Pesticides, vers une couverture assurantielle innovante ?

Face aux enjeux écologiques croissants, la réduction des produits phytosanitaires (PPS) est devenue une priorité pour l’agriculture française. Cependant, cette transition s’accompagne de risques économiques pour les agriculteurs.

Dans un mémoire de thèse professionnelle commandité par la Banque des Territoires, Anna Antraygues, explore les solutions assurantielles pour soutenir les exploitations dans cette évolution, tout en garantissant leur viabilité financière.

Pesticides : vers une couverture assurantielle innovante ?

Les agriculteurs sont confrontés à de nombreux défis en raison des risques économiques liés à la nécessité de réduire l’utilisation des pesticides. Actuellement, les mécanismes financiers existants, tels que l’assurance récolte et le Fonds de mutualisation des risques, ne sont pas suffisants pour encourager un passage à des pratiques agricoles durables. C’est pourquoi, le mémoire d’Anna Antraygues propose la création d’une assurance dédiée pour couvrir les pertes exceptionnelles associées à la réduction des PPS.

L’étude suggère que cette nouvelle assurance, développée en collaboration entre le secteur public et privé, jouerait un rôle clé en incitant les agriculteurs à adopter des pratiques plus respectueuses de l’environnement tout en les protégeant contre les incertitudes économiques. Elle souligne également l’importance d’un soutien public pour la recherche et développement d’outils assurantiels adaptés, ainsi que la nécessité de surmonter les obstacles économiques, tels que les coûts de la transition et les pertes de rendement.

L’assurance proposée serait un complément aux dispositifs existants, aidant à massifier la réduction de l’usage des PPS, en sécurisant les agriculteurs dans cette transition.

De nouveaux produits d’assurance pour soutenir la transition agricole

L’étude se concentre donc sur la faisabilité d’une assurance dédiée à la réduction des produits phytosanitaires (PPS). Plusieurs expérimentations nationales, comme celles menées par l’Institut Français de la Vigne (IFV) avec Groupama et Axa Climate, explorent déjà cette voie. Le projet ARRUP-VICO, coordonné par l’Office Français de la Biodiversité, vise également à modéliser les risques et tester la faisabilité technique et financière de telles assurances.

Toutefois, ces initiatives font face à des obstacles majeurs : les coûts élevés des pertes et des cotisations, la complexité des contrats et le manque de recherche et développement (R&D) dans le secteur de l’assurance. La réforme de l’assurance récolte et les controverses politiques aggravent ces difficultés.

Pour que ces produits assurantiels puissent se déployer, des conditions essentielles doivent être réunies : une intervention publique pour financer la R&D, une participation de tous les acteurs de la filière agricole et des partenariats public-privé. Avant un déploiement national, des expérimentations locales sont nécessaires pour ajuster les coûts et développer des référentiels fiables. Des initiatives comme celles de la filière Agriculture Biologique ou les Fermes Dephy offrent un cadre idéal pour tester ces dispositifs.

En adaptant les outils assurantiels existants et en développant de nouveaux produits, l’assurance pourrait devenir un levier essentiel pour accompagner la transition écologique agricole.

Réduction des PPS : le rôle des assurances

Un rapport de la Banque des Territoires donne suite au mémoire d’Anna Antraygues en s’intéressant plus particulièrement sur le rôle des assurances dans cette transition agricole. Il souligne les limites des dispositifs actuels comme l’Assurance Multirisque Climatique (MRC) et le Fonds de Mutualisation des Risques Sanitaires et Environnementaux (FMSE), qui ne couvrent pas suffisamment les pertes économiques liées à la transition vers des pratiques agricoles durables.

Pour répondre à ces enjeux, la Banque des Territoires propose plusieurs solutions, notamment l’élargissement de la MRC aux risques sanitaires, le renforcement du FMSE, et le développement de l’assurance paramétrique, qui se déclenche automatiquement selon des paramètres prédéfinis. Plusieurs expérimentations, telles que les partenariats entre Rémy Cointreau et AXA Climate ou en Vénétie avec Agrifundo, montrent des résultats mitigés, mais ouvrent des pistes d’action.

Ce rapport présente également des initiatives de recherche menées par des instituts techniques, comme le projet GREcOS pour la betterave et ARRUPVICO pour les cultures de colza et vigne, qui explorent la création d’outils assurantiels adaptés à la réduction des intrants chimiques. Ces projets visent à couvrir les risques exogènes et à inciter à la transition agricole tout en limitant les coûts.

