Au cœur de la transformation du secteur de l’assurance, l’Humain. Ces femmes et ces hommes qui permettent au secteur de l’assurance d’être aux côtés des assurés et de faire face, ensemble, aux nouveaux défis de notre société.
Vovoxx Média a la farouche volonté de parler, au plus grand nombre, de l’attractivité du secteur de l’assurance, de ses métiers, du capital humain et de ses nombreux talents. Nous avons donc créé, cette série de Podcast « H », qui donne la parole à des professionnels.
Pour ce quatrième épisode, nous avons échangé avec Alexandre Rispal, consultant dans l’Assurance et operating partner. Alexandre est également co-auteur de l’ouvrage, intitulé “Les grands principes du marketing de l’assurance: Stratégie, Intelligence Artificielle, Expérience client, RSE” .
Retraitement de l’interview audio
Selon vous, pourquoi le talent de l’entreprise est un enjeu stratégique pour le secteur de l’Assurance ?
Alexandre Rispal : Effectivement, c’est une question assez fondamentale, parce que, dans une entreprise, ce qui compte, c’est avant tout de fédérer des individualités autour d’un projet, autour d’une mission collective. Et, par définition, on parle beaucoup de l’attraction des talents. Mais avant tout, il faut intéresser des femmes et des hommes autour de cette mission commune. C’est pour cela que c’est extrêmement important, dans le monde de l’assurance, de mettre en place des projets qui sont capables de motiver des gens dans la durée. Le talent, ce n’est pas qu’une notion élitiste, c’est la capacité d’avoir les bonnes personnes au bon moment, sur le bon projet, pour qu’il y ait un alignement d’intérêt des deux parties pour le succès de l’entreprise.
Comment définiriez-vous, avec vos mots, le talent ?
Alexandre Rispal : Nous avons souvent un préjugé autour d’une vision élitiste du talent. Pour ma part, j’ai une approche beaucoup plus large de ce qu’est un talent dans une entreprise, il prend plusieurs formes. Ça peut être un talent qui est décisif ou qui est extrêmement important pour une entreprise, de manière conjoncturelle ou sur le long-terme. Ça peut être un talent dans un secteur d’activité donné, ça peut être un talent en fonction de ses soft skills et hard skills.
On a souvent tendance à mettre la notion de talent derrière un métier en tension. Par exemple, un expert de l’IA ce serait le talent que tout le monde cherche. Je pense que le talent, aujourd’hui, peut être également un gestionnaire de sinistres qui est décisif parce qu’une personne vient d’avoir une inondation et qu’il est capable d’avoir les bons mots, la bonne réactivité pour traiter le problème du client ; ou encore un conseiller clientèle qui va expliquer de manière très simple, très pédagogique, une garantie et qui va faire en sorte que la personne soit bien assurée. Ce sont des exemples concrets, mais pour moi, ce sont des talents, parce qu’il y a une dimension humaine très forte. Évidemment, ça peut être aussi l’intrapreneur qui a une idée pour faire bouger les lignes dans son entreprise et qui va aller la proposer, la défendre ; mais c’est aussi le manager ou le leader qui va l’accompagner pour que ça devienne possible. Alors oui, il y a des métiers en tension comme les métiers d’experts en data science, en actuariat, en vente également, qui sont des métiers qui ont beaucoup de mal à être pourvu en entreprise. Mais il ne faut pas avoir une notion verticale et unique du talent, parce qu’elle est très diverse.
Pensez-vous qu’il y a une pénurie de talents, dans le secteur de l’assurance ?
Alexandre Rispal : Nous avons déjà beaucoup de talents dans le secteur de l’assurance mais nous n’avons pas toujours les bonnes grilles de lecture de ce qui est un talent.
