Dans un contexte où la gestion financière reste un défi majeur pour de nombreux Français, Anne-Claire Bennevault, fondatrice de la plateforme d’éducation financière SPAK, nous partage sa vision et ses solutions pour rendre la finance accessible à tous.
Avec des chiffres préoccupants révélés par une récente étude menée avec Opinionway, Anne-Claire souligne l’importance cruciale de l’éducation financière pour réduire les inégalités et protéger les citoyens face à un environnement économique de plus en plus complexe.
Dans cet entretien, elle aborde les méthodes et outils nécessaires pour améliorer la gestion budgétaire, la responsabilité des institutions financières, et le rôle des pouvoirs publics pour promouvoir une meilleure éducation financière en France.
Selon une dernière enquête, dont vous allez nous parler, plus d’un tiers des Français jugent maîtriser « très bien » le budget de leur foyer. Que pensez-vous de ce chiffre ? Pourquoi la gestion du budget reste-t-elle une difficulté pour beaucoup de personnes ?
Selon la dernière étude que nous avons menée avec Opinionway au sujet de l’éducation financière des Français, ce chiffre est même plus faible car c’est moins d’un tiers d’entre eux qui jugent maîtriser « très bien » le budget de leur foyer » et seulement 1/4 qui comprennent les produits financiers à leur disposition ainsi que le contexte économique impactant leur finance.
Et ces chiffres baissent encore chez les moins de 35 ans et les moins éduqués. On peut véritablement parler d’une urgence sociétale. C’est pourquoi j’ai donné pour mission à SPAK de contribuer à réduire les inégalités financières en démocratisant et en renforçant les efforts de pédagogie sur les questions économiques et financières qui nous touchent tous au quotidien.
La question du budget reste difficile pour beaucoup de personnes parce que la matière financière est souvent perçue comme ardue : trop techniques, trop de jargon et bien sûr, réservée à des initiés. Il faut rappeler que selon l’IFOP, 85 % des Français n’ont pas bénéficié d’enseignements d’éducation budgétaire et financière, que ce soit à l’école, à l’université, dans leur entreprise ou dans un institut spécialisé.
Quels outils ou méthodes recommanderiez-vous pour aider les Français à mieux gérer leur budget au quotidien ?
Pour mieux gérer son budget, je recommande d’abord de catégoriser les dépenses et de fixer des limites par catégories, un tableur Excel suffit amplement. On a beaucoup entendu parler de la stratégie des enveloppes ces derniers temps, pourquoi pas, chacun sa méthode ; il existe aussi des applications directement accessibles depuis votre compte bancaire.
La méthode 50/30/20 est efficace : 50 % des revenus pour les besoins essentiels, 30 % pour les loisirs, et 20 % pour l’épargne. Epargne que vous pouvez automatiser avec des virements automatiques chaque mois vers un compte dédié dès la réception de vos revenus.
Cela vous aide à mettre de l’argent de côté sans même y penser et à mettre en place une épargne de précaution bienvenue en cas de coup dur financier. On recommande généralement de mettre environ 3 mois de salaire de côté. Et bien sûr, s’informer en vous abonnant à la newsletter SPAK c’est gratuit !
Comment les pouvoirs publics et les professionnels pourraient-ils combler ce manque d’informations ?
Depuis un an, le passeport Educfi a été généralisé en classe de quatrième. Cela ne sera cependant pas suffisant pour permettre à tous les Français d’acquérir les bases en économie et en finance et on ne peut pas tout demander à l’école.
C’est la raison pour laquelle j’ai créé SPAK : réduire les inégalités par la démocratisation des sujets économiques et financiers ainsi que la mise en œuvre de démarche engagées pour la pédagogie financière en collaboration avec les acteurs du secteur que je connais bien de par mon passé professionnel.
8% des Français estiment qu’ils auraient pu éviter des arnaques s’ils avaient été mieux informés. Comment les Français peuvent-ils se protéger face à ces risques croissants, notamment dans un contexte de multiplication des arnaques en ligne ?
Face à la multiplication des arnaques en ligne, il est crucial que les Français se protègent en étant extrêmement vigilants et en s’informant. Voici quelques conseils : méfiez-vous des offres trop alléchantes : si cela semble trop beau pour être vrai, c’est très probablement une arnaque. Vérifiez l’authenticité des sites web et utilisez une double authentification pour protéger vos comptes sensibles.
Ne partagez jamais vos informations bancaires que ce soit par e-mail, chat, dm ou téléphone. Votre conseiller ne vous appellera jamais pour vous demander ces informations, il les connaît ! Dans le doute, on vérifie en appelant sa banque et en suivant bien sûr son compte.
Quels conseils donneriez-vous aux jeunes générations, plus particulièrement les -35 ans, qui sont souvent la cible des escroqueries financières ?
