Une étude récente met en lumière le rapport des jeunes Français à la laïcité, dévoilant une perspective renouvelée de ce concept républicain.
Réalisée avec l’appui de Charles Mercier et Philippe Portier, experts en laïcité, cette analyse se démarque par sa neutralité et son approche nuancée, à contre-courant des enquêtes sensationnalistes habituelles.
Dans une société en constante mutation, la perception de la laïcité par les jeunes Français semble évoluer, à en croire une étude réalisée par le Laboratoire Cultures Éducation – Sociétés (LACES) de l’Université de Bordeaux et le Groupe Sociétés, Religions, Laïcités, un laboratoire du CNRS. Commandée à l’institut Kantar, cette enquête a interrogé 1000 jeunes Français âgés de 18 à 30 ans, reflétant la diversité de la population française.
Laïcité chez les jeunes : leur « wokisme » présumé battu en brèche
L’étude montre que 89 % des jeunes comprennent la notion de laïcité, mais sa définition reste floue. Une majorité (67 %) la considère positive pour la société, mais les opinions divergent sur son sens exact : pour certains, elle implique l’égalité entre toutes les religions, pour d’autres, la liberté de conscience ou encore la séparation de l’État et des religions. Les résultats soulignent aussi une volonté d’adaptation de la laïcité, avec 64 % des jeunes souhaitant son évolution, oscillant entre un désir de plus grande tolérance et un appel à plus de fermeté dans l’expression des idées religieuses.
Il apparaît donc clairement que les perceptions de la laïcité parmi les jeunes Français démentent l’idée reçue d’une adhésion massive au « wokisme « . Cette étude révèle une compréhension plus nuancée et diversifiée de la laïcité, éloignée des stéréotypes souvent véhiculés.
D’autre part, une majorité significative des jeunes sondés, soit 60%, estime que la laïcité est parfois utilisée à des fins politiques ou médiatiques, non pas pour promouvoir un vivre ensemble harmonieux, mais plutôt comme un outil pour dénigrer la communauté musulmane. Cette instrumentalisation perçue suggère une méfiance vis-à-vis de certaines narrations politiques ou médiatiques, soulignant le besoin d’une approche plus authentique et respectueuse de la laïcité dans le discours public.
La religion : un rôle secondaire pour la jeunesse
Plus de la moitié des jeunes interrogés (52%) se disent sans religion, suivis de 18% catholiques et 12% musulmans. Deux tiers considèrent la religion comme peu ou pas importante dans leur vie, et parmi ceux qui lui accordent une place significative, on trouve majoritairement des musulmans (85%) et des catholiques (53%).
Les opinions sont partagées sur le rôle de la religion dans la société, avec 43% pensant qu’elle recule et 37% qu’elle se renforce, mais la majorité préfère qu’elle garde un rôle mineur en France.
Concernant la connaissance du fait religieux à l’international, la moitié des jeunes s’estiment bien informés, surtout ceux connectés à la mondialisation. Cette ouverture influence leur avis sur les signes religieux ostensibles, avec 44% favorables à leur port en milieu scolaire comme en Grande-Bretagne par exemple.
Identité et ouverture : une jeunesse pluraliste
Les jeunes interrogés semblent adopter une vision pluraliste de l’identité française, considérée comme en constante réinvention par près de la moitié des sondés. 38 % des jeunes reconnaissent également un impact bénéfique des immigrés sur le développement de la France. Par ailleurs, si 43% affirment croire en Dieu, 68% se considèrent en premier lieu comme citoyens français, plaçant la loi avant la religion. Enfin, 63% se sentent confortables dans un monde aux frontières ouvertes, et 44% des sondés se voient même comme citoyens du monde.
Engagement des organisations pour la Laïcité
Suite à la publication de cette étude, le syndicat des enseignants UNSA Éducation rappelle que la laïcité ne se limite pas à une série d’interdits, mais à des règles communes pour une cohabitation harmonieuse, une perspective que les jeunes semblent embrasser.
Par ailleurs, la MGEN, engagée dans la défense de la laïcité, a organisé une conférence le 16 janvier 2024 avec des intervenants notables sur la question, soulignant l’importance du dialogue continu sur ce sujet fondamental.