Bras de fer entre la CNAM et les laboratoires

Le souhait de la CNAM de baisser les tarifs des laboratoires d’analyse alerte les syndicats de biologistes sur un modèle qui fragiliserait le secteur et l’accès aux soins.

À l’heure où les dépenses liées à la santé sont en baisse, selon les propositions du projet de loi de finances de la Sécurité Sociale, la tension monte entre les laboratoires de biologie médicale et la Caisse nationale d’assurance maladie (CNAM). Si à l’été 2023, un accord avait été signé entre la CNAM et les représentants des laboratoires, supposé stabiliser les dépenses du secteur pour trois ans, l’Assurance maladie projette une baisse des tarifs remboursés aux laboratoires, déclenchant une vive opposition de la part des syndicats de biologistes.

L’accord signé en 2023 prévoyait notamment une baisse du remboursement des tarifs représentant entre 80 et 90 millions d’euros par an, avec une augmentation triennale de l’enveloppe allouée de 0,4 % par an sur la base de 2024, quand la CNAM évoquait 0 %. Les syndicats dénoncent une décision “*unilatérale*”, ce que réfute Thomas Fatôme, qui affirme avoir écrit cet été un courrier aux syndicats en retraçant les échanges ayant eu lieu au 1er semestre 2024. En effet, la CNAM cherche à économiser 120 millions d’euros en 2025 afin de notamment pallier la hausse des coûts de santé, une volonté qui se traduirait par une réduction tarifaire supplémentaire de près de 10 % sur les actes de biologie.

Les désaccords sont nombreux. Confrontée à une croissance des soins de ville au-delà des prévisions (5,5 % contre les 2,5 % anticipés), selon les chiffres des syndicats de laboratoires, que l’on peut imputer au vieillissement de la population, les syndicats estiment que cette coupe, s’ajoutant aux 11 % de baisse déjà appliqués sur les deux dernières années, et qui mettrait en péril la pérennité de certains laboratoires, surtout les structures indépendantes et rurales. Des écarts de prévisions, affirment-ils, qui nécessiteraient une renégociation pour garantir une enveloppe budgétaire à la hauteur des besoins réels.

La CNAM réfute ces critiques, affirmant que le secteur de la biologie médicale reste très rentable et que les ajustements tarifaires n’impliquent aucun « effort supplémentaire » par rapport aux termes initiaux du protocole, des affirmations qu’il convient de prendre avec nuance, en ce qu’elles laisseraient entendre que les laboratoires  pourraient piocher dans leurs réserves pour se financer. En effet, depuis la crise du Covid, le gouvernement est attentif, quand le chiffre d’affaires des laboratoires a augmenté de 83 % entre 2019 et 2022, selon le SNDS (Système National des Données de Santé). Et il accuse les syndicats d’une « communication outrancière » qui alarmerait inutilement les assurés, pour qui, ce n’est pas déjà toujours un automatisme de se rendre en laboratoire pour réaliser certaines analyses prescrites, selon les généralistes.

Derrière cette impasse tarifaire, les biologistes craignent une « biologie low cost », c’est-à-dire une réduction de la qualité des soins au nom de la rentabilité. Selon eux, ce modèle, qui privilégierait les grands groupes financiers au détriment des laboratoires indépendants, pourrait affaiblir la qualité des analyses et compromettre le service aux patients, en particulier dans les zones déjà en difficulté, et générer un afflux vers les services d’urgence et hospitaliers, mais aussi, par un effet ricochet, une baisse des vocations, déjà en diminution. Ce bras de fer, va engager de nouvelles négociations, dans la mesure où le budget n’est pas encore voté.

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