L’échec est une notion complexe, souvent teintée de négativité, surtout dans le monde de l’entreprise.
Pourtant, une compréhension plus nuancée et une approche constructive de l’échec peuvent transformer les revers en tremplins vers le succès. Une nouvelle culture d’entreprise qui mérite une analyse clairvoyante.
Quelle est la nature de l’échec ?
Il est crucial de distinguer l’échec d’une simple erreur ou faute. Une erreur est généralement un acte involontaire ou un mauvais jugement initial. Elle peut survenir de manière imprévue. L’échec, en revanche, est associé à une incapacité à atteindre un objectif défini, engendrant un sentiment d’échec profond et de responsabilité personnelle.
Cependant, cette vision extrêmement négative de l’échec est en réalité une particularité culturelle spécifique à la France, qui tend à valoriser un environnement professionnel sans échec.
Cultiver une relation saine avec l’échec
La stigmatisation de l’échec, comme la peur de l’échec après une déception, peuvent entraver la prise de risque nécessaire à la croissance et à l’innovation. Reconnaître, analyser et apprendre de l’échec, plutôt que de le diaboliser, permet aux individus et aux entreprises de naviguer plus sagement et de manière plus innovante dans le paysage complexe des affaires modernes.
L’exemple d’une banque Canadienne
Dans un monde où le succès est souvent glorifié et l’échec dissimulé, le Canada et d’autres pays offrent une perspective rafraîchissante, embrassant l’échec comme un élément essentiel de croissance et d’innovation.
Michel Bergeron, ancien collaborateur de la Banque de développement du Canada (BDC), prône une transformation radicale de la perception de l’échec, en le considérant non pas comme un signe de faiblesse, mais comme une marque de bravoure. Il suggère d’admirer le courage des entrepreneurs qui osent et tentent, même si le résultat n’est pas celui attendu.
Bergeron lui-même admet que sa propre biographie, tout comme celles de nombreux autres, est souvent une énumération de réussites, occultant les échecs qui ont jalonné le chemin. Il souligne que l’échec est le prix à payer pour l’essai, et que l’absence d’échec est synonyme d’absence de progrès. Dans cette optique, l’échec doit être associé non à la honte, mais à la bravoure et à la victoire. Cette approche contraste fortement avec la tendance à cacher nos échecs, les traitant comme des marques de honte.
La BDC, travaillant avec plus de 49,000 propriétaires d’entreprise à travers le Canada, est témoin du risque quotidien inhérent à l’entrepreneuriat. Si beaucoup échouent, beaucoup réussissent aussi, fournissant des produits et services innovants qui résolvent les problèmes contemporains. La BDC a même été qualifiée de « plus grand laboratoire de prise de risque entrepreneurial au Canada », finançant près de 2,000 entreprises en démarrage chaque année.
Pourquoi reconsidérer l’échec dans le monde de l’entreprise ?
Les raisons de reconsidérer l’échec comme un élément constructif dans le monde de l’entreprise sont nombreuses :
Renforcer la confiance en soi des employés
La tendance en France à associer une personne à ses échecs conduit souvent à la stigmatisation et à la dévalorisation. En revanche, adopter une culture qui reconnaît l’échec comme une étape naturelle du processus d’apprentissage pourrait renforcer la résilience et la confiance en soi des employés. Dans les cultures où l’on valorise la « culture du rebond », les individus apprennent à se remettre plus rapidement d’un revers, ce qui en fait des membres plus forts et plus adaptables de l’équipe.
Projeter une image d’entreprise authentique
À l’ère des médias sociaux, les récits de succès irréprochables ne sont plus aussi attrayants. Les entreprises qui présentent une image plus authentique, montrant à la fois les réussites et les défis, peuvent se démarquer. Cela rend l’entreprise plus accessible et augmente son attrait aux yeux des employés potentiels et actuels, tout en renforçant sa marque employeur.
Adopter une approche d’amélioration continue
Les échecs sont des occasions d’apprentissage. Les entreprises qui reconnaissent leurs erreurs et les utilisent comme tremplin pour l’amélioration continue sont souvent celles qui s’adaptent et réussissent dans un environnement en constante évolution. La capacité à tirer des leçons des revers et à s’adapter en conséquence est un atout précieux dans un monde des affaires aussi rapide que celui d’aujourd’hui.
Valoriser l’apprentissage par l’échec
L’association « 60 000 rebonds« , fondée par l’entrepreneur Philippe Rambaud, illustre l’importance de cette perspective. Après avoir lui-même vécu la faillite, Rambaud a créé cette organisation pour soutenir les entrepreneurs confrontés à l’échec. Selon lui, l’échec est souvent le moment où l’on apprend le plus. Cette idée est plus largement acceptée dans certaines cultures, comme aux États-Unis, où les « cicatrices » professionnelles peuvent être vues comme des badges d’expérience et de résilience, contrairement à la perception française plus stigmatisante de l’échec.
