Malgré l’émergence du mouvement #MeToo, il y a plusieurs années, et la libération de la parole, les violences sexuelles et sexistes continuent de faire de nombreuses victimes, notamment dans le milieu de la culture.
Ainsi, pour lutter contre les violences sexuelles et sexistes et venir en aide aux victimes, Audiens a piloté la création d’une cellule d’écoute pour les professionnels de la culture. Nous nous sommes entretenu avec Caroline Rogard, Directrice de la communication d’Audiens, afin qu’elle nous parle de cette initiative.
Enola Gambey : Quels ont été les motifs qui ont conduit à la création de cette cellule d’écoute pour les victimes de violences sexuelles et sexistes dans les secteurs de la création ?
Caroline Rogard : En 2017, la relance du mouvement #Metoo ouvre la voie de la libération de la parole dans le monde du spectacle notamment et progressivement de nombreuses victimes se déclarent. Pour faire face à ce phénomène et soutenir au mieux les victimes, le ministère de la Culture annonce en 2019 son plan de lutte contre le harcèlement et les violences sexistes et sexuelles, à l’occasion des Assises de la parité, de l’égalité et de la diversité dans le cinéma. Dans ce même temps, la Fédération des entreprises du spectacle vivant, de la musique, de l’audiovisuel et du cinéma (Fesac) et les fédérations syndicales souhaitent créer une cellule d’écoute gratuite et anonyme à destination des victimes et des témoins de violences sexuelles et sexistes dans le secteur du spectacle vivant et enregistré.
Pour la mettre en œuvre, ils font appel à Audiens qui dispose déjà d’une cellule d’écoute psychologique pour le secteur de la culture et c’est donc en mai 2020 que la cellule d’écoute et de lutte contre les vhss (violences et harcèlements sexistes et sexuels), nait de la collaboration entre ces acteurs.
Comment fonctionne concrètement la cellule d’écoute ?
CR : La cellule d’écoute est joignable par téléphone au 01.87.30.20.10, du lundi au vendredi de 9h à 13h et de 14h à 18h, ou par mail à violences-sexuelles-culture@audiens.org. Elle est ouverte aux salariés permanents et intermittents des secteurs du spectacle vivant, spectacle enregistré, secteur du jeu vidéo, aux arts visuels, aux auteurs et tout récemment, aux professionnels des espaces de loisirs et de l’édition. Elle est bien évidemment gratuite et anonyme.
Les victimes, témoins ou référents vhss qui ont vécu, observé ou soutenu une situation de vhss dans la sphère professionnelle, sont accueillis par des expertes de l’accompagnement social, formées à ces sujets. Leur rôle est d’instaurer un espace serein, bienveillant, qui permette à la personne de parler en confiance.
Quels sont les professionnels qui interviennent dans le processus d’écoute et de soutien ?
CR : Les conseillères qui accueillent la parole sont le 1er niveau du processus d’écoute et de soutien. Leur rôle est primordial, puisque c’est à l’issue de cet entretien que l’appelant va se sentir suffisamment en confiance pour parler et demander conseil aux experts qui prendront le relais.
Les psychologues cliniciennes sont là pour aider à surmonter une situation traumatique et à en appréhender les conséquences.
Les avocats apportent, eux, un conseil juridique qui permettra de qualifier les faits au sens de la loi, d’informer sur les procédures judiciaires possibles et sur les démarches susceptibles d’être engagées.
Comment l’anonymat des victimes est-il assuré ?
CR : L’anonymat est une condition incontournable de la libération de la parole et nous en faisons par conséquent une priorité. Aucune identité n’est demandée, le numéro de téléphone reste le seul élément que nous demandons afin de permettre aux psychologues et avocats d’entrer en contact avec les victimes.
Comment l’industrie de la culture réagit-elle à cette initiative ?
CR : Les entreprises du secteur de la Culture sont également des acteurs de la lutte contre les vhss. Ils ont très bien compris les enjeux importants de celle-ci pour permettre à chacun de conserver son droit fondamental à travailler en toute sécurité et leur devoir, cadré par la loi, de prévenir, sensibiliser et agir face à ces situations de harcèlement et de violences. Ils participent par ailleurs activement dans la promotion de la cellule d’écoute, nous organisons de nombreux évènements avec leur concours, qui sont l’occasion de diffuser à la fois l’information et les outils.
Beaucoup d’entre eux ont également crée des outils indispensables, tels que le Guide de prévention des CCHSCT du cinéma et de l’audiovisuel, le Livre Blanc du Collectif 50/50, des chartes, etc. Le ministère de la Culture, au travers de ses centres nationaux a aussi été actif en conditionnant ses aides à de nombreuses mesures qui s’imposent aux entreprises. La lutte contre les VHSS est clairement un combat commun.
Quelles sont les réactions du fait que ce soit une initiative qui vient du secteur de la prévoyance, de la protection sociale ?
CR : L’initiative ne vient pas d’Audiens, mais bien des partenaires sociaux du secteur du spectacle. Nous accompagnons et portons un dispositif précisément grâce à la confiance de ces professionnels de la culture et du Ministère et des partenaires qui nous ont choisi pour notre capacité à communiquer avec les entreprises et les salariés de ces secteurs, Audiens est identifié, comme sur de nombreux sujets, comme un tiers de confiance.
Avez-vous des retours sur l’efficacité de la cellule d’écoute depuis son lancement ?
CR : La cellule a été créé en 2020, en pleine crise sanitaire, son démarrage a réellement débuté en 2021, avec la reprise d’activité du monde du spectacle. Nous sommes donc sur un bilan qui nous permet d’observer un nombre d’appels croissants et une demande d’accompagnement tout aussi croissante. Notre 1ère victoire, s’il en est une, est celle d’avoir réussi à la faire exister et à la faire connaitre : nous avons reçu au cours du 1er semestre 2023, 342 appels, soit autant que sur toute l’année 2022 !
Cette initiative est-elle pérenne ou limitée dans le temps ?
CR : Nous souhaitons que ce dispositif soit mis à la disposition des victimes tant que le besoin sera là et que le jour où la cellule n’existe plus, ce soit parce que les situations de violences ne sont plus un problème.
Audiens envisage d’autres projets futurs en lien avec cette initiative ?
CR : Nous sommes toujours en réflexion sur ce qui pourrait permettre de faire évoluer la lutte contre les vhss et sommes donc toujours à l’écoute des besoins que nous font remonter les professionnels de la Culture.