Le 31 octobre 2024 marquait le centenaire de la Journée mondiale de l’épargne. Cette journée, instituée lors du Congrès international des caisses d’épargne à Milan en 1924, a pour but de promouvoir les bienfaits de l’épargne et de renforcer la collaboration entre les établissements financiers.
C’est l’occasion de revenir sur l’importance de l’épargne, une pratique bien ancrée en France, puisque le pays est considéré comme l’un des plus grands épargnants d’Europe.
Chiffres clés 2024 de l’épargne en France
Ainsi, la France se distingue par son fort taux d’épargne. En 2024, 70 % des Français déclarent épargner au moins une fois par an, selon une enquête menée en 2022 par AG2R LA MONDIALE, l’Amphitéa et le Cercle de l’Épargne. De plus, 82,2 % des Français possèdent un Livret A, et 41 % des ménages détiennent un contrat d’assurance vie, d’après le rapport de l’Observatoire de l’épargne. Le taux d’épargne des ménages a atteint 17,9 % du revenu disponible au deuxième trimestre 2024. Un chiffre qui place la France au deuxième rang de l’Union européenne, juste derrière l’Allemagne.
L’épargne française constitue un atout majeur pour l’économie. Le Livret A, par exemple, participe au financement des logements sociaux et soutient les investissements des collectivités locales. De leur côté, l’assurance vie et le Plan d’Épargne Retraite jouent un rôle essentiel dans le financement de l’État et des entreprises. Ils facilitent ainsi la croissance économique et la création d’emplois. Bien que l’épargne soit parfois perçue comme de l’argent inactif, elle alimente en réalité les projets de demain. Ce qui contribue activement au dynamisme économique du pays.
L’épargne : une tradition française aux racines profondes
En France, l’épargne est profondément ancrée dans les habitudes. A la fois comme précaution face à l’avenir et comme coutume transmise de génération en génération. La tradition remonterait, selon certains, aux origines rurales du pays. Lorsque les paysans devaient économiser pendant les saisons favorables pour subsister durant les périodes difficiles. Bien que ces racines agricoles s’éloignent, la pratique de l’épargne reste vivace.
Cette culture de l’épargne est également nourrie par des traditions familiales. En effet, nombreux sont les parents ou grands-parents qui ouvrent un Livret A pour leurs enfants ou petits-enfants dès leur naissance. Par ailleurs, la France est l’un des rares pays à valoriser l’épargne réglementée, où l’État fixe les conditions de fonctionnement et de rémunération des produits d’épargne. Le Livret A, créé il y a plus de 200 ans, en est un exemple marquant. Il a été conçu pour encourager les Français à économiser et à tenir une comptabilité. Mais, il a aussi servi à financer l’État après les guerres napoléoniennes. Depuis, l’épargne demeure un outil stratégique soutenu par les politiques publiques pour accompagner les besoins financiers de la nation.
La crainte de l’avenir comme moteur de l’épargne
Malgré un système de protection sociale parmi les plus généreux, avec des dépenses sociales représentant plus d’un tiers du PIB, les Français continuent de mettre de côté. Ils sont notamment motivés par la peur de manquer à l’avenir. Et, cette inquiétude s’illustre dans les chiffres.
En effet, 71 % des actifs expriment des doutes quant à leur capacité à vivre décemment avec leurs futures pensions. Et, 58 % d’entre eux épargnent spécifiquement pour préparer leur retraite, selon une enquête de 2024 menée par Amphitéa et le Cercle de l’Épargne. Cette volonté de se constituer un filet de sécurité personnel révèle une attitude prudente face aux incertitudes du lendemain.
Une épargne renforcée par les crises et la hausse des prix
Depuis 2019, le taux d’épargne des ménages a progressé de plus de trois points. Cela reflète l’impact des crises successives telles que la pandémie de Covid-19, la guerre en Ukraine et la hausse de l’inflation. De façon paradoxale, lorsque le coût de la vie augmente, les Français épargnent davantage. Car, malgré un pouvoir d’achat en baisse, ressort le souci de se prémunir contre les dépenses futures.
