Face au vieillissement de la population, aux défis climatiques et aux inégalités d’accès à l’épargne, un rapport de la fondation Jean Jaurès propose des pistes pour une transformation du système financier favorisant l’inclusion.
Dans un paysage financier marqué par des inégalités profondes, l’épargne émerge comme un levier essentiel pour adresser les enjeux contemporains de justice sociale et de transition écologique.
Un rapport sur le comportement des Français vis-à-vis de l’épargne, co-rédigé par Aurélie Jean, docteure en sciences et entrepreneure, et Isabelle Le Bot, directrice générale de La France mutualiste, membre du Comex de Malakoff Humanis, suggère une refonte nécessaire pour répondre aux crises futures et renforcer la cohésion sociale.
Climat et finance : un enjeu
Les préoccupations environnementales influencent de plus en plus les décisions des épargnants. Selon le rapport, près de 30 % des encours étaient investis dans des fonds durables fin 2022, démontrant une évolution significative des mentalités vers des produits financiers responsables.
En 2023, 24 % choisissaient leur épargne selon des critères environnementaux, un taux qui pourrait atteindre 41 % prochainement. Les jeunes de 18 à 24 ans, 74 % d’entre eux voyant le changement climatique comme une priorité, sont particulièrement concernés.
Malgré cette prise de conscience, 58 % des Français ont du mal à comprendre les avantages de ces produits verts, et 62 % à percevoir leurs inconvénients. Cette confusion montre le besoin de mieux informer et faciliter l’accès à ces options d’investissement. L’enjeu est de montrer que responsabilité et rendement sont compatibles, afin de proposer des solutions qui allient performance financière et durabilité sociale.
Vieillissement de la population : un défi
Le vieillissement de la population représente un défi majeur pour la France, avec une espérance de vie en hausse de 16 ans depuis 1950. Les seniors modifient leurs comportements d’épargne, privilégiant la sécurité financière pour pallier les incertitudes économiques plutôt que de dépenser leur capital à la retraite. En effet, 58,4 % des membres de La France mutualiste de plus de 80 ans continuent d’épargner.
Parallèlement, la natalité diminue, avec seulement 9,9 naissances pour 1000 habitants en 2023, accentuant la baisse du renouvellement des générations. Ce phénomène affectera les transferts de patrimoine entre générations ainsi que la redistribution économique dans les années futures.
Mauvaise répartition de l’épargne
Face à une conjoncture économique caractérisée par une augmentation des inégalités, les Français sont incités à épargner plus. En 2021, un surplus d’épargne de 157 milliards d’euros a été enregistré durant la crise du Covid-19.
Mais cette épargne reste mal répartie : en 2022, 30 % des Français n’épargnaient pas du tout, alors que l’épargne totale atteignait 6000 milliards d’euros. Seulement 22 % des 25-34 ans épargnaient pour leur retraite, un pourcentage qui chute à 10 % chez les 18-24 ans. Cette lacune est exacerbée par un manque d’éducation financière, avec 75 % des jeunes de 15 à 20 ans désirant mieux comprendre la finance.
Les femmes, quant à elles, sont désavantagées en matière d’épargne, souscrivant à une assurance-vie bien plus tard que les hommes et investissant souvent dans des produits moins risqués, ce qui conduit à des rendements plus faibles et creuse les inégalités patrimoniales.
Inclusion financière et finance inclusive
L’inclusion financière et la finance inclusive sont deux concepts interconnectés mais distincts par leurs objectifs. L’inclusion financière assure à tous un accès aux services financiers essentiels, favorisant une participation économique plus étendue, surtout pour les personnes défavorisées, les jeunes, et les résidents des zones rurales. L’éducation financière joue un rôle clé dans ce processus.
La finance inclusive, elle dépasse l’accès aux produits financiers pour offrir des solutions personnalisées, éthiques, et équitables, visant à répondre aux besoins individuels tout en contribuant à un changement social positif, sans discrimination d’âge, de genre ou d’origine. Ainsi, si l’inclusion financière est le point de départ, la finance inclusive représente l’ambition ultime d’un secteur qui s’efforce de transformer positivement la société.
Sept recommandations
Le rapport fait des recommandations pour rendre la finance accessible à tous. Il propose dans un premier temps, de faire de l’inclusion financière une grande cause nationale, afin de promouvoir l’accès universel aux services financiers de base, réduire la précarité et les inégalités économiques. Pour cela, il suggère d’utiliser des mesures telles que des programmes d’épargne automatique pour les revenus modestes et l’accès simplifié à des comptes bancaires sans frais.
Le rapport envisage également d’introduire l’éducation financière obligatoire dès le primaire. Il s’agirait d’équiper les citoyens, dès leur jeune âge, avec les compétences nécessaires pour gérer leur patrimoine en intégrant l’éducation financière dans les programmes scolaires.
Il encourage aussi la transparence et le partage des analyses financières. Cela pourrait améliorer la compréhension des comportements d’épargne et réduire les inégalités d’accès à l’information financière par le partage public et anonymisé des analyses financières.
Pour une meilleure analyse des tendances économiques, le rapport suggère la création d’un observatoire national qui suivrait et analyserait les comportements financiers des Français, permettant ainsi d’ajuster les politiques d’épargne et fiscales selon les besoins réels.
Il propose de créer des bases de données ouvertes sur l’épargne des Français pour rendre les informations sur l’épargne accessibles à tous. Cela favoriserait la recherche et l’élaboration de politiques basées sur des données précises.
Concernant l’utilisation de l’intelligence artificielle dans le secteur financier, le rapport invite à renforcer les directives pour garantir une utilisation éthique et inclusive des outils algorithmiques, avec une vigilance particulière pour éviter les biais discriminatoires.
Enfin, il est conseillé d’encourager les institutions financières à développer des produits financiers responsables, écologiques et adaptés à tous les âges, soutenant ainsi la transition écologique et la justice sociale, accompagnés de mesures fiscales incitatives pour les fonds durables.