cette situation, il leur sera plus difficile de se refinancer ou de rembourser leurs échéances de dettes, dont les PGE, qui se profilent en 2025 et 2026 » poursuit-il.

  • Plus de 66 000 défaillances enregistrées en 2024, un niveau inédit dans l’histoire
  • Les défaillances ont augmenté de +17% en France et de +9 % à l’échelle mondiale
  • Les PME et ETI sont particulièrement touchées cette année

Prospectives 2025

Une forme de stabilisation est attendue en 2025, avec un nombre de défaillances estimé à 64 500.  Elle pourrait être soutenue par des perspectives économiques modestement plus favorables, notamment une croissance du PIB prévue à +1,1%, ainsi qu’un assouplissement des conditions de crédit par la BCE.

Cependant, les entreprises vulnérables resteront sous pression, notamment en raison des contraintes liées au financement et au remboursement des dettes accumulées. Compte tenu de cette situation, il leur sera plus difficile de se refinancer ou de rembourser leurs échéances de dettes, dont les PGE, qui se profilent en 2025 et 2026.

« Le PGE était nécessaire pendant le Covid. Il fallait aller vite et taper fort notamment pour préserver l’emploi. Mais calibrer un prêt sur un % du chiffre d’affaires relève de la folie quand on connaît la marge moyenne des entreprises. Le résultat s’est fait attendre mais est bel et bien là : le nombre de défaillances d’entreprises est supérieur à celui de 2009, qui marquait jusqu’ici un triste record historique. Heureusement il y a des solutions et des actions à mener auprès des entreprises pour les aider à faire face, à rembourser mais aussi à financer les investissements nécessaires à la transition énergétique, à la digitalisation et l’intégration de l’IA dans les process… » explique Louis Bollaert, Directeur Général d’AU Group.

Après le rattrapage, retour aux (faibles) fondamentaux : vers des défaillances d’entreprises durablement nombreuses en France et en Europe

Selon Ana Boata, Head of Economic Research chez Allianz Trade « en 2025, les faillites d’entreprises resteront durablement élevées, avec un surplus de 19% en France par rapport à la période prépandémie ».

Après une période de hausse liée au rattrapage post-Covid, les défaillances d’entreprises approchent d’un point de retournement. En 2024, la tendance à la hausse s’est maintenue dans 80% des pays, avec des augmentations notables en Australie, Singapour, Canada, Brésil et chez les principaux partenaires commerciaux de la France. La France a enregistré un record historique avec 66 000 cas (+17), touchant particulièrement les secteurs de l’immobilier et du transport/logistique.

Pour 2025, une stabilisation des faillites au niveau mondial est attendue, mais avec des disparités importantes entre les pays. Certaines grandes économies comme les États-Unis, l’Allemagne et l’Italie devraient connaître une hausse, tandis que d’autres pays verront une baisse modérée.

« En France, on prévoit 64 500 cas, soit 17% au-dessus de la moyenne pré-pandémie (2016-2019). Le contexte économique difficile et les incertitudes géopolitiques continuent de mettre à l’épreuve la résilience des entreprises, justifiant une vigilance maintenue dans le suivi des risques de crédit » précise Ana Boata, Head of Economic Research.

L’attractivité de la France au défi de la croissance et de la confiance

Selon Marc Lhermitte, associé EY « malgré les incertitudes, 75% des investisseurs étrangers prévoient d’investir en France d’ici 2027 ».

La dissolution de juin 2024 n’a fait que révéler ou mettre en lumière une crise profonde qui affleurait. Rappelons que la France et l’Europe ont été profondément affectées par cinq ans de faible croissance partiellement masquée par la période Covid, avant d’être déstabilisées par la crise en Ukraine, l’envolée des taux d’intérêt et la crise énergétique. Au même moment, nos économies se sont heurtées à la dynamique industrielle et technologique des États-Unis, qui ont dopé le « Made in America » à coup d’énergie low cost et grâce à 700 Mds USD d’incitations fiscales. Lorsque la Chine décide au même moment de faire de l’Europe son champ de bataille commercial, cela a de quoi désarçonner l’ancrage européen le plus solide, à commencer par celui des industriels allemands, britanniques ou français et, progressivement, de leurs fournisseurs et sous-traitants.

De surcroit, la nouvelle donne politique issue des élections législatives de juin 2024 a mis fin à sept ans de certitude pour les dirigeants : certitude d’une France pro-business, d’un État co-investisseur brandissant l’étendard de « France 2030 », d’une offre fiscale stabilisée, même si elle était loin d’être la plus compétitive en Europe. À cela s’ajoute, plus fondamentalement et structurellement, la faible confiance des Français en eux-mêmes et en leur horizon de consommation, plus largement dans un « modèle » français objet de critiques omnidirectionnelles. Conséquence : nous battons un record historique d’épargne et de défiance, alors que les besoins d’investissement en innovation et en décarbonation sont considérables, que nos PME et ETI ont besoin de financement et d’une demande intérieure plus dynamique. Après plusieurs années d’idylle, la situation peut-elle détourner les entreprises internationales de notre économie ? La réponse est… non.

ETI : une résilience menacée ?

Selon Frédéric Coirier, Co-Président du Mouvement des Entreprises de Taille Intermédiaire « en 2025, l’objectif reste de tenir bon la barre du travailler et produire en France ».

Malgré l’impact de la forte inflation sur les intrants et la masse salariale combiné avec l’effet de traîne des coûts parfois délirants de l’énergie sur leurs marges, les premiers mois de 2024 s’annonçaient prometteurs pour les ETI. La politique de redressement compétitif engagé par tous les gouvernements depuis dix ans prolongeait le signal de confiance en matière d’investissements et de création d’emplois.

