Un récent dépôt d’un projet de loi à l’Assemblée nationale proposait de généraliser la prévoyance en entreprise, ciblant ainsi les deux millions de salariés actuellement dépourvus de couverture préventive contre les risques d’invalidité, d’incapacité ou de décès. Que va-t-il devenir ?
Historiquement, depuis 1947, les cadres bénéficient d’une assurance prévoyance obligatoire, mais ce privilège n’est pas étendu aux non-cadres, une inéquité qui persiste depuis près de huit décennies. Le nouveau projet de loi vise à corriger cette disparité en instaurant un régime obligatoire pour tous les employés à partir du 1er avril 2027, avec des contributions minimales fixées à 1,5 % du salaire, et une prise en charge d’au moins 50 % par les employeurs. Ce régime offre aussi la possibilité aux salariés de se dispenser de l’adhésion, tout en renforçant les obligations de communication sur leurs droits.
Toutefois, plusieurs ajustements sont requis pour assurer la réussite de cette initiative. Il est proposé de transformer l’obligation de cotisation minimum en garantie minimum, pour éviter une trop grande disparité des couvertures selon les branches. De plus, il est crucial de préciser que les employeurs ne seront pas tenus de couvrir les sinistres en cours à la date d’application du régime, pour alléger le fardeau financier potentiel.
La réforme vise aussi à améliorer la lisibilité des garanties. « La protection sociale complémentaire en France n’est pas valorisée à son juste niveau par les Français car les garanties sont trop peu lisibles. » explique Camille Mosse, Directrice Technique Santé et Prévoyance chez Mercer France. Elle souligne l’importance d’une pédagogie renforcée et d’une meilleure communication sur ces droits.
L’impact financier de la mise en place de ce régime est évalué par Mercer à 1,7 milliard d’euros pour un panier de soins prévoyance de base, s’élevant à une moyenne de 31 euros mensuels par salarié.
Trois scénarios de co-financement entre employeurs et salariés sont envisagés pour assurer la soutenabilité de la prévoyance.
- Un financement employeur à hauteur de 50 % de la cotisation, par analogie à la généralisation de la santé.
- Un financement employeur à hauteur de 60 % de la cotisation quote part, correspondant à la prise en charge Employeur moyenne constatée sur les régimes existants.
- Un financement employeur à hauteur de 35 % de la cotisation.
Cette participation employeur permettrait ainsi de financer des garanties décès équivalentes à un capital de 3 PASS. Il s’agirait ici d’étendre le raisonnement mené en 1947 par les partenaires sociaux, et de lui appliquer les bases de tarification décès actuelle.
La pandémie de Covid-19 a révélé les lacunes de la couverture des risques pour les salariés les plus exposés, justifiant cette innovation législative. « Les personnes en première ligne n’étaient pas toujours bien couvertes vis-à-vis de risques fondamentaux, alors même que ce sont les plus exposées à des sinistres très coûteux. » explique Camille Mosse. Elle appelle à une loi qui non seulement impose la prévoyance mais qui la rende aussi efficace et adaptée aux besoins actuels.
Article écrit selon CP.