Contrairement aux ménages américains, qui ont largement puisé dans leurs économies post-pandémie, les Français ont renforcé leur « cagnotte Covid » depuis 2021. Ce comportement est également influencé par des facteurs structurels comme le vieillissement de la population, qui incite les épargnants à anticiper les besoins liés à l’âge autant qu’à l’incertitude économique.
Les Français : des épargnants prudents mais stratégiques
Les épargnants français sont parfois décrits comme des gestionnaires trop prudents, voire mal informés. Cependant, loin d’être passifs, ils savent adapter leurs placements pour privilégier sécurité, liquidité et rentabilité. Leur stratégie se traduit par une sélection réfléchie des produits financiers. Elle vise à combiner ces trois objectifs.
Dans les années 1980, ils ont ainsi investi dans les SICAV monétaires avant de se tourner, dans les années 1990 et 2000, vers les fonds euros de l’assurance vie. Récemment, en 2022 et 2023, l’accent a été mis sur les livrets réglementés et les dépôts à terme qui présentaient des rendements attractifs, et ils n’hésiteront pas à réajuster leurs choix face à la baisse actuelle des taux courts.
Une épargne orientée vers la sécurité et la régulation étatique
Bien que les Français soient souvent critiqués pour leur aversion au risque et leur faible investissement dans l’économie réelle, les gouvernements successifs ont multiplié les produits d’épargne pour répondre à cette demande de sécurité. Le Livret A, le LDDS, le LEP, le Livret Jeune, et d’autres dispositifs réglementés offrent des avantages fiscaux et une certaine stabilité.
Ces produits, adaptés à divers horizons de placement, permettent aux Français de répartir leurs avoirs de façon à couvrir des besoins à court, moyen et long terme. Tout en bénéficiant d’un encadrement public garantissant leur accessibilité et leur fiabilité.
Des comportements d’épargne en mutation
Les Français sont traditionnellement attirés par les produits de taux. Mais, depuis quelques années, on observe une hausse de leur intérêt pour les placements en actions. Ce changement se reflète dans la popularité croissante des contrats multisupports d’assurance vie. Et aussi dans l’augmentation du nombre de détenteurs de Plans d’Épargne en Actions (PEA), qui atteignent 5,3 millions en juin 2024, soit 1,2 million de plus qu’en 2017 (Banque de France).
Ce virage vers des placements plus dynamiques témoigne d’une volonté accrue d’optimiser les rendements, sans renoncer à la sécurité.
L’ascension du Plan d’Épargne
Lancé en 2019, le Plan d’Épargne Retraite (PER) a rapidement gagné en popularité. En 2024, il est même devenu le troisième produit d’épargne préféré des Français, après l’assurance vie et le Livret A. Ce produit répond aux préoccupations croissantes des ménages quant à leur niveau de vie à la retraite.
Avec plus de 10 millions de titulaires et un encours d’environ 110 milliards d’euros à la fin de mars 2024, le PER séduit pour sa flexibilité. Car, il offre la possibilité de choisir entre une sortie en rente ou en capital, propose une gestion profilée adaptée à l’âge et aux préférences de risque, et bénéficie d’avantages fiscaux attractifs. Ces caractéristiques en font un choix prisé, notamment pour un actif sur quatre en France.
La stabilité : un enjeu clé pour l’épargne longue
L’assurance vie demeure le placement de référence pour l’épargne longue en France, avec un encours atteignant 1 970 milliards d’euros à la fin août 2024. Sa solidité repose en partie sur l’amélioration du rendement des fonds en euros depuis 2022. Mais aussi, sur la performance des unités de compte, qui représentent près de 40 % de la collecte. Cette combinaison lui permet de rester le choix privilégié des ménages pour des investissements sécurisés et durables.
Pour encourager les ménages à orienter leur épargne vers des placements longs, essentiels au financement des entreprises et à la transition écologique, une stabilité juridique et fiscale s’avère indispensable. Toute hausse d’imposition risquerait de décourager cette réallocation vers des investissements à long terme. Si la France affiche une capacité d’épargne solide, elle doit encore canaliser davantage cet excédent vers des fonds de longue durée pour répondre aux enjeux économiques et environnementaux de demain.