Ils sont 90% à nous dire qu’ils sont conscients que les arnaques existent, je vous renvoie à notre étude SPAK de 2022 sur les attentes des moins de 35 ans. Cependant à défaut d’un accompagnement adapté de leurs partenaires financiers ils se tournent vers les médias alternatifs et réseaux pour se former en autodidacte. Je leur dirais qu’il faut se méfier de ceux qui leur promettent de devenir riches très vite contre des conseils ou une formation payante sur internet.
Leurs partenaires financiers (banque, assurance, courtier…) ont généralement des conseillers en agence ou en ligne qui ne demandent qu’à les accompagner. Idéalement, il faudrait que les marques du secteur prennent leurs clients par la main et on est encore très loin de cela. Un bon exemple cependant : notre programme d’éducation financière en micro-apprentissage en partenariat avec Monabanq atteint des niveaux de satisfaction et de recommandation records.
À votre avis, quelles sont les principales raisons du manque de compréhension ? Quels produits financiers sont, selon vous, les plus mal compris par les Français ?
On l’a dit c’est un problème d’accessibilité essentiellement : manque de formation, contenus trop technique, jargon, prix de l’information et inadaptation des supports aux usages et aux formats attendus. On confond encore souvent assurance vie et assurance décès, les crypto-actifs sont au même niveau de notoriété que les actions mais sont plus complexes, les ETF sont populaires chez les jeunes mais pas forcément bien compris, idem pour la finance durable.
Quel est le rôle de SPAK ?
Nous proposons des solutions d’éducation financière et un accompagnement dans cet engagement pour les institutions. Nous avons pour cela des experts au sein de l’équipe ainsi que des professionnels du secteur et des nouveaux usages pour proposer des contenus et des outils adaptés. Afin de compléter notre offre pédagogique, nous venons aussi de publier un manuel : Le Petit Manuel de l’éducation financière disponible en librairie.
Seuls 9% des Français jugent l’accompagnement de leur banque approprié. Quel rôle les banques et autres institutions financières (assurance) devraient-elles s’engager pour améliorer l’éducation financière de leurs clients ?
De manière générale, on ne sait pas qu’on ne sait pas ! Et donc on ne va donc pas aller chercher de l’information sur un produit dont on n’a jamais entendu parler sur le site de son assureur ! De plus, les nouveaux investisseurs semblent être bien moins conscients des risques.
Les professionnels du secteur ont une grande responsabilité : remettre le poids du corps sur l’accompagnement versus la commercialisation de produit, proposer la mise en place de programme d’information gratuit pour leurs clients. L’évaluation des connaissances clients sont obligatoires, mais dans les faits, rien n’est fait pour aider les épargnants. Nous proposons des solutions pour cela.
Comment les professionnels peuvent-ils mieux sensibiliser les jeunes générations, notamment celles qui s’informent autant sur les réseaux sociaux ?
Il faut être là où sont vos clients et futurs clients. Les réseaux sociaux, toujours selon notre baromètre avec Opinionway, sont au même niveau de consultation chez les moins de 25 ans que leur conseiller. Mais qui suit le compte de sa banque sur Instagram ? Personne ! Il y a des approches spécifiques à mettre en œuvre pour ces médias et nos équipes chez SPAK sont rompues à l’exercice !
Pensez-vous qu’il est possible de rendre l’éducation financière plus accessible à tous, et pas seulement aux initiés et aux plus aisés ?
Oui, il serait tout à fait possible de rendre l’éducation financière accessible à tous. Pour cela, il faut mieux diffuser les nombreuses et excellentes ressources déjà disponibles en utilisant des formats adaptés et engageants. Par exemple, proposer des formations en ligne gratuites au public ou des applications pédagogiques en complément du passeport Educfi déjà proposé à l’école.
Nous aimerions fédérer les banques et institutions financières autour d’un dispositif éducatif interactif complet pour toutes les tranches d’âge et moments de vie, quel que soit le niveau de revenu ou d’expertise du public. Il n’est pas inutile de rappeler que ces démarches seront aussi bénéfiques pour le dynamisme de notre économie et donc les acteurs du secteur financier eux-mêmes.
Quel rôle les institutions publiques devraient-elles jouer pour encourager une meilleure éducation financière en France ?
Un rôle de facilitateur en mutualisant les ressources des différents organismes pour mettre en place des solutions et les diffuser rapidement sans oublier d’impliquer les experts extérieurs sur ces sujets. Un rôle incitatif auprès des acteurs du secteur. L’alerte a été suffisamment donnée, il est temps d’avancer ensemble pour offrir des solutions avec un impact mesurable.
*Extrait dernier magazine #8 Dessine-Moi L’assurance produit par Vovoxx Média et diffusé en Octobre 2024.