Pour une politique proactive de la santé mentale

Dans une tribune publiée dans Écoréseau Business, Julia Néel Biz et Didier Meillerand prônent une réforme profonde de la prévention et de la prise en charge de la santé mentale, dans le sillage des annonces du Premier ministre d’en faire une grande cause nationale en 2025. Focus sur une approche intégrée et universelle.

La santé mentale représente un défi majeur de santé publique, transcendant les âges et les étapes de vie. Dans leur tribune, Julia Néel Biz, cofondatrice et CEO de teale, et Didier Meillerand, président du Psychodon rappellent la nécessité de briser les silos générationnels pour une meilleure prévention alors qu’une personne sur cinq est affectée par un trouble psychique au cours de sa vie.

L’initiative du Premier ministre Michel Barnier de promouvoir la santé mentale comme la grande cause nationale de 2025 pourrait, selon eux, marquer un tournant. Cette reconnaissance, toutefois, doit être soutenue par des mesures concrètes. « La santé mentale est l’affaire de tous, et nous avons un devoir collectif d’agir » souligne la tribune, appelant à une transformation des parcours de soins et à l’adoption de pratiques préventives.

Un enjeu transgénérationnel

En France, le taux de troubles anxieux et dépressifs touche 16 % de la population de plus de 16 ans selon la Drees, et les suicides (8 300 chaque année) représentent une cause majeure de mortalité chez les jeunes de 15 à 35 ans.

Face aux événements traumatisants tels que la maladie, le deuil ou une séparation, il est crucial de renforcer le soutien psychologique. Les entreprises, la société et les politiques de santé doivent reconnaître et accompagner ces périodes critiques en établissant des cadres de soutien appropriés. Une approche proactive en matière de santé mentale contribue à prévenir l’aggravation de ces situations.

La santé mentale des parents et des seniors requiert aussi une attention spéciale. Les défis de la parentalité et les transitions de la vie active à la retraite peuvent affecter profondément le bien-être psychique, nécessitant des solutions de Qualité de Vie au Travail et des services adaptés à la vieillesse.

Santé mentale au travail : des mesures concrètes

Pour adresser ces enjeux de manière efficace, Didier Meillerand et Julia Néel Biz promeuvent une vision universelle de la santé mentale. Ils proposent tout d’abord d’évaluer les coûts de l’inaction face aux enjeux de santé mentale. On sait déjà qu’ils représentent 14 % des dépenses de l’Assurance Maladie et le premier poste de dépense en matière d’arrêt de travail et de départs non souhaités (30 % des salariés peuvent quitter leur travail pour préserver leur santé mentale). Mais une analyse plus approfondie par l’IGAS évaluerait mieux l’impact financier et soutiendrait davantage l’adoption de politiques préventives.

Former un groupe de travail inter-ministériel et sensibiliser à tous les niveaux de la société serait également une bonne manière de faire avancer le sujet. Des groupes de travail réunissant syndicats, patronat et experts pourraient être organiser pour commencer à réfléchir à des solutions concrètes et des mesures préventives au sein des entreprises.

En parallèle, de grandes campagnes nationales de sensibilisation doivent pouvoir être déployées rapidement pour briser les tabous sur le sujet et apprendre au public à repérer les signaux faibles et adopter les bons gestes pour préserver sa santé mentale.

L’accès aux soins doit également être facilité, avec une meilleure prise en charge par l’Assurance Maladie et l’utilisation accrue du numérique pour rendre les soins psychologiques plus accessibles.

Enfin, encourager fiscalement les entreprises à adopter des programmes de prévoyance en santé mentale pourrait réduire le stress des salariés et améliorer la performance économique.

Focus sur les soignants

D’après le dernier Baromètre annuel de la Mutuelle nationale des hospitaliers (MNH), effectué avec Odoxa, la Chaire Santé de Sciences Po et Le Figaro Santé, environ un tiers des professionnels de santé déclarent souffrir de problèmes de santé mentale. 29 % des hospitaliers jugent leur santé mentale médiocre ou mauvaise, un taux qui double presque celui de la population générale à 14 %. Seulement 18 % des soignants estiment être en très bonne santé mentale, près d’un professionnel de santé sur trois a éprouvé des troubles mentaux tels que la dépression ou le burn-out dans l’année, ces cas étant de 16 points supérieurs à la moyenne nationale.

Les facteurs expliquant ce phénomène sont souvent le stress, le risque d’agression, une charge de travail élevée, et les difficultés à équilibrer vie professionnelle et vie privée, comme le révèlent les témoignages des professionnels de santé.

La violence subie sur leur lieu de travail est plus fréquente chez les professionnels de santé que dans d’autres secteurs, entraînant un niveau de stress significativement plus élevé. En effet, 56 % des soignants ont été confrontés à au moins un incident violent, contre 38 % des autres travailleurs, les aides-soignants étant particulièrement vulnérables.

Confrontés à un stress élevé et à une charge de travail importante, les soignants sont moins satisfaits de leur équilibre entre vie professionnelle et vie privée par rapport à la population générale. En effet, seulement 54 % des professionnels de santé jugent cet équilibre satisfaisant, contre 75 % du reste de la population. De plus, 76 % des soignants signalent régulièrement un excès de travail, comparativement à 51 % dans la population générale, soit une différence de 25 points.

« La Mutuelle Nationale des Hospitaliers a développé un programme « Sérum Psy » permettant de créer un environnement favorable à l’épanouissement psychologique et au bien-être des étudiants en santé, par le développement des compétences psychosociales. Notre évaluation pilote en cours concerne 200 étudiants d’Île-de-France et de Normandie, au sein des Instituts de Formation en Soins Infirmiers. Elle doit permettre aux futurs professionnels de santé d’augmenter leur pouvoir d’agir et de maintenir un état de bien-être psychologique tout au long de leur carrière », explique Jean-Bernard Castet, Directeur général adjoint affaires publiques et santé.

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