Je me souviens d’une discussion que j’avais eu il y a très longtemps dans un congrès de réassurance en Allemagne, à Baden-Baden, avec un dirigeant d’une assurance. Il me disait : « Ce que je trouve fascinant dans l’assurance c’est que je peux discuter avec un expert du juridique hyper pointu, avec un expert des statistiques ou des mathématiques, une heure plus tard, je peux discuter avec des gens très calés en informatique. Finalement des gens tous plus intelligents que moi. Mais j’arrive à interagir avec une richesse de sujets qui est fascinante. »
Nous avons déjà des talents. Alors la question qu’il faut se poser est : comment les détecter, comment les fidéliser et comment les faire grandir ? Parce qu’on peut avoir des gens brillants en IT, excellents en data, mais il faut leur donner les moyens de passer d’un secteur à un autre. Donc il n’y a pas forcément de pénurie, il y a des grilles de lecture et des lunettes à porter, peut-être, différentes pour les détecter.
Ensuite, de manière conjoncturelle, quand il y a des effets de mode économiques et/ou des besoins, il peut y avoir saturation et pénurie. Quand d’un seul coup, tous les secteurs économiques se mettent à chercher des data scientists – ce qui arrive depuis une dizaine d’années – c’est compliqué de les faire venir et d’avoir des politiques salariales, des schémas de carrière suffisamment unifiés pour les attirer et les convaincre de rejoindre l’assurance. Des exemples, il y en a plein, dans le monde du partenariat, du commerce, dans le marketing et la communication…
Le sujet c’est : comment embrasser les nouvelles générations, les nouvelles aspirations, les nouveaux talents, avec des modèles sociaux importants qui ont changé. Aujourd’hui, je crois que le principal défi du secteur est d’arriver à capter ces nouveaux modes de travail avec les attraits du secteur actuel.
Cette pénurie de talent pourrait-elle une conséquence du manque d’attractivité du secteur ?
Alexandre Rispal : On est dans un paradoxe, parce qu’on est dans l’un des secteurs qui dépense le plus d’argent en matière de marketing et de communication.
En quelque sorte, c’est comme si nous n’arrivions pas à nous vendre, en tant que représentant du secteur de l’assurance. Quand on regarde, unitairement, les métiers que l’on propose sont très riches intellectuellement, nous avons beaucoup de diversités, nous sommes attractifs sur les images de marque. Les entreprises d’assurances font partie des marques que les français aiment et qui ont créé un vrai pouvoir d’attraction, que ce soit sur les modèles sociétaux, sur la diversité des métiers qui sont ouverts en France ou à l’international…
Après, effectivement, on est – que ce soit dans l’assurance, dans la banque ou dans les métiers du public – mis dans une catégorie qui est assez challengée. Je pense que l’on n’insiste pas suffisamment sur ce que l’on offre en diversité intellectuelle, en impact d’intérêt général. Les gens cherchent beaucoup de sens, mais l’assurance en offre. Et, en termes de conditions financière, le secteur permet une vie intéressante aussi. Je pense que cette image est probablement due au fait que l’expérience en tant que consommateur dans des moments de tension n’est pas toujours au rendez-vous, et que l’on imagine encore « assureur = voleur ». C’est difficile d’assumer être assureur.
Enfin, il faut que les assureurs se disent qu’ils n’ont peut-être pas besoin que de CDI dans leur équipe, mais que leurs talents peuvent être en part-time, par exemple. La fidélité ce n’est pas uniquement d’avoir des gens qui sont dévoués h24 pour l’entreprise, c’est être capable de fidéliser des freelances, des indépendants, des prestataires de services, des consultants, etc. Finalement, ils font tout autant partie de la richesse de l’entreprise que des gens qui sont là en CDI ou sur des CDD renouvelé.
Dans quel domaine, selon vous, le secteur devrait il évoluer pour attirer ces nouveaux talents ?
Alexandre Rispal : De façon assez évidente, on se rend compte qu’aujourd’hui l’aspiration chez les 18-35 ans c’est de donner du sens à leur travail, d’avoir de la diversité intellectuelle dans les missions et d’avoir un rapport d’autonomie et de liberté par rapport à l’employeur.
