Innover pour combattre les fraudes à l’assurance

Du simple usage de fausses déclarations à la fourniture d’appareil médicaux défectueux, divers stratagèmes de fraude frappent le monde de l’assurance et de la prévoyance. Face à cette situation le secteur, soutenu par l’innovation, combat ces fraudes avec un arsenal de plus en plus affûté.

Les pratiques frauduleuses à l’encontre des compagnies d’assurance prennent des formes variées. De la fausse déclaration de sinistre aux factures gonflées, ces actes font peser un coût supplémentaire sur l’ensemble des assurés et peuvent entraîner des conséquences pénales significatives pour leurs auteurs. 

De son côté, la législation française ne reconnaît pas la « fraude à l’assurance » comme une infraction autonome : elle la range sous la qualification d’escroquerie ou de tentative d’escroquerie. Ainsi que l’explique Charles Merlen, avocat au barreau de Lille : « Il faut d’abord savoir qu’il n’existe pas de délits spécifiques incriminant les tentatives d’arnaque à l’assurance et ce qu’on appelle couramment les fraudes à l’assurance sont en réalité poursuivies sous la qualification d’escroquerie. »

Si l’arsenal juridique est en constante évolution, la détection de certaines fraudes demeure encore complexe. La fausse déclaration de sinistre implique par exemple l’usage de fausses factures ou la mise en scène d’un dommage inexistant. D’autres fraudes se fondent sur le recel de documents d’identité ou de justificatifs bancaires. Face à cette diversité, assureurs et organismes publics renforcent la coopération : échanger des informations et croiser les bases de données sont autant de moyens utilisés pour identifier les modus operandi et neutraliser les réseaux.

Le coût social

L’escroquerie touche plusieurs branches du secteur. Certaines affaires récentes ont montré l’ampleur possible de la fraude en matière de Sécurité sociale. Un couple déjà condamné en 2019 pour avoir organisé une « escroquerie méthodique » sera à nouveau jugé, accusé d’avoir utilisé de fausses ordonnances pour facturer aux CPAM de l’Oise, de Seine-Saint-Denis et de Seine-Maritime des prestations fictives, portant le préjudice à plus d’un million d’euros. 

Au-delà de ces opérations de grande envergure, de nombreux petits dossiers s’additionnent et se répercutent sur les primes d’assurance payées par l’ensemble des assurés. « Une fraude, c’est un coût pour l’assurance, mais c’est du coup un coût sur la prime que devront verser tous nos clients. Donc, 2 000 clients fraudeurs qui feront 10 millions de fraudes sur un an, c’est l’équivalent de 2 % de tarif en plus sur un contrat d’assurance auto. » explique Donatien Levesque, directeur des sinistres chez Direct Assurance.

L’importance des cellules anti-fraude

Si la fraude prend parfois la forme de dossiers fictifs ou de montages plus élaborés, d’autres situations relèvent d’un abus de confiance direct vis-à-vis des consommateurs. Dans l’Oise, un couple de retraités, en a fait l’amère expérience. Régulièrement importunés par des démarcheurs, ils ont accepté à contrecœur de recevoir chez eux un commercial se présentant comme audioprothésiste. Ce rendez-vous est pourtant interdit par la réglementation, mais les deux assurés n’en avaient pas connaissance. 

« Il est reparti en nous appareillant tous les deux. Il nous a demandés notre carte d’assuré social, notre carte de mutuelle. » raconte le couple à France Info. Le jour suivant, constatant que les appareils étaient défectueux, ils ont contacté leur caisse d’assurance maladie, qui avait déjà commencé à enquêter sur l’entreprise incriminée. En dépit de l’absence de visite chez le médecin, de fausses prescriptions avaient été soumises pour bénéficier de remboursements non justifiés. L’intervention d’une équipe spécialisée de la Caisse primaire de l’Oise a permis d’éviter des pertes et a conduit à la révocation conventionnement de la société. 

Dans le cadre de ce type d’escroquerie, les caisses d’assurance maladie et les assureurs privés s’appuient de plus en plus sur des équipes dédiées à la recherche de fraudes. Dans l’Oise, ce sont neuf enquêteurs qui traquent quotidiennement les montages illicites et les documents falsifiés, en lien avec les autorités judiciaires. En cas d’indices concordants, l’organisme lésé peut déposer plainte, transmettre ses dossiers aux enquêteurs et déclencher des poursuites pour escroquerie. Les sanctions, prévues par le Code pénal, s’élèvent jusqu’à cinq ans d’emprisonnement et 375 000 euros d’amende. Dans le cadre d’une organisation en bande, la peine encourue peut grimper jusqu’à dix ans.

L’IA en soutien dans la lutte contre la fraude

« Il y a des outils qui, aujourd’hui, permettent de faire des faux assez facilement. Il y a des réseaux sociaux qui sont organisés. Il y a Snapchat qui vous permet d’avoir en ligne de faux documents, des faux papiers, des fausses attestations ou autres. » a expliqué sur TF1 l’expert François Le Blouc’h. Face à ce phénomène, la transformation numérique du secteur s’accélère : vérifications automatisées, recoupements d’informations, analyses en temps réel… Les sommes recouvrées grâce à l’intelligence artificielle auraient bondi, tant la capacité de traitement est supérieure à celle d’une équipe humaine. Les algorithmes, entraînés pour identifier certains schémas frauduleux, marquent d’un signal d’alerte les dossiers suspects, facilitant le travail des services spécialisés et permettant de déclencher rapidement des contrôles sur le terrain.

La prévoyance : une nouvelle cible

« Là où la prévoyance était relativement épargnée, la fraude gagne du terrain, notamment avec la facilité à fournir de faux documents. Par exemple, on en observe de plus en plus concernant les arrêts de travail. » explique Johan Mouninou, manager chez Shift Technology. La prévoyance, qui inclut les arrêts de travail, avec des indemnisations périodiques, ou certaines rentes (conjoint, éducation, invalidité), offre des prestations s’étalant sur plusieurs années. C’est ce qui, selon Johan Mouninou, rend difficile à mesurer précisément l’ampleur des fraudes. Par exemple, certains assurés continuent de percevoir des indemnités alors qu’ils reprennent une activité professionnelle, parfois sous la forme d’une nouvelle entreprise.

La détection des fraudes dans ce domaine repose encore beaucoup sur la détection manuelle, en identifiant au moment de la mise en place du sinistre, des facteurs d’atypisme, où en s’appuyant sur les remontées de l’Agence de lutte contre la fraude à l’assurance (ALFA). Cela nécessite l’analyse régulière et en continu des dossiers, ainsi que le croisement de données internes et externes : le registre national des entreprises, les fichiers de l’INSEE, etc. L’objectif, dans ce domaine comme dans d’autres, est de limiter le versement de prestations indues, tout en maintenant un accompagnement efficace des bénéficiaires légitimes.

Ce travail de lutte antifraude se situe à la croisée de la transformation digitale des organismes d’assurance et de la nécessaire vigilance face aux atteintes répétées contre la solidarité nationale. Les dispositifs s’améliorent, mais la détermination des fraudeurs reste forte. Pour autant, l’arsenal judiciaire et la coopération croissante entre les différents acteurs du système témoignent d’une volonté de contenir ces pratiques, tant pour protéger les assurés de bonne foi que pour préserver l’équilibre financier des régimes d’assurance et de prévoyance.

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