Assurance embarquée : potentiels, contraintes

Par Patrick Soulignac, Principal Solution Consultant, Guidewire

L’assurance embarquée, apparue il y a environ dix ans, a fait son chemin dans le secteur de l’assurance pour devenir une tendance incontournable aujourd’hui. InsTech London estime que ce marché atteindra 722 milliards de dollars d’ici à 2030, c’est-à-dire six fois sa taille actuelle, tandis que, selon McKinsey, 25 % de toutes les primes d’assurance proviendraient de l’assurance embarquée d’ici 2030. Différentes dynamiques expliquent cet essor : la multiplication des écosystèmes technologiques, le renforcement de l’économie de plateforme, le développement du e-commerce ou l’exigence de simplicité des clients.

Comment décrire l’assurance embarquée ? Il s’agit d’intégrer une couverture d’assurance directement dans le parcours d’achat d’un produit ou d’un service; cela va donc au-delà des assurances dites affinitaires, qui complètent un achat par une couverture facultative, via un parcours assurantiel. L’assurance est distribuée de façon intermédiée, car elle se déroule par l’intermédiaire d’un partenaire. Quelles sont les implications de ce type d’assurance pour les assureurs, en termes de positionnement, de responsabilité et de besoins techniques ?

Allez au-delà du cadre de l’assurance et faire preuve d’innovation

Directement intégrée dans le parcours client (en mode « opt-out »), l’assurance embarquée offre aux clients une expérience plus personnalisée que jamais, et permet aux assureurs de leur proposer des produits d’assurance au plus près du déclencheur des besoins de garantie, en laissant une part d’innovation dans les formats et les offres possibles. Les assureurs peuvent alors faire face aux usages et aux attentes des assurés en pleine évolution avec de nouveaux produits d’assurance. Cela répond par exemple à l’essor de l’IoT dans une multitude de domaines, à commencer par les nouveaux types de véhicules (voiture autonome, véhicules électriques). Pour l’instant, ce sont les entreprises issues de l’uberisation des services ou les sociétés les plus innovantes, comme Amazon, Ikea ou Tesla, qui ont le plus investi cette forme d’assurance même si on constate que cette forme d’assurance se propage rapidement.

L’assurance embarquée place l’assureur au centre d’une relation tripartite

L’assurance embarquée représente toutefois, aux yeux de l’assureur, une double source de pression supplémentaire, puisqu’il doit à la fois satisfaire le partenaire qui vend le produit d’assurance, mais aussi le client final. Le premier va exprimer des attentes en termes de rapidité, d’efficacité et de transparence de traitement, demandant à l’assureur de garantir une réactivité de l’ordre de quelques millisecondes pour émettre un devis ou répondre à l’assuré lors d’un sinistre. L’assureur porte la responsabilité totale du parcours assurantiel, et ce même s’il n’est pas en contact direct avec le client final ; dans ce cas, il doit mettre à disposition du client un espace de déclaration de sinistre, assurer le suivi jusqu’à la résolution et mettre à sa disposition son réseau d’experts.

Tous ces éléments font de l’assurance embarquée une forme plus complexe que l’assurance traditionnelle pour l’assureur, puisqu’il se voit attribuer une partie de la satisfaction client et des exigences par le partenaire. Il en résulte une diminution de la liberté et du contrôle que peut exercer l’assureur dans sa relation avec le client, comparé à une assurance traditionnelle. D’un autre côté, si le partenaire surveille les performances de l’assureur, l’assureur peut lui aussi surveiller la sinistralité des produits vendus par le partenaire, en repérant si tel produit connaît plus de sinistres que d’autres.

La stratégie technologique en soutien à l’assurance embarquée

L’assurance embarquée, pour bien fonctionner, a besoin de systèmes de pointe solides et rapides, capables d’assumer une plus grande complexité tout en gérant les quantités de données en jeu. Les infrastructures informatiques héritées sont en général incapables d’avoir le degré d’ouverture et le niveau de performance nécessaires pour gérer les données avec un temps de réponse assez rapide.

En termes de mise en œuvre, l’assureur met tout d’abord à disposition du partenaire des APIs qui leur permettent d’échanger entre leurs systèmes les données en jeu ; le pouvoir de gestion du parcours est entre les mains du partenaire, dans cette configuration, et dépend donc de lui pour adapter l’offre de produits d’assurance.

En revanche, le parcours d’une assurance embarquée est piloté à parts égales par l’assureur et le partenaire, grâce à l’utilisation dans la plateforme digitale partenaire de widgets assurantiels. La charge de travail qui revient au partenaire reste limitée, l’assureur profite d’une plus grande flexibilité et l’interaction entre les deux est plus intriquée.

Il n’est pas surprenant de se demander pourquoi l’assurance embarquée connait un tel essor, si elle s’accompagne d’autant de complexité à l’encontre des assureurs. La raison principale est qu’elle facilite la logique de « vente par univers », offrant aux assureurs plus de points de contact que d’habitude avec leus clients. Les parcours traditionnels de souscription d’assurance n’interviennent généralement qu’en aval de l’achat qui crée le besoin (qu’il s’agisse d’un logement, véhicule, équipement, voyage…), moment de vente que le partenaire est en mesure de « détecter ».

En utilisant un modèle embarqué, l’assureur se rapproche du moment de vie directement en lien avec l’assurance ; il peut donc détecter plus facilement les moments qui peuvent se transformer en décisions d’achat d’assurance, et être plus pertinent dans ses offres. Ainsi, l’assurance embarquée constitue un canal de distribution privilégié et innovant, et donc un relais de croissance rentable, à condition de veiller encore et toujours aux fondamentaux pour assurer l’excellence technique et opérationnelle.

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