L’échec est souvent perçu comme un obstacle insurmontable, la fin d’un chemin marquant l’arrêt brutal dans la quête de réussite.
Cependant, cette conception est en train d’évoluer, grâce à de nouvelles perspectives et à un regard plus nuancé sur sa nature : l’échec ne se traduit plus comme un signe de faiblesse, mais comme un catalyseur essentiel pour la croissance et l’innovation.
La nature multifacette de l’échec
Selon le dictionnaire Larousse, l’échec est souvent associé à la défaite ou à l’insuccès, une marque de honte à cacher. Pourtant, différencier l’échec d’une simple erreur est essentiel. Tandis qu’une erreur peut être un acte involontaire ou un mauvais jugement initial, l’échec est souvent lié à une incapacité à atteindre un objectif spécifique, portant en lui un poids de responsabilité personnelle.
Cette perception négative de l’échec est particulièrement prégnante en France, où l’environnement professionnel tend à valoriser la perfection.
La culture de l’échec en France
L’approche française vis-à-vis de l’échec, tant professionnel que personnel, est souvent perçue comme rigide. Dans un article sur linkedin, l’architecte d’intérieur Clara Damcevski Kindt met en lumière la tendance essentialiste de la société française :
« Dans un pays très essentialiste, on nous inculque très tôt que rater c’est au final être un raté. »
Cette déclaration met en lumière la manière dont l’échec est souvent interprété en France, non pas comme un incident isolé ou une étape du processus d’apprentissage, mais plutôt comme une marque indélébile, définissant et affectant potentiellement la réputation de l’individu à long terme.
Cette perception de l’échec, selon elle, diffère grandement de celle d’autres cultures, où l’échec est envisagé sous un jour plus positif, ou tout du moins, traité avec une dramatisation nettement moins prononcée. Ainsi, l’article met en exergue la distinction marquée entre la vision française de l’échec et une perspective plus globale, plus tolérante à l’égard de l’échec et de ses implications.
Des témoignages inspirants : de l’échec à la réussite
Pauline Laigneau, co- fondatrice de Gemmyo, a saisi l’opportunité de partager ses expériences lors de la FailCon 2019, une série de conférences dédiées à l’échec. Elle y a souligné que l’échec n’est qu’un indicateur de prise de risque et que ses propres échecs ont été des moments de réflexion et d’apprentissage précieux, la conduisant à l’entrepreneuriat et à la réussite :
« Deux ans avant de lancer mon entreprise actuelle, j’avais déjà lancé une société qui a lamentablement échoué. Mais j’en ai tiré des leçons et je me suis remise en selle un an plus tard avec un projet qui me correspondait davantage. Il ne faut pas diaboliser l’échec car il ne signifie qu’une seule chose, que l’on a pris un risque. »
Une personnalité comme Marc Simoncini, PDG et fondateur de Meetic et de Jaïna Capital, a également connu des échecs monumentaux, comme la faillite au bout de 3 ans de CTB, sa première société spécialisée dans la création de sites Minitel, avant de connaître le succès avec Meetic et Jaïna Capital.
Mais également Denys Chalumeau, ex-dirigeant de Promovacances et SeLoger.com qui a connu la ruine et de très graves difficulté avec Promovacances après les attentats du 11 septembre mais a su rebondir avec Seloger.com et en conclut aujourd’hui : « Perdre Promovacances a été une chance extraordinaire »
Ces exemples montrent que l’échec, bien géré, peut devenir un tremplin vers des réalisations plus grandes, surtout lorsqu’il est vécu et surmonté en équipe.
« Mes échecs m’ont rendue plus apte à gérer et à accepter les erreurs, tant les miennes que celles des autres, tant qu’elles contribuent à notre croissance collective. » souligne Pauline Laigneau.
L’échec à l’international : diversité des perspectives
Au Canada, des figures comme Michel Bergeron ancien collaborateur de la BDC redéfinissent l’échec, le voyant comme une preuve de courage plutôt qu’un signe de faiblesse :
« L’échec est le prix à payer pour l’essai. L’absence d’échec devrait être vue comme de l’absence de progrès. Plutôt que d’associer l’échec à la honte, il faut associer l’échec à la bravoure et aux gagnantes et gagnants ! »
Cette nouvelle approche est également soutenue par les pratiques de la BDC, qui finance des milliers d’entreprises en démarrage, acceptant l’échec comme une partie intégrante du processus entrepreneurial.
Aux Etats-Unis, l’échec est souvent considéré comme un pas nécessaire vers le succès : « Avoir échoué, en France, c’est être coupable. Aux États-Unis, c’est être audacieux », confiait en 2016 le journaliste Simon Blin dans un article de Libération.
Une vision partagée par John Danner et Mark Coopersmith, deux conférenciers américains auteurs du livre « The other F Word » qui pourrait se traduire en Français par « L’autre gros mot ». Dans les pays nordiques, l’échec est même perçu comme une expérience enrichissante.
Ces perspectives montrent que l’approche de l’échec peut varier considérablement, offrant des leçons précieuses pour l’apprentissage et l’innovation.
Vers une nouvelle conception de l’échec
Pour embrasser pleinement l’échec, il est crucial de démystifier et déstigmatiser cette expérience, de surmonter la peur de l’échec en reconnaissant que la stagnation est un risque bien plus grand. Mais également de créer un environnement où la prise de risque est encouragée et vue comme une opportunité d’apprentissage.
Lors de son intervention au FailCon 2019, Pauline Laigneau a insisté sur l’importance de vivre l’échec en équipe, où un véritable leader est reconnu par sa capacité à encourager l’analyse constructive des erreurs, non pas dans un esprit de reproche, mais dans un but d’apprentissage et de renforcement de l’esprit d’équipe.
En reconnaissant et en intégrant ces diverses perspectives sur l’échec, les individus et les entreprises peuvent non seulement surmonter leurs craintes mais aussi débloquer un potentiel d’innovation et de croissance, révolutionnant ainsi la manière dont l’échec est perçu et géré au niveau personnel comme sociétal.