La Banque des Territoires propose aussi des expérimentations ciblées sur des cultures à bas intrants, ainsi que la création d’une structure parapublique pour centraliser les données et soutenir le développement des dispositifs assurantiels. L’assurance est perçue comme un levier essentiel pour accompagner la transition agricole vers une agriculture plus respectueuse de l’environnement.

Assurances et transition agricole : le rôle des coopératives

Le rapport de la Banque des territoires explore également le rôle des coopératives agricoles dans la réduction des produits phytosanitaires (PPS). La loi Egalim de 2021, qui sépare la vente des produits phytosanitaires du conseil, redéfinit le rôle des coopératives en les plaçant au cœur du soutien financier et technique aux agriculteurs.

Le biocontrôle et les outils d’aide à la décision (OAD) sont des solutions prometteuses pour réduire l’usage des pesticides. Cependant, ces méthodes rencontrent encore des défis liés à leur adoption, efficacité et coût. Le rapport met en avant des initiatives comme l’Association Biocontrôle et Biostimulation pour l’Agroécologie (ABBA), un programme ambitieux pour développer des alternatives écologiques au PPS.

Les coopératives sont bien placées pour encourager la diffusion de pratiques agricoles durables et sécuriser les agriculteurs via des dispositifs assurantiels adaptés, tels que des assurances couvrant les pertes malgré l’utilisation de biocontrôle ou d’OAD. La Banque des Territoires propose de financer ces assurances par des pénalités imposées aux distributeurs de PPS en cas de non-respect des objectifs de réduction.

Les coopératives et les assureurs jouent un rôle clé dans la transition agricole en mutualisant les risques et en soutenant l’innovation. Des initiatives structurées sont nécessaires pour sécuriser les agriculteurs et garantir la réussite de cette transformation.

Assurances anti-pesticides : rôle des collectivités locales

Enfin, La banque des Territoires se penche sur le rôle des collectivités locales dans la réduction des produits phytosanitaires (PPS) via des dispositifs assurantiels et la commande publique. Le rapport met en avant l’importance de combiner des outils d’assurance avec des Paiements pour Services Environnementaux (PSE), qui rémunèrent les agriculteurs pour des pratiques durables, afin de couvrir les pertes de rendement liées à la transition agroécologique.

Il souligne également l’importance stratégique de la commande publique pour soutenir les filières locales à bas niveaux d’intrants. Les collectivités peuvent utiliser leur pouvoir d’achat pour promouvoir des cultures nécessitant moins de pesticides, tout en offrant des débouchés sûrs aux agriculteurs.

Des exemples cités dans ce rapport incluent l’initiative Terres de Sources, qui aide les agriculteurs locaux à adopter des pratiques respectueuses de l’environnement tout en valorisant leurs produits via des contrats publics. En associant assurance et commande publique, cette approche permet aux agriculteurs de réduire les risques financiers et d’accélérer leur transition vers des pratiques écologiques.

Il met également en avant l’importance de synergies entre collectivités, coopératives et agriculteurs pour développer des dispositifs innovants de couverture des risques.

Vers une assurance intégrée et innovante pour la transition agricole 

La réduction des produits phytosanitaires (PPS) est devenue un enjeu majeur pour l’agriculture française, nécessitant une transformation en profondeur des pratiques agricoles. À travers le mémoire d’Anna Antraygues et le rapport de la Banque des territoires, il est clair que la sécurisation financière des agriculteurs est essentielle pour encourager cette transition vers des systèmes agricoles durables.

Les dispositifs actuels, comme l’Assurance Multirisque Climatique (MRC) et le Fonds de Mutualisation des Risques Sanitaires et Environnementaux (FMSE), ne suffisent pas à couvrir les pertes associées à la réduction des pesticides. C’est pourquoi des initiatives assurantielles innovantes, incluant les assurances paramétriques, les outils d’aide à la décision (OAD) et les produits de biocontrôle, doivent être développées en partenariat avec les coopératives et les acteurs du secteur. Les collectivités locales jouent également un rôle clé en utilisant la commande publique comme levier pour soutenir les filières locales et à bas niveaux d’intrants.

La synergie entre les assureurs, les coopératives, et les collectivités, soutenue par des mécanismes financiers incitatifs et un engagement fort des pouvoirs publics, constitue un levier stratégique pour accélérer la transition écologique du secteur agricole. Ces acteurs, en mutualisant les risques et en garantissant des débouchés commerciaux, offrent aux agriculteurs un filet de sécurité essentiel pour engager durablement cette transformation.

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