Souvent, les assureurs vont avoir envie de CDI-iser leurs freelances pour les garder dans la durée. Ce qui va avoir potentiellement tendance à les faire fuir ou créer des pénuries, des tensions pendant plusieurs mois dans le recrutement.
Peut-être qu’il faut s’adapter et accepter d’avoir une pluralité de talents qui vont évoluer, qui sont tous les ans eux-mêmes challengé. Ce sera la même chose sur la data, sur l’actuariat, sur l’informatique, et même sur des équipes de direction. Car parfois, nous avons besoin d’avoir un directeur commercial très fort sur un domaine d’activité, puis l’entreprise va, ensuite, changer de priorité. Alors pourquoi avoir quelqu’un qui va être placardisé, mal se sentir, plutôt que d’avoir quelqu’un qui est très motivé pendant un an ou un an et demi ? Ça implique une part de risque, ça implique de repenser une forme de contrat social, mais je pense que c’est un sujet d’actualité dont on n’a pas fini d’entendre parler.
Aujourd’hui, les collaborateurs veulent, de plus en plus, donner du sens à leur carrière, notamment d’un point de vue sociétal et environnemental. Est-ce que vous pensez que les entreprises du secteur devraient ajouter ce « besoin de sens » ?
Alexandre Rispal : L’assurance c’est, quasiment, un secteur d’intérêt général et, quasiment, un service public. Je pense qu’il faut avoir conscience que, quand on travaille pour une entreprise d’assurance, on est déjà au service de l’intérêt général. Ce n’est pas réservé qu’à une catégorie d’acteurs, il n’y a pas que les mutuelles qui font ça. Et, je pense qu’il faut le mettre plus en-avant, c’est le premier point.
Ensuite, oui, c’est assez fondamental. On voit que la CSRD a considérablement accélérer la prise de conscience, par le biais du réglementaire, de l’enjeu général des secteurs de l’assurance, sur le réchauffement climatique, sur les nouvelles mobilités, sur l’inclusion, etc. Je pense que cela fait partie d’une tendance de fond. Est-ce que ce sont des profils particuliers ? J’ai presque envie de dire que la nouvelle génération qui arrive est formée de manière transversale pour infuser et diffuser. La transformation générationnelle commence à infuser à tous les niveaux de l’entreprise. Il faut l’accélérer. Je pense que la CSRD est un point d’accompagnement fondamental du secteur pour bien prendre ce virage et ne pas faire de greenwashing.
On parle de plus en plus de talents vers et de compétences vertes. Est-ce que vous pensez que leur intégration est l’avenir du secteur de l’Assurance ?
Alexandre Rispal : Oui, je pense que c’est fondamental et c’est déjà en cours. Que ce soit dans les écoles d’ingénieurs, dans les écoles de commerce ou les écoles de lettres et sciences sociales, qui forment la nouvelle génération de leaders, de salariés et de collaborateurs, c’est inclus dans les cursus. Il y a cette conscience forte. Le plus important, aujourd’hui, c’est que les générations qui sont en poste à responsabilité aient cette compréhension du secteur et donnent les moyens à leurs entreprises de ces changements. Cette énergie ne demande qu’à être libérée, et il faut donner la possibilité que ça se traduise de manière concrète, pas simplement par du règlementaire.
Pour conclure cet échange, est-ce que vous avez des recommandations à faire aux professionnels du secteur pour améliorer leur recherche de nouveaux talents ?
Alexandre Rispal : Je pense qu’il faut regarder sur le court et moyen terme. Le moyen terme passe par une réflexion totalement agnostique sur le nouveau contrat au travail qui pourrait être fait avec les attentes des salariés qui sont déjà en poste et des nouvelles générations. Il faut peut-être réinventer une nouvelle forme de coopération et de travail au sein des entreprises d’assurance.
La saga de podcast H est réalisée, par Vovoxx Média, dans le cadre du dispositif des Talents de l’Assurance