Encourager une culture de transparence et d’authenticité
Favoriser une culture d’entreprise où l’échec est reconnu et discuté ouvertement peut encourager les employés à partager leurs expériences et à apprendre les uns des autres. Cela crée un environnement de travail plus soutenant et collaboratif, où l’innovation est alimentée par une compréhension commune que le succès et l’échec sont deux faces de la même pièce.
L’échec comme vecteur de croissance des talents de l’entreprise
En modifiant ainsi la perception traditionnelle de l’échec dans le milieu professionnel, le monde de l’entreprise facilite l’autoréflexion et la croissance personnelle de ses talents, car l’apprentissage favorise une meilleure compréhension de soi.
Être en mesure de déchiffrer les causes d’un échec et de reconnaître sa propre part de responsabilité permet une introspection bénéfique. Quand un individu identifie un comportement ou une action ayant contribué à un échec, il a l’opportunité de ne pas réitérer cette erreur. Dans un cadre professionnel, un collaborateur capable de se questionner efficacement en situation difficile est ainsi en voie d’amélioration continue.
Utiliser l’échec comme tremplin vers le succès
Une enquête menée en 2018 par la FEDAE et l’Insee a révélé que 31 % des entrepreneurs français considéraient l’échec comme inacceptable, optant pour une approche prudente pour l’éviter. Cependant, lorsque l’échec survient malgré toutes les précautions, l’abandon devient souvent la réaction habituelle.
Comment alors rebondir après un revers si décourageant ? Il est crucial de reconnaître que le chemin vers le succès est jonché d’obstacles. L’idée fausse que le succès est un parcours sans encombre mène souvent à la désillusion rapide. Comme le journaliste et écrivain Philippe Labro le cite dans ses écrits sur le burn-out, il est bon d’embrasser la sagesse du proverbe chinois :
« Le succès, c’est tomber sept fois, se relever huit. »
Cette maxime souligne l’importance de la persévérance et de la résilience face aux défis, des qualités essentielles pour transformer les échecs en succès.
Comment impulser une culture de l’échec en entreprise ?
Intégrer une culture de l’échec constructive dans l’entreprise peut se faire en ouvrant la voie à un management innovant et bénéfique pour tous.
Intégrer l’échec dans la stratégie d’entreprise
Valoriser l’échec ne signifie pas excuser ou pardonner sans discernement. Au lieu de cela, il s’agit de positionner l’échec comme un élément central de votre stratégie, reconnaissant qu’il est un précurseur essentiel à la réussite. Encouragez l’idée que l’échec n’est pas un point final mais une étape nécessaire et instructive du processus.
Encourager l’expérimentation et accepter l’échec
Abandonnez une gestion excessivement contrôlante au profit d’une approche qui encourage l’expérimentation et la prise de risque calculée. Communiquez clairement que l’échec est une partie acceptable, voire essentielle, du processus d’innovation. L’objectif n’est pas de réussir à chaque tentative, mais de créer un environnement où l’échec est perçu comme une opportunité d’apprentissage.
Fournir un environnement sécurisant pour l’échec
Chaque échec doit être accompagné d’une analyse et d’un soutien constructif. Mettez en place des procédures pour encadrer les échecs, en posant des questions telles que : Qu’est-ce qui a mal fonctionné ? Que pouvons-nous apprendre de cette expérience ? Comment pouvons-nous ajuster notre approche rapidement ? Avoir un plan d’action flexible et agile est crucial pour pouvoir rebondir et réorienter les efforts après un échec.
Encourager la communication autour de l’échec
Favoriser un dialogue ouvert sur les échecs, non pas pour stigmatiser, mais pour partager les leçons apprises et éviter de répéter les mêmes erreurs. Cette démarche renforce l’apprentissage continu à un niveau collectif et montre que l’échec, suivi d’une réussite, est un processus naturel.
Investir dans la formation et l’éducation
Adopter une nouvelle approche du management et de la culture d’entreprise demande une évolution dans la perception de l’échec, tant pour vous que pour votre équipe. Il est essentiel de se former et de former vos collaborateurs à cette nouvelle approche, reconnaissant que si certains seront enthousiastes, d’autres pourraient se montrer réticents. Une telle culture met également en lumière les domaines où les collaborateurs peuvent avoir besoin de développement, une réalité dans un monde professionnel en constante évolution.
En résumé, l’acceptation et la valorisation de l’échec en entreprise sont non seulement possibles mais aussi bénéfiques. En sortant d’une vision où l’échec est synonyme d’incompétence, et en adoptant une approche transparente et authentique, l’entreprise voit sa résilience, ce qui attire des talents et des clients qui valorisent l’humilité, la capacité d’adaptation et l’apprentissage continu. Il est donc grand temps de reconnaître l’échec en entreprise comme une composante essentielle de la réussite et de l’innovation !