Alors que les aléas climatiques se multiplient et s’intensifient, les exploitations agricoles françaises sont de plus en plus vulnérables.
Pourtant, seul un tiers d’entre elles dispose d’une assurance adaptée. Face à cette réalité, la loi d’orientation de 2022 a tenté de renforcer la protection des agriculteurs, mais des lacunes persistent. Pour comprendre les solutions assurantielles disponibles et les enjeux liés à cette sinistralité croissante, Philippe Fajardo, directeur technique de WTW Agri, a répondu à nos questions.
Une réforme législative qui peine à porter ses fruits
En mars 2022, la loi d’orientation « relative à une meilleure diffusion de l’assurance récolte en agriculture » a été mise en place pour moderniser le système d’indemnisation des « calamités agricoles ».
L’objectif était de partager les risques climatiques entre l’État, les assureurs et les agriculteurs eux-mêmes. Ce dispositif visait à encourager la souscription à des assurances adaptées, notamment la Multirisque Climatique (MRC), en proposant une indemnisation plus rapide et plus efficace. Cependant, malgré cette réforme, la couverture des exploitations agricoles demeure insuffisante face aux défis climatiques croissants.
L’hiver 2023/2024 a illustré ces lacunes, avec des pertes massives dans la production céréalière dues à des pluies excessives. À l’aube des vendanges, les pouvoirs publics tentent d’anticiper les besoins de la filière viticole, qui fait face à des risques tout aussi élevés.
Des solutions assurantielles variées, mais insuffisamment adoptées
Nous avons demandé à Philippe Fajardo quelles solutions assurantielles sont aujourd’hui disponibles pour protéger les agriculteurs. Il nous explique que deux grands axes de couverture assurantielle existent pour garantir les cultures contre les aléas climatiques.
Le premier axe concerne l’assurance Grêle/Tempête, qui couvre les dégâts causés par ces événements climatiques extrêmes tels que la grêle et les vents violents. « Outre un délai de carence, ces contrats sont assortis d’une franchise parcellaire déterminée en début de campagne culturale. Certains assureurs accordent l’extension à la garantie Gel pour la viticulture », explique-t-il.
L’assurance Multirisque Climatique (MRC), quant à elle, couvre une plus grande variété d’aléas climatiques, incluant la grêle, la tempête, mais aussi les précipitations, les périls liés à l’ensoleillement ou aux températures extrêmes. « De plus, une partie de la prime est subventionnée, sous certaines conditions, dans le cadre de la Politique Commune Agricole (PAC) », ajoute Philippe Fajardo.
« Chez WTW en France, fort de notre ADN d’innovateur, nous développons actuellement des assurances alternatives, dites paramétriques qui, à l’aide du choix pertinent du paramètre, de paliers et d’indemnités associées, permettent de bâtir des contrats « sur mesure » pour nos assurés », précise le directeur technique de WTW Agri.
Les différences entre les solutions : une question de choix
Les solutions proposées aux agriculteurs varient en termes de couverture, de franchises et de modalités d’indemnisation. Philippe Fajardo explique : « Les aléas couverts ne sont pas les mêmes, les franchises également varient (parcellaires ou à la culture), les capitaux assurés ne sont pas calculés de la même manière (au choix de l’agriculteur ou sur la moyenne des rendements historiques de l’exploitant), l’un est subventionnable, les autres pas. Enfin, le mode d’indemnisation varie selon le choix de l’assuré : indemnitaire pour les contrats traditionnels (Grêle et MRC), forfaitaire pour les couvertures paramétriques. »
Un nouveau régime d’indemnisation en place depuis 2022
Philippe Fajardo nous précise que le nouveau régime d’indemnisation mis en place par la réforme de 2022 intègre le Fonds de Solidarité National dans les contrats Multirisque Climatique Récolte. Ce fonds remplace l’ancien système des « calamités agricoles » et a pour but de renforcer la protection des exploitations agricoles tout en accélérant les indemnisations.
En confiant la gestion des sinistres à des assureurs spécialisés, les exploitants assurés bénéficient désormais d’un interlocuteur unique pour le traitement de leurs sinistres. À terme, cette réforme vise également à couvrir les agriculteurs non assurés, bien que l’indemnisation pour ces derniers soit différée d’une année.
Philippe Fajardo souligne : « Cette réforme semble avoir déjà porté ses fruits puisque les acteurs assurantiels constatent une forte augmentation des souscriptions, selon les régions et le type de cultures assurées. Il faut savoir que moins de 30 % des exploitations agricoles françaises étaient assurées en aléas climatiques avant ce nouveau régime et que le coût de ces assurances représente environ 70 % du budget Assurances pour les exploitations. Ce n’est donc pas un sujet anodin. »
Une couverture inégale selon les filières agricoles
Philippe Fajardo rappelle que certaines filières agricoles, mais aussi certaines régions, sont plus vulnérables que d’autres aux aléas climatiques. Les cultures céréalières, par exemple, sont particulièrement affectées par les sécheresses récurrentes et les inondations, tandis que les exploitations viticoles et arboricoles subissent régulièrement les effets dévastateurs du gel et des orages de grêle.
« On peut citer pêle-mêle les sécheresses de 2015, 2018, 2019 et 2020, les inondations de 2016, le gel de 2017, le gel et les intempéries en 2020, des orages de grêle localisés tous les ans, qui ont touché le monde céréalier, mais aussi les exploitations viticoles et arboricoles avec, souvent, des répercussions catastrophiques pour la pérennité de l’activité de nos agriculteurs. »
Quelles prévisions pour 2024 ?
Si les pertes agricoles pour 2024 ne sont pas encore totalement chiffrées, Philippe Fajardo indique que cette année pourrait être moins catastrophique que les précédentes, malgré les images alarmantes qui ont marqué l’actualité.
Cependant, les défis restent considérables pour les agriculteurs, et l’adoption de solutions assurantielles adaptées est plus cruciale que jamais.
L’assurance climatique, un enjeu vital pour l’agriculture française
Face à une sinistralité climatique croissante, l’adaptation des exploitations agricoles à ces nouveaux défis devient incontournable. Les réformes législatives récentes et les solutions innovantes proposées par des acteurs comme WTW offrent une meilleure protection aux agriculteurs, mais la couverture reste insuffisante. Seule une minorité d’exploitations est aujourd’hui assurée, et les coûts demeurent un frein important.
Pourtant, la mise en place de systèmes d’assurance adaptés, combinée à une prise de conscience accrue des risques, constitue une condition sine qua non pour la pérennité du secteur agricole. L’avenir des exploitations agricoles françaises dépendra en grande partie de leur capacité à se prémunir contre les aléas climatiques, avec l’appui d’assureurs spécialisés et de solutions sur-mesure.