L’assurance vie, traditionnellement perçue comme un moyen de sécuriser l’avenir financier, est aujourd’hui sous le feu des critiques pour son rôle potentiel dans le financement de projets nuisibles pour l’environnement.
Selon un rapport alarmant de l’ONG Reclaim Finance, les fonds placés dans les assurances vie en France contribueraient à des initiatives amplifiant le dérèglement climatique. « Une propagande sans fondement économique NI scientifique » selon l’économiste Philippe Crevel et le professeur en géopolitique de l’énergie Samuel Furfari.
Un paradoxe financier aux conséquences environnementales
Reclaim Finance, avec le soutien de l’application Rift, a analysé les pratiques d’investissement de 27 assureurs-vie français. Le rapport souligne une contradiction frappante :
Alors que les Français cherchent à assurer leur sécurité financière future, leur épargne pourrait soutenir des projets tels que le développement pétrolier controversé de TotalEnergies en Ouganda et en Tanzanie, ainsi que l’exploitation du gaz de schiste aux États-Unis.
Le rôle de l’épargne dans la transition écologique : une opportunité manquée ?
Ariel Le Bourdonnec, chargé de campagne assurance chez Reclaim Finance, explique : « L’épargne stockée en assurance-vie, soit 1 900 milliards d’euros, pourrait servir à financer la transition écologique. Le souci, c’est qu’elle permet encore aujourd’hui d’investir dans des activités favorisant le développement des énergies fossiles. En souscrivant à ce type de contrat, les Français alimentent l’urgence climatique alors qu’ils pensent préparer leur avenir. »
Le rapport met ainsi en évidence une discordance entre les attentes des épargnants et les allocations d’investissement des assureurs. Il y est observé que, pour la majorité des Français, la sécurité et la disponibilité de l’épargne priment sur la quête de rentabilité.
Cela contredit l’idée que les assureurs répondent à une demande de haute rentabilité, notamment dans un contexte où l’épargne pourrait être dirigée vers des investissements plus verts.
Appel à une régulation renforcée
Face à cette situation, Reclaim Finance appelle à une régulation plus stricte. Ils proposent que le ministère de l’Économie et des Finances encourage la labellisation ISR (Investissement Socialement Responsable) des fonds euros.
Un label qui garantirait que les investissements des assurances-vie n’alimentent plus le développement de nouveaux projets d’énergies fossiles.
La contrepartie des experts économiques et scientifiques
Les critiques sévères envers les assurances vie et leurs impacts sur le climat, soulevées par l’ONG Reclaim Finance, ont trouvé un écho parmi les experts économiques et scientifiques, qui remettent en question la validité de ces allégations.
Selon Philippe Crevel et Samuel Furfari, ces affirmations manquent de fondements scientifiques et reflètent une vision déséquilibrée des responsabilités économiques des entreprises.
Un désaccord fondamental sur le rôle des assurances
Philippe Crevel et Samuel Furfari contestent l’idée selon laquelle l’assurance vie contribue directement au dérèglement climatique. Ils argumentent que les ONG, bien que vocalisant des inquiétudes légitimes sur l’environnement, n’offrent pas toujours une image précise de la réalité économique globale.
Selon eux, les compagnies d’assurance sont avant tout motivées par la nécessité d’assurer des retours sur investissement stables pour leurs clients et la pérennité de leurs fonds, plutôt que par un agenda écologique spécifique.
Le pétrole et le gaz : des investissements incontournables ?
Samuel Furfari souligne que l’investissement dans les industries fossiles reste une stratégie financièrement rationnelle pour les assureurs, compte tenu de la demande mondiale croissante en énergie. Il insiste sur le fait que, dans une économie de marché, les investissements doivent inévitablement se porter vers des secteurs rentables, dont le pétrole et le gaz font indéniablement partie.
Philippe Crevel renforce cet argument en expliquant le rôle de l’assurance vie dans l’économie. Il précise que les assureurs sont légalement tenus d’investir dans des fonds verts et ISR, montrant ainsi un engagement croissant envers la transition écologique, tout en préservant les intérêts financiers des épargnants.
Position des ONG, investissements verts et résistance aux pressions
Les deux experts critiquent également la posture souvent adoptée par les ONG, qui, selon eux, peut parfois s’apparenter à de la propagande.
Ils défendent l’idée que les compagnies d’assurance, en tant qu’entités économiques, doivent prioriser la rentabilité et la sécurité financière, plutôt que de se conformer uniquement aux pressions externes pour des investissements écologiques.
Messieurs Crevel et Furfari mettent également en avant le fait que les grandes entreprises, telles que Total Energies, investissent massivement dans la transition énergétique.
Ils argumentent que les attaques contre ces investissements sont souvent exagérées et ne tiennent pas compte des efforts réels déployés par ces entreprises pour réduire leur empreinte carbone.
Vers un équilibre entre rentabilité et responsabilité écologique
L’assurance vie, pilier de la sécurité financière pour de nombreux Français, se trouve donc aujourd’hui au cœur d’un débat crucial : celui de son impact potentiel sur le dérèglement climatique.
Les critiques, soutenues par des rapports d’ONG, confrontent les pratiques actuelles à un impératif de durabilité, tandis que les défenseurs du secteur soulignent la nécessité de répondre aux attentes économiques des épargnants. Cette controverse met en lumière les défis complexes auxquels les institutions financières doivent faire face dans une économie mondiale où les questions environnementales deviennent prépondérantes.
L’enjeu majeur reste la transparence et l’alignement des objectifs financiers avec les impératifs écologiques. Alors que le secteur financier continue d’évoluer sous la pression croissante de l’opinion publique et des régulateurs, la création de produits d’épargne qui respectent à la fois les attentes de rendement et les normes de durabilité pourrait définir la nouvelle ère de l’assurance-vie.
Il est donc essentiel que toutes les parties prenantes — institutions financières, gouvernements, investisseurs et clients — collaborent pour forger un avenir où finance et responsabilité environnementale se renforcent mutuellement, garantissant ainsi une prospérité durable pour les générations futures.