L’ère des cathédrales est dépassée, voici venu le temps des gigafactories. Avec l’émergence des premières gigafactories en France et en Europe, cette nouvelle vague de production apporte avec elle son lot de défis majeurs : sécurité, assurance…
Face à ces enjeux, l’industrie se doit de repenser ses stratégies pour garantir un avenir durable et sécurisé.
Engagées dans un mouvement de réindustrialisation et visant l’autonomie énergétique, la France et l’Europe connaissent une transformation significative de leur secteur industriel. L’émergence de gigafactories, imposants complexes de fabrication de batteries lithium-ion, marque cette évolution, avec l’inauguration de la première installation par Automotive Cells Company (ACC) dans le Pas-de-Calais. Ces gigafactories, essentielles pour soutenir l’ambition de transition vers l’électromobilité, posent cependant de nouveaux défis, notamment en termes de sécurité et d’assurabilité.
Une nécessité stratégique
La multiplication à venir des gigafactories sur le territoire européen répond à plusieurs impératifs stratégiques. D’une part, elles accompagnent la montée en puissance de la filière électrique, essentielle pour réduire la dépendance européenne aux producteurs de batteries asiatiques et pour rapprocher les sites de production des constructeurs automobiles. À l’approche de l’interdiction définitive des moteurs thermique dans l’Union européenne prévue pour 2035, l’installations de ces gigafactories devraient pouvoir accompagner le virage à marche forcée du secteur automobile vers l’électrification. Elles incarnent d’autre part une réponse concrète à l’enjeu de souveraineté énergétique et à la volonté de réduire l’empreinte carbone du secteur des transports.
Lors de l’inauguration la première gigafactory française dans le Pas-de-Calais, Bruno Le Maire s’est exprimé sur l’importance de cette dynamique : « Ce n’est que le début du combat pour la restauration notre puissance industrielle. L’Union européenne doit montrer ses muscles industriels. Une vallée européenne de la batterie électrique est en train d’émerger sous nos yeux. Ce projet c’est aussi la concrétisation de l’action que nous menons contre le réchauffement climatique pour réinventer notre manière de produire et notre manière de consommer Français. »
Avec seulement 13 % et 10 % des capacités de production attribuées à l’Europe et à l’Amérique du Nord respectivement, l’Asie Pacifique domine avec 77 % de la production mondiale. Face à ce déséquilibre, l’Europe planifie le déploiement d’environ 40 projets majeurs de gigafactories dans la prochaine décennie, visant à tripler sa contribution à la production mondiale pour atteindre 33 % d’ici 2030.
Sécurité XXL
L’implantation de ces usines n’est pas sans risques. Le principal danger réside dans l’emballement thermique des batteries lithium-ion, phénomène pouvant entraîner des incendies difficiles à maîtriser. La prévention de ces risques passe par des mesures de sécurité innovantes, intégrant des systèmes de détection précoce, des dispositifs de protection mécanique et des stratégies d’isolation électrique des éléments défectueux. Les dispositifs d’extinction à base d’eau, tels que les sprinklers, les systèmes de déluge et les brouillards d’eau, sont les plus performants pour contenir la propagation d’un incendie suite à un emballement thermique. En revanche, l’utilisation de systèmes automatiques à gaz pour éteindre le feu s’avère inefficace.
La première gigafactory française développée par Automotive Cells Company n’a pas attendu pour s’équiper d’un vaste système anti-incendie. Conçu par Uxello, filiale de VINCI Energies spécialisée dans la prévention des incendies, ce dispositif sur mesure fait face à l’ampleur du site de Douvrin. Avec l’installation de 35 000 sprinklers, 150 robinets d’incendie armés, 41 postes de contrôle, 130 km de tuyauterie et deux réservoirs d’eau de 1 000 m3, Uxello a relevé d’importants défis, dont l’adaptation de son système à la composition chimique des batteries, riche en électrolytes réactifs. Pour cela, une solution de pulvérisation de mousse a été privilégiée, assurant une sécurité optimale face aux risques spécifiques liés à la production.
Un défi pour l’assurance
Pour le secteur de l’assurance c’est aussi de nouveaux défis à relever. « Aujourd’hui, certains assureurs ne sont pas très à l’aise avec ces gigafactories pour plusieurs raisons. Un travail doit être fait pour acculturer le marché de l’assurance aux risques de ces giga-usines » explique Denis Bicheron en charge des lignes d’assurance « dommages aux biens » et « construction » chez le courtier WTW, à L’Usine Nouvelle. « Il y a des usines de très grande taille en France, mais nous n’en avons pas construites depuis longtemps. La tendance était plutôt à la désindustrialisation. »
Les risques associés à ces installations de grande envergure nécessitent d’importantes adaptations en termes d’offres, une meilleure connaissance des profils de risque et un renforcement des mesures de prévention.
Des compagnies d’assurance, telles qu’Axa XL, se mobilisent pour répondre à ces besoins, soulignant l’importance de l’innovation dans l’évaluation et la couverture des risques industriels.