Malheureusement, dès avril 2024, avec de premières tensions sur l’économie mondiale, cette embellie s’est affaissée. Puis la dissolution annoncée le 9 juin 2024 l’a stoppée net. Les débats de l’été sur des programmes économiques délétères, le projet de budget du gouvernement et les débats parlementaires à l’automne ont rompu la confiance, tout en entamant l’ambition du redressement productif et de la réindustrialisation. L’instabilité politique laisse, pour l’heure et pour les mois à venir, nos entreprises sans visibilité, sans règles du jeu claires qui, même souvent contraignantes, sont essentielles pour se projeter dans l’avenir. Malgré des très bons débuts, l’année 2024 n’aura donc pas été bonne pour les ETI. La création d’emplois a été divisée par deux. Les défaillances multipliées par deux. L’investissement dans le secteur manufacturier a baissé de -80 % au troisième trimestre. Du jamais vu depuis 2008 !

En 2025, l’objectif reste de tenir bon la barre du travailler et produire en France alors que les arbitrages nous enverraient plutôt produire ailleurs ! La concurrence mondiale est d’une férocité inédite.

Les effets d’une transition électrique moins rapide que prévue

Selon Virginie Auvergnas, Associée EY Stratégie & Transactions « le maintien de la filière automobile française et européenne est en jeu ».

L’industrie automobile européenne lutte dans un contexte de transition vers des technologies décarbonées, de baisse de la demande des véhicules électriques, de dégradation des chaînes d’approvisionnement et de concurrence accrue des acteurs asiatiques.

En 2025, 15% des ventes de véhicules seront électriques (vs. 18 % attendus selon l’étude LMC de l’an dernier). Les causes de cette pénétration moindre sont connues : un positionnement prix élevé, des interrogations sur les infrastructures de recharge, les coûts d’entretien et la valeur résiduelle des véhicules.

Dans ce contexte de volumes déprimés, de mix produit dilutif, en l’absence de baisse des coûts des matières premières attendue et compte tenu de la pression sur les prix accrue par la concurrence asiatique, l’abaissement du point mort sera nécessaire pour limiter la dégradation des marges voire, idéalement, les maintenir.

Quand le risque politique dépasse les frontières des pays en développement

Selon Nuria Gorog, Directrice Risques spéciaux, Crédit, Risque Politique et Caution – AU Group « la bonne compréhension du lien entre risque politique et défaillances d’entreprises sera déterminante en 2025 ».

En matière de risques politiques, 2024 restera comme une année paradoxale, porteuse d’incertitudes dans un maillage de risques interconnectés.

En effet, l’élection de novembre 2024, consacrant Donald Trump à la présidence américaine et donnant une majorité aux Républicains dans les deux chambres du Congrès, a augmenté l’instabilité économique et installé un climat dégradé en matière de risque politique. Le programme de l’administration américaine répond à un besoin de protection des intérêts nationaux, parfois légitimes, mais sa stricte application aura, au moins dans un premier temps, des conséquences négatives pour l’économie mondiale. Les augmentations de droits de douane américains, ayant pour objectif le rééquilibrage de la balance commerciale, impacteront substantiellement le Mexique, le Canada, la Chine mais aussi l’Union Européenne.

Le rapport AU Group / G-Grade Q4 2024 qui présente un condensé des ratings risques politiques générés par les principaux assureurs-crédit ainsi que les dernières tendances de l’économie mondiale, ont confirmé la tendance de dégradation d’économies plus développées comme la Chine mais aussi d’autres pays comme Israël qui voit sa note dégradée suite aux effets de la guerre et ses conséquences en matière de financement pour les entreprises israéliennes.

En 2025, plus que jamais, la bonne compréhension du lien entre risque politique et défaillances d’entreprises s’avère déterminante pour anticiper, envisager des scénarios gagnants alternatifs et élaborer les tactiques adéquates permettant de mitiger voire éviter les pertes liées aux défaillances des clients et partenaires.

Entre incertitudes et résilience : l’aube d’une nouvelle responsabilité

Selon Loic Finaz, Amiral et écrivain, ancien directeur de l’École de guerre et président de la société de conseil « diriger, c’est faire des choix ».

Des défaillances, il y en aura toujours. Mais le monde est aussi, et malgré tout, porté par des hommes et des femmes qui entreprennent. Ces dirigeants qui ont compris que leur responsabilité est de voir, décider, agir lorsque frappent l’incertitude et la foudroyance. On les surmonte alors… par le regard, la décision et l’action.

Un climat économique marqué par de nombreuses défaillances incite les chefs d’entreprise à réduire leurs coûts et, dans certains cas, à revoir leurs besoins en couverture assurantielle.

Ces ajustements ont un impact direct sur le chiffre d’affaires des compagnies d’assurance. En effet, une entreprise en cessation d’activité cesse également de cotiser pour des assurances professionnelles, mais aussi pour des contrats collectifs souscrits au bénéfice de ses salariés.

L’assurance santé, la prévoyance ou encore l’épargne retraite collective, qui sont des segments clés du marché assurantiel, subissent une baisse des adhésions et des cotisations lorsque des entreprises ferment leurs portes.

Ainsi, la multiplication des défaillances d’entreprises engendre un cercle vicieux : la baisse de l’emploi freine la consommation, ce qui limite la souscription de nouvelles assurances et entraîne une diminution du chiffre d’affaires des compagnies. Face à cette situation, les assureurs doivent redoubler de vigilance dans leur gestion des risques et adapter leur offre pour répondre aux évolutions des besoins des assurés tout en préservant leur équilibre économique.

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