Alors que l’investissement ESG gagne du terrain à l’échelle globale, une étude récente révèle des écarts significatifs entre l’Europe et les USA dans l’adoption de ces pratiques, soulignant le défi de la concordance entre les promesses et les actions réelles dans le domaine.
Dans un contexte où les investissements respectueux de l’environnement, sociaux et de gouvernance (ESG) connaissent un essor mondial, une récente étude met en lumière une divergence notable entre les pratiques d’investissement en Europe et aux États-Unis, particulièrement chez les signataires des Principes pour l’investissement responsable (PRI). Initié par les Nations Unies, ce réseau mondial ambitionne de promouvoir une gestion d’actifs responsable, regroupant désormais plus de 120 000 milliards de dollars sous gestion. Toutefois, malgré cet engouement généralisé pour l’ESG, la mise en application effective et ses impacts concrets sur les portefeuilles d’investissement suscitent interrogation et débat.
L’innovation dans les pratiques d’investissement responsable est au cœur d’une nouvelle recherche dirigée par Pedro Matos de la Darden School of Business, University of Virginia. L’étude se penche sur la cohérence entre les engagements pris par les signataires des PRI et l’intégration réelle des critères ESG dans leurs portefeuilles d’actions. En s’appuyant sur une méthodologie comparative entre les signataires des PRI et les non-signataires, et en analysant les rapports annuels des PRI, l’étude classe les signataires selon leur degré d’intégration ESG : complète, partielle ou nulle.
« A travers cette recherche, nous souhaitions savoir si les institutions signataires des PRI « joignaient le geste à la parole » en ce qui concerne l’intégration des facteurs ESG à leurs portefeuilles d’actions », souligne Pedro Matos, professeur associé à Darden School of Business (University of Virginia)
Les résultats mettent en exergue une prévoyance accrue des investisseurs européens en matière d’ESG, comparativement à leurs homologues américains. En effet, en Europe, l’adoption de stratégies de filtrage ESG, qui consistent à sélectionner les investissements selon des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance, est plus répandue. À l’inverse, aux États-Unis, la tendance favorise davantage l’intégration ESG, une méthode qui intègre ces critères au sein de l’analyse financière et de la gestion des risques sans pour autant se traduire par des améliorations tangibles des scores ESG des portefeuilles.
L’étude révèle un phénomène de greenwashing particulièrement prononcé aux États-Unis, où des sociétés d’investissement signataires des PRI n’ont pas démontré d’amélioration significative de leurs performances ESG, malgré des déclarations d’intégration complète. Ce constat alarmant suggère une discordance entre les promesses faites et les actions entreprises, potentiellement attribuable à des incitations commerciales, une réglementation incertaine et un marché de l’ESG moins mature.
Face à ces observations, l’étude recommande aux investisseurs, notamment aux États-Unis, d’exercer une diligence raisonnable plus approfondie. Il ne suffit plus de se fier aux labels ESG ou à la qualité de signataire des PRI pour évaluer l’authenticité de l’engagement d’un gestionnaire d’investissement envers les principes du développement durable. Selon Pedro Matos, cette démarche critique est essentielle non seulement pour les investisseurs individuels mais aussi pour stimuler un débat constructif et moins politisé autour de l’investissement ESG, tant aux États-Unis qu’à l’échelle internationale.
L’étude de la Darden School of Business souligne ainsi l’importance cruciale de la cohérence et de la transparence dans le domaine des investissements responsables. Elle appelle à une transformation profonde des pratiques pour s’assurer que les engagements pris en faveur de l’ESG se traduisent par des actions concrètes et mesurables, permettant ainsi de réaliser l’objectif ultime de l’investissement responsable : contribuer à un avenir plus durable.