Selon l’OMS « La santé est un état de complet bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité ». Si les chiffres publiés par l’INSEE montrent que globalement l’espérance de vie continue à croître malgré certains plateaux, en revanche l’espérance de vie en « bonne santé » diminue en France depuis plus d’une décennie.
Gérer au mieux son capital santé est nécessairement une démarche fondamentale et prioritaire. Nous avons décidé d’interviewer Lionel Fournier, Directeur Santé & Ecologie(s) d’Harmonie Mutuelle.
Des actions de sensibilisation et de prévention semblent nécessaires. Quel est le rôle de vôtre Mutuelle en la matière ?
Lionel Fournier : Bien que nous consacrions collectivement plus de moyens humains et financiers à notre système de soins, l’espérance de vie en bonne santé stagne. Lors de la précédente décennie, elle progressait pourtant encore d’un trimestre par an.
Les défis à relever sont nombreux et se cumulent : vieillissement de la population, réchauffement climatique, croissance des maladies chroniques, etc. Affronter une canicule lorsque l’on est âgé et que l’on souffre d’une ou plusieurs pathologies chroniques est évidemment plus difficile que lorsque l’on est en bonne santé.
Dans ce contexte, notre rôle, en tant qu’acteur global de santé, est d’agir directement sur les causes à l’origine de ces pathologies. Cela implique de passer d’un modèle de santé curatif à un modèle préventif. Une transition qui demande du temps et de la constance. Nous avons fait de cette ambition notre raison d’être lorsque nous sommes devenus entreprise mutualiste à mission : « Agir sur les facteurs économiques, sociaux et environnementaux qui améliorent la santé des personnes et celle de la société en mobilisant la force des collectifs. »
Agir sur les déterminants de santé (l’environnement, l’alimentation, le lien social, etc.) ne peut se faire sans une étroite coopération avec les adhérents, les entreprises, les pouvoirs publics (à l’échelle nationale et territoriale), l’assurance maladie obligatoire… Fédérer, impulser, expérimenter, évaluer les résultats nous permettra de trouver des voies nouvelles pour améliorer la santé de tous et de chacun.
Nous en sommes convaincus : la pérennité et la mise à l’échelle de ces nouvelles façons d’agir passera par une évolution des modèles économiques qui devront récompenser les comportements vertueux et collectifs de l’ensemble des acteurs.
On a longtemps cru que le patrimoine génétique était une sorte de « disque dur de l’hérédité », insensible à toute influence « extérieure ». Vous déclariez en décembre 2021 « au-delà de notre patrimoine génétique, celle-ci (ndlr notre santé) dépend aussi de nos conditions de vie, du climat, de la qualité de l’air, de l’alimentation, sans oublier la dimension sociale ». Pensez-vous aujourd’hui que les Français font le lien entre ces facteurs exogènes et leur capital santé ? Aujourd’hui, faut-il encore accentuer la pédagogie, les actions sur ce sujet ?
LF : Les Français sont de plus en plus conscients que l’environnement a un impact sur leur santé. Ce constat s’est confirmé lors de l’expérimentation intitulée « Territoire de pleine santé », menée en 2022 à l’échelle de la communauté de communes d’Uzès, dans le Gard. Initiée par l’économiste Eloi Laurent, et soutenue par Harmonie Mutuelle, le groupe VYV et la MNT, cette expérimentation s’est appuyée sur une enquête approfondie auprès des habitants du territoire. L’étude a permis d’apporter une nouvelle preuve de l’intérêt des répondants pour la santé environnementale mais a également mis en lumière le manque de maitrise du sujet. Près de 95 % des sondés déclaraient que leur santé dépendait de leur environnement mais seuls 45 % pensaient qu’elle dépendait de celle des autres, alors même que la pandémie de Covid-19 emplissait encore les urgences de nos hôpitaux.
A l’heure où se pose la question de l’acceptabilité des mesures climatiques et où les maladies chroniques progressent, une meilleure information permettrait d’identifier les co-bénéfices qui pourraient être générés par une évolution de nos modes de vie en faveur de l’environnement et de notre santé. Une alimentation saine et l’usage de mobilités moins carbonées ont, par exemple, des effets bénéfiques sur la santé et l’environnement. Encore faut-il comprendre le lien étroit entre ces habitudes de vie et notre santé. Ce n’est pas encore une évidence dans l’opinion publique.
Quel est le rôle de votre Mutuelle en la matière ? Quelles sont les actions environnementales mises aujourd’hui en place au sein d’Harmonie Mutuelle ? Du groupe VYV ?
LF : Nous avons initié tout un travail pédagogique en nous appuyant sur notre réseau d’élus et de militants qui organise, dans les territoires, des temps de discussion ouverts au public autour de sujets de santé que nous appelons les « agoras ». En 2022, plus d’une vingtaine d’échanges entre experts et adhérents autour de la santé environnementale ont été organisés.
Nous avons également noué de nombreux partenariats dans le cadre de notre engagement en matière de santé environnementale. Nous collaborons notamment avec l’Ademe et avons co-édité, en juin dernier, un guide pratique intitulé « Préserver sa santé et la planète ». L’objectif de ce guide : sensibiliser aux bonnes pratiques du quotidien pour améliorer son bien-être tout en préservant l’environnement. Je pense également au soutien que nous avons apporté à l’expérimentation « Territoire de pleine santé », évoquée plus haut et à notre participation active au festival arlésien « Agir pour le vivant ». Nous pouvons également évoquer notre implication au sein du Mouvement Impact France, dont Harmonie Mutuelle est également administrateur.
