Comme nous l’avons déjà abordé dans notre article « La santé et le changement climatique, alors, on se bouge ? », le changement climatique est reconnu comme une urgence mondiale qui affecte déjà la santé des populations.
Dans ce contexte, l’organisme gouvernemental canadien Santé Publique Ontario a dévoilé un rapport complet mettant en évidence le rôle crucial de la surveillance de la santé publique.
Comprendre les effets du changement climatique sur la santé
Le rapport met en lumière plusieurs cadres conceptuels élaborés pour décrire les impacts du changement climatique sur la santé humaine. Ces cadres aident à positionner la surveillance des effets sur la santé dans un contexte plus large d’adaptation au changement climatique.
Parmi les effets recensés, on trouve une série d’indicateurs de santé potentiels, classés selon différents aléas climatiques tels que la hausse des températures, la dégradation de la qualité de l’air, ou encore l’augmentation du nombre de vecteurs de maladies. Ces indicateurs peuvent également être classés en fonction de leur caractère direct ou indirect, ainsi que de la chronologie des effets, qu’ils soient immédiats ou à plus long terme.
Approches pour prioriser les indicateurs de santé
Le rapport identifie plusieurs méthodes adoptées dans diverses juridictions pour classer les indicateurs par ordre de priorité. Plutôt que d’adopter une seule méthode, il est souvent recommandé d’utiliser des approches intégrées multiples. Parmi les méthodes les plus courantes, on trouve :
- Analyses documentaires : Examen des recherches et des rapports existants pour identifier les indicateurs pertinents.
- Consultation de parties prenantes : Engagement avec la communauté et les experts pour intégrer divers points de vue.
- Utilisation d’outils ou de processus d’orientation : Développement ou adoption d’outils spécifiques pour guider la sélection des indicateurs.
- Critères de classification : Application de critères systématiques pour évaluer et classer les indicateurs.
Définir les indicateurs et les résultats
Dans le cadre de ce rapport, le terme « indicateurs » est utilisé pour décrire les effets du changement climatique lorsque les documents disponibles les identifient de cette manière. En revanche, lorsque les effets sur la santé de la population, les risques ou les résultats sont décrits sans être définis comme des indicateurs à des fins de surveillance, ces effets sont désignés sous le terme de « résultats ».
Bien que ces « résultats » ne soient pas explicitement définis comme des indicateurs, ils peuvent néanmoins servir de base pour l’élaboration d’indicateurs spécifiques. Le rapport vise ainsi à offrir un point de départ pour la surveillance des effets du changement climatique, tout en reconnaissant l’importance d’autres niveaux d’indicateurs, tels que la surveillance de la performance du système de santé ou des résultats environnementaux.
Liens entre le changement climatique et la santé humaine
De nombreuses études incluses dans ce rapport présentent des cadres conceptuels illustrant les liens généraux entre le changement climatique et les résultats en matière de santé. Ces cadres insistent sur l’importance d’adopter des approches intégrées pour lutter contre le changement climatique, en tenant compte de facteurs qui dépassent le cadre de la santé, tels que la vulnérabilité, l’adaptation et l’atténuation, ainsi que des secteurs comme l’utilisation des terres, l’approvisionnement en électricité, et d’autres industries.
Bien que ces cadres ne fournissent pas de directives précises pour la surveillance, ils peuvent servir de base pour développer des activités de surveillance plus concrètes. En plus des résultats en matière de santé, d’autres indicateurs importants ont été identifiés, notamment la performance du système de santé et les facteurs de vulnérabilité.
Un thème récurrent dans ces cadres est la nécessité d’intégrer diverses perspectives et connaissances, en tenant compte des effets inéquitables du changement climatique sur les populations autochtones et d’autres groupes marginalisés.
Un document de Santé Canada met en lumière les inégalités importantes qui existent pour les Autochtones du Canada, soulignant les impacts disproportionnés du changement climatique sur ces communautés, qui sont déjà confrontées à des inégalités sanitaires et socioéconomiques élevées en raison de politiques et de pratiques coloniales historiques.
