Novethic, spécialiste de la recherche en finance durable, publie son panorama annuel des labels européens, révélant des chiffres préoccupants concernant la labellisation des fonds d’investissement.
Au 31 juillet 2023, plus de 2 000 fonds avaient été labellisés, cumulant un encours total de plus de 1 307 milliards d’euros. Cependant, malgré ces chiffres impressionnants, la lisibilité des garanties offertes aux épargnants reste relativement complexe.
Une étude qui révèle des paradoxes
Les principaux enseignements de cette étude mettent en lumière des paradoxes concernant les fonds labellisés. Près de 80% des fonds labellisés européens sont classés en « Article 8 » selon le règlement SFDR (Sustainable Finance Disclosure Regulation), un chiffre similaire pour les fonds labellisés ISR. Cette catégorisation est surprenante car la labellisation devrait normalement certifier des exigences environnementales plus strictes pour les fonds.
L’analyse réalisée par Novethic révèle une faible corrélation entre la labellisation et la proposition de fonds « Article 9 », qui se distinguent des grands indices de référence par leurs critères de durabilité. En outre, le label Greenfin, reconnu pour ses exigences environnementales élevées, est attribué à 77% des fonds « Article 9 ».
Les taux d’alignement sur la taxonomie restent faibles
Il est essentiel de noter que malgré la récente révision en cours du règlement SFDR, l’alignement des fonds labellisés sur la taxonomie environnementale reste largement insuffisant. La majorité des fonds labellisés ne s’engagent pas à atteindre un niveau minimal d’alignement avec la taxonomie. Les rares fonds qui s’y engagent n’atteignent en moyenne que 10% d’alignement. En France, l’alignement moyen des fonds ISR est de 5,60% et de 21,5% pour le label Greenfin. Ces données suscitent des inquiétudes quant aux garanties environnementales et sociales offertes par ces produits d’investissement.
Le fossé entre l’offre et la demande en matière de finance durable est particulièrement évident en ce qui concerne l’exclusion des énergies fossiles. De plus en plus d’investisseurs réclament l’exclusion de ces secteurs, mais de nombreux labels ont tardé à prendre des mesures en ce sens.
Une refonte des labels ISR et Greenfin en cours
Le label belge Towards Sustainability a récemment exclu explicitement le charbon, le pétrole, et le gaz non conventionnel, ainsi que les entreprises ne respectant pas les critères de transition crédibles. En France, le label ISR propose également des critères stricts pour le secteur pétrolier et gazier, mais la décision finale est attendue du ministère des Finances, propriétaire du label.
En outre, le label Greenfin, qui relève du Ministère de la Transition écologique, envisage d’intégrer la taxonomie à son référentiel en 2024 et de mettre fin à l’exclusion systématique du nucléaire et du gaz.
Des actions à suivre pour une finance durable crédible
Anne-Catherine Husson-Traore, Directrice Générale de Novethic, a commenté : « Notre étude est utile dans un moment crucial pour les labels européens. Elle permet de faire le point sur un marché qui redevient très utile dans la mesure où la réglementation SFDR demandant aux fonds de s’auto-classifier Article 8 ou 9, a montré ses limites. Les labels restent en principe le meilleur moyen de répondre aux attentes des épargnants qui veulent des produits lisibles et clairs. C’est loin d’être gagné : non seulement chacun des labels a des caractéristiques différentes, mais beaucoup d’entre eux sont en pleine refonte. Il faudrait converger vers des standards susceptibles d’embarquer les épargnants européens dans le financement du Green Deal, mais le projet d’écolabel pour la finance est porté disparu. »
Cette étude souligne la nécessité d’harmoniser les critères de labellisation pour garantir la transparence et la crédibilité des produits d’investissement durables, répondant ainsi aux attentes croissantes des investisseurs conscients de l’importance de la finance durable dans la transition vers une économie plus respectueuse de l’environnement.