En France, la fracture numérique entre les genres reste alarmante. En Novembre 2023, le Haut Conseil à l’Égalité (HCE) a publié un rapport intitulé « La femme invisible dans le numérique : le cercle vicieux du sexisme », mettant en lumière la pénurie de femmes dans les métiers du numérique et les stéréotypes sexistes persistants dans le domaine.
Il émet également des recommandations pour réduire les inégalités de genre.
Sexisme et lenteur de la féminisation dans la filière numérique
Le rapport du HCE commence par pointer du doigt les représentations des femmes dans les contenus numériques qui souvent véhiculent des stéréotypes sexistes. Les médias sociaux en particulier continuent de présenter une image caricaturale ou même invisibilisée de la femme, perpétuant ainsi les préjugés de genre.
Le HCE détaille ensuite le manque de progrès significatifs dans la féminisation de la filière numérique en France. Malgré diverses initiatives au cours des dernières décennies, le nombre de femmes dans les métiers du numérique reste très faible.
Par exemple, seulement 20% des ingénieurs informatiques et 16% des techniciens en développement informatique sont des femmes. Les femmes sont encore moins présentes dans les domaines de la cybersécurité, avec seulement 11% de représentation.
Cette sous-représentation se produit malgré les perspectives de croissance du secteur, avec la création de près de 200 000 emplois en ingénierie informatique prévue d’ici 2030. Il est donc impératif d’agir pour atteindre une véritable mixité dans le domaine numérique.
Les avantages de la féminisation
Le HCE souligne également les avantages économiques potentiels d’une plus grande diversité de genre dans le secteur numérique. Selon la Commission Européenne, une meilleure mixité pourrait augmenter le PIB européen de 9 milliards d’euros par an.
Cependant, la filière numérique reste fortement dominée par les hommes, ce qui contribue à renforcer une culture sexiste, note le HCE : « Cette sous-représentation entraine le développement d’outils et de langages qui renforcent la maîtrise masculine de cet environnement, repoussant ainsi les femmes à la périphérie des avancées technologiques qui façonnent notre avenir. »
Les femmes exclues des formations technologiques
L’inégalité professionnelle commence dès le parcours éducatif, où les filles sont souvent découragées de s’orienter vers les filières scientifiques ou technologiques. Les chiffres du Gender Scan montrent que seulement 7% des adolescentes souhaitent se diriger vers le numérique, comparé à 29% des garçons.
De plus, en 2023, seulement 14,6% des filles ont choisi la spécialité « numérique et sciences informatiques » (NSI). Il est donc crucial de prendre des mesures pour encourager les filles à poursuivre des formations technologiques.
Recommandations pour l’égalité femmes-hommes dans le secteur numérique :
Face à cette situation, le HCE propose plusieurs recommandations pour promouvoir l’égalité femmes-hommes dans le secteur numérique parmi lesquelles :
- Imposer au lycée des quotas de filles dans les spécialités scientifiques (50 %) et Numérique et sciences informatiques (NSI : 30 %), ainsi que dans l’enseignement supérieur pour les filières du numérique (30 %), avec des programmes d’accompagnement, notamment de tutorat et de mentorat ;
- Créer un système de bonification dans Parcoursup pour les filles qui choisissent les filières numériques, sur le même principe que la bonification à caractère social ;
- Transformer le système d’investissement par la mise en place de quotas genrés ainsi que par l’utilisation d’indicateurs genrés dans les rapports d’investissement ;
- Former les enseignants aux enjeux d’égalité femmes-hommes et au numérique et introduire une nouvelle pédagogie dans l’enseignement des mathématiques et du numérique, en mettant notamment en lumière les opportunités professionnelles qui y sont liées ;
- Mettre en place un système de bourses d’excellence féminine dans les filières du numérique, financées par l’Etat ou via des partenariats avec les entreprises ;
- Inscrire la proportion filles-garçons dans les critères des rapports RSE des entreprises pour les inciter à intégrer plus de femmes, des stages de 3ème et de 2nde et des lycées professionnels jusqu’aux contrats d’apprentissage (au moins 40 % de filles) et aux parcours de reconversion dans les métiers du numérique ;
- Développer un système d’aides financières à la reconversion au numérique supérieures aux autres aides à la reconversion, à destination des femmes qui se forment et des entreprises qui les recrutent.
Femmes@Numérique en appelle à la puissance publique pour amplifier son action
A l’occasion des premières Assises nationales de la féminisation des métiers et filières numériques en février 2023, le président de la Fondation Femmes@Numérique, Henri d’Agrain, a alerté Solutions Numériques – Emplois Numériques : « La Fondation bénéficie d’un budget de 220 000 euros par an avec un engagement de ses 42 entreprises mécènes sur cinq ans. Le collectif Femmes@Numérique va fêter ses cinq ans le 27 juin prochain et cet investissement va être renouvelé. Néanmoins, toucher toutes les jeunes filles du pays, depuis le primaire jusqu’aux études supérieures, ainsi que leurs familles et les éducateurs, est impossible.
Or, il existe un instrument de mutualisation lorsqu’on est confronté à un problème : l’Etat, les finances publiques. Nous demandons donc à l’Etat de flécher les moyens pour renforcer et travailler à l’échelle la féminisation des métiers du numérique. Avec les financements de la Fondation, nous faisons émerger les idées. Maintenant, il faut les faire passer à l’échelle et c’est à L’Etat de le faire. Dès lors qu’il s’engagera à financer nos actions, nous l’accompagnerons avec nos entreprises et nos adhérents ».
Henri d’Agrain et Corinne Dajon, présidente de l’association Femmes@Numérique, ont également mis à profit ces Assises pour remettre à Jean-Noël Barrot un plaidoyer pour activer les leviers de féminisation des métiers du numérique.
Elaboré en collectif avec le Cigref, le Collectif Math&Sciences, le Cercle InterElles, WoGiTech, Femmes@Numérique, Numeum, la Société Informatique de France, Social Builder et Talents Du Numérique, il est assorti de quatorze mesures structurantes réparties en quatre axes, auxquelles s’ajoute une proposition phare de planification.
« Il s’agit d’inscrire à l’agenda politique une loi de programmation pluriannuelle d’orientation des compétences, dont l’ambition sera de mettre en cohérence les objectifs de création des compétences nécessaires pour réussir le plan France 2030 avec les moyens budgétaires indispensables pour y parvenir, explique Henri d’Agrain. Cette loi de programmation devra garantir des modalités de financements, en particulier pour des actions d’orientation et de sensibilisation aux formations et métiers du numérique pour les femmes ».
En résumé, la sous-représentation des femmes dans le secteur numérique français persiste, malgré les avantages économiques et sociaux évidents d’une plus grande diversité de genre.
Il est impératif de prendre des mesures concrètes pour promouvoir l’égalité femmes-hommes dans le secteur numérique, de l’éducation à la formation professionnelle, en passant par les entreprises et les politiques d’investissement. Seule une action collective et déterminée permettra de briser ce cercle vicieux de sexisme et de créer un secteur numérique véritablement inclusif où excelleront les Talents féminins.
Bien heureusement, la mobilisation est en marche : « Mobilisation en faveur de la féminisation du secteur numérique »