De manière similaire, un autre document portant sur les zones urbaines de la Méditerranée aborde les questions d’équité et de justice climatique, en soulignant la nécessité d’intégrer les systèmes d’oppression, tels que le capitalisme, le colonialisme et le patriarcat, dans les cadres conceptuels. Ces études réaffirment l’importance d’adopter des processus et des pratiques en santé publique qui prennent en compte l’équité dans le contexte du changement climatique.
Indicateurs de santé ou résultats en matière de santé liés au changement climatique
Les indicateurs de santé et les résultats en matière de santé liés au changement climatique sont souvent classés en fonction des aléas climatiques spécifiques. Cette méthode de classification a été observée dans 12 des documents analysés, qui combinent généralement ces aléas avec certaines catégories de résultats en matière de santé, telles que la santé mentale. Il est important de noter que certains résultats et indicateurs peuvent figurer dans plusieurs catégories d’aléas climatiques. Par exemple, la morbidité respiratoire et cardiovasculaire peut être attribuée à la fois aux températures extrêmes et à la pollution atmosphérique.
Voici quelques exemples des catégories d’aléas climatiques les plus courantes et des indicateurs de santé qui y sont associés :
- Température : Exemples d’indicateurs incluent la mortalité et la morbidité liées à la chaleur, ainsi que les effets des feux de forêt sur la santé.
- Événements météorologiques extrêmes : Comprend les blessures, les infections, la mortalité et les effets sur la santé mentale pendant ou après des inondations ou tempêtes sévères.
- Vecteurs : Indicateurs tels que l’incidence de la maladie de Lyme et du virus du Nil occidental.
- Aléas d’origine hydrique et alimentaire : Inclut des indicateurs comme la qualité de l’eau potable, la prolifération d’algues, la salmonellose et d’autres infections d’origine alimentaire, ainsi que l’insécurité alimentaire.
- Qualité de l’air : Indicateurs associés à la mortalité due à la mauvaise qualité de l’air, aux visites aux urgences et aux hospitalisations causées par l’asthme et les allergies.
Elaborer des indicateurs et les classer par ordre de priorité
Une autre méthode courante pour classer les résultats de santé liés au changement climatique est de distinguer les effets directs, indirects et différés. Cette classification a été observée dans quatre des documents analysés, avec un chevauchement significatif avec les résultats classés selon les aléas climatiques. Cinq degrés d’effets ont été identifiés dans ces documents, certains subdivisés en fonction des aléas climatiques spécifiques tels que la température ou les événements météorologiques extrêmes. Voici quelques exemples des effets selon cette classification :
- Effets directs du changement climatique : les exemples incluent l’augmentation de la mortalité liée à la chaleur, l’épuisement par la chaleur, les coups de chaleur, ainsi que les blessures et décès attribuables aux inondations, tempêtes et feux de forêt.
- Effets indirects du changement climatique : comprend des indicateurs comme l’insécurité alimentaire, le stress et l’anxiété, ainsi que les problèmes de santé maternelle et fœtale liés à l’exposition à la chaleur et à la pollution de l’air.
- Effets induits par les systèmes naturels : inclut des changements dans la répartition géographique et saisonnière des maladies comme le choléra et la maladie de Lyme, ainsi que des changements écologiques tels que la prolifération néfaste d’algues.
- Effets induits par les systèmes humains : comprend les problèmes de santé professionnelle tels que le stress thermique, les coups de chaleur, l’épuisement par la chaleur sur les lieux de travail mal adaptés, ainsi que les problèmes de santé mentale, la violence et les conflits.
- Effets différés du changement climatique : les exemples incluent l’aggravation des troubles mentaux et physiques chroniques, ainsi qu’une augmentation de la mortalité chez les personnes âgées.
Analyse et retombées sur la pratique
La classification des indicateurs et des résultats en matière de santé selon les aléas climatiques et la nature des effets (directs, indirects, différés) offre une compréhension plus nuancée des impacts du changement climatique sur la santé humaine. Cette approche permet de mieux cibler les efforts de surveillance et d’adaptation, en tenant compte des différents types de risques auxquels les populations peuvent être confrontées. Les exemples fournis illustrent la diversité des effets du changement climatique, renforçant ainsi la nécessité d’une surveillance continue et d’une adaptation proactive des systèmes de santé.
Les documents analysés dans ce rapport soulignent l’importance pour les organismes de santé publique de surveiller les effets du changement climatique sur la santé, une composante cruciale de la lutte contre ce phénomène global. Cependant, un constat récurrent est le manque de lignes directrices précises pour mener cette surveillance. Souvent, les activités de surveillance sont intégrées dans des initiatives plus vastes liées au changement climatique, rendant difficile la distinction entre les activités de surveillance proprement dites et d’autres programmes ou interventions. De ce fait, plusieurs des documents examinés ne se concentrent pas exclusivement sur la surveillance.
Surveillance en Ontario : une approche adaptée aux contextes régionaux
Le rapport propose des démarches à envisager pour structurer la surveillance des effets du changement climatique sur la santé en Ontario, une province caractérisée par sa grande diversité géographique et démographique. Il est certes utile d’établir un ensemble uniforme d’indicateurs pour la surveillance, mais il est tout aussi crucial d’adapter ces indicateurs aux réalités régionales ou locales.
Par exemple, les Bureaux de santé publique (BSP) du Nord-Ouest et du Nord-Est de l’Ontario peuvent être confrontés à des défis sanitaires spécifiques qui diffèrent de ceux des BSP du Sud-Ouest et de l’Est de la province, et vice versa.
Le rôle des Evaluations de la vulnérabilité et de l’adaptation (EVA)
Bien que ce rapport ne se focalise pas sur les Évaluations de la Vulnérabilité et de l’Adaptation (EVA), celles-ci jouent un rôle complémentaire crucial dans la planification des activités de surveillance. Contrairement à la surveillance, qui permet un suivi continu des indicateurs, les EVA fournissent généralement un « instantané » de la situation à un moment donné. Toutefois, elles peuvent offrir des recommandations et des suggestions qui, conjointement avec les résultats de ce rapport, aident à mieux définir les besoins spécifiques des communautés, identifier les lacunes existantes, et évaluer la pertinence des indicateurs potentiels.
Les EVA peuvent également fournir un contexte essentiel, propre à chaque région, pour améliorer la compréhension des données et des systèmes en place. Ces éléments peuvent servir de base pour l’élaboration de nouvelles mesures de surveillance continue, en prenant en compte les préoccupations sanitaires prioritaires et les sources de données disponibles. Santé Canada a d’ailleurs développé des documents d’orientation détaillés pour soutenir ces processus d’EVA, offrant ainsi un cadre robuste pour leur mise en œuvre.
Surveiller les effets du changement climatique sur la santé : un enjeu de taille pour les professionnels de l’assurance
Le changement climatique n’est plus une préoccupation lointaine ou abstraite ; ses effets se manifestent déjà sur la santé des populations, comme le démontre le rapport de Santé publique Ontario. Pour les professionnels de l’assurance, cette réalité impose une révision profonde des pratiques et une anticipation accrue des risques émergents. La surveillance des effets du changement climatique sur la santé devient ainsi un enjeu crucial non seulement pour les acteurs de la santé publique, mais aussi pour ceux de l’assurance.
L’approche proactive suggérée par le rapport ontarien doit inspirer les professionnels français à développer des outils de surveillance adaptés aux contextes locaux et à prioriser les risques émergents. Cette démarche permettra non seulement de mieux protéger les assurés, mais aussi de renforcer la résilience du secteur face aux défis climatiques.
En somme, surveiller les effets du changement climatique sur la santé est un enjeu de taille qui requiert une collaboration étroite entre les secteurs de la santé publique et de l’assurance. Les professionnels de l’assurance doivent s’engager activement dans cette démarche pour anticiper les risques, adapter leurs offres, et participer à la construction d’un avenir plus sûr et plus résilient pour tous.
Ce sujet, important pour les acteurs de l’assurance et de la prévoyance, sera traité dans les semaines à venir. Vous souhaitez participer ?