Le groupe VYV porte, quant à lui, l’ambition de l’exemplarité en matière environnementale dans son plan stratégique VYV 2025. Une ambition qui se traduit notamment par la mise en place d’une formation en ligne, véritable MOOC sur la santé environnementale, destinée aux 55.000 collaborateurs et 10.000 élus du groupe. En 2024, la stratégie climat de VYV sera construite à partir de celles de chacune de ses maisons. La dynamique est d’ores et déjà enclenchée et sera alimentée par les travaux que mènent une soixantaine de militants et de salariés afin de dégager des pistes d’actions, dans le cadre d’une convention santé environnement.
Entreprise Mutualiste à Mission, Harmonie Mutuelle s’engage à agir sur les principaux déterminants de santé (environnement, lien social, qualité de vie au travail, etc.) et à accélérer le développement de la prévention en France. Quel est le chemin parcouru ? Celui à parcourir ?
LF : Améliorer la santé des individus et de la société en agissant sur les déterminants de santé est, et sera toujours, indispensable. En ce sens, nous pouvons dire que notre raison d’être trace un chemin.
Notre mission est, bien entendu, d’assurer nos adhérents face aux aléas de santé mais consiste aussi à accompagner l’évolution des parcours de soins, des comportements et à sensibiliser à des modes de vie permettant d’améliorer la santé de chacun, et donc celle de tous. Nous faisons en sorte que nos activités de prévention, de santé, de prévoyance, mais aussi nos actions dans les territoires, permettent d’agir sur l’ensemble des déterminants de santé et restent toujours au plus près des besoins de nos adhérents.
Notre raison d’être se décline en objectifs, traduits en actions concrètes dans le cadre de notre plan stratégique Impact(s)26 et suivis grâce à des indicateurs précis. Mais le chemin vers l’évaluation de l’impact de nos actions sur les déterminants de santé est encore long et passera probablement par une collaboration avec des scientifiques et des économistes de la santé.
Harmonie Mutuelle a mesuré pour la première fois son Impact Score, un référentiel mis au point par le Mouvement Impact France pour permettre aux entreprises d’évaluer leur impact écologique et social. Sur le domaine de la santé quelle(s) conclusion(s) ?
LF : Notre score de 70/100 nous place parmi les entreprises les plus performantes en matière d’impact écologique et social. Cela nous incite à poursuivre la démarche initiée et à continuer d’agir pour améliorer nos résultats.
En fin de compte, l’Impact Score reflète l’impact que l’activité d’une entreprise a sur notre santé collective. En effet, en essayant de circonscrire les effets négatifs de ses activités sur l’environnement, ou bien, au contraire, de soutenir les efforts réalisés en matière environnementale, c’est bien l’impact sur notre santé qui est appréhendé.
Les questions ayant trait à la gouvernance et au management ont également une réelle incidence sur la santé. Par exemple, une récente étude réalisée par l’Observatoire de l’imprévoyance du groupe VYV montre que 64 % des cas d’arrêt de travail long sont liés aux conditions de travail.
Enfin, la question du partage de la valeur a, elle aussi, un impact sur la santé collective. Les travaux que mènent, depuis de nombreuses années, les épidémiologistes Richard Wilkinson et Kate Pickett montrent que les sociétés ayant le plus faible taux d’inégalité sont aussi celles où l’état de santé de la population est le meilleur. Par un partage de la valeur équitable, les entreprises contribuent donc à améliorer l’état de santé de la société et des individus.
Pour terminer sur l’engagement lié au capital santé, comment le déployez-vous auprès de vos collaborateurs ? de vos assurés ?
LF : Nous avons une double conviction sur ce sujet. La première, c’est qu’il nous faut sans cesse chercher la cohérence entre ce que nous proposons à nos entreprises clientes, à nos adhérents, et ce qui est mis en place en interne vis-à-vis de nos collaborateurs et de nos élus. La seconde, c’est qu’une action pertinente doit, autant que possible, être précédée d’un état des lieux ou d’un diagnostic.
C’est la raison pour laquelle nous avons déployé l’outil Harmonie Potentiel Humain que nous proposons à nos entreprises clientes ainsi qu’à nos collaborateurs. Cet outil permet de réaliser un diagnostic personnel et collectif sur ce qui crée de l’énergie et sur les éléments qui, au contraire, la dégrade. A partir de ce diagnostic, et à l’issue d’un dialogue avec les instances représentatives, un plan d’action est proposé. Ce dernier se concentre sur des problématiques identifiées tel que le sommeil, le stress, et les troubles musculosquelettiques.
Nous avons également mis en place, en interne et pour nos clients, un dispositif de retour à l’emploi centré sur les arrêts longs, souvent liés aux maladies chroniques. Nous travaillons aussi sur les sujets de santé mentale et avons, par exemple, expérimenté les formations de premiers secours en santé mentale.
Bien entendu, nous sommes attentifs au fonctionnement général de l’entreprise et à son impact potentiel sur la santé. Les questions de culture managériale et d’organisation du travail sont également des fils rouges de notre action. De la même façon, nous nous appuyons sur les partenariats que nous avons noué en matière de running pour créer de bonnes occasions de réunir les collaborateurs et de les encourager à se mettre au sport. C’est une excellente opportunité de lier l’interne et l’externe et de renforcer les liens sociaux qui sont, comme le démontre les scientifiques, un véritable